Sur le groupe Facebook « La fibre à Conflans », on n’a été que très peu convaincu par la rencontre entre le maire, Laurent Brosse, et Jean-Claude Brier, délégué régional Île-de-France de l’opérateur d’infrastructure XP-Fibre, diffusée sur Youtube le 20 octobre. « Pour ceux qui ne suivent pas le groupe, c’est une bonne vulgarisation, mais pour nous, il n’y a rien de nouveau », affirme son fondateur qui souhaite garder son anonymat.
Ils sont près de 2 000 à être membres de cette communauté d’entraide, créée en 2020 lors de la deuxième phase de déploiement du réseau de fibre optique sur Conflans-Sainte-Honorine. Le but ? Centraliser toutes les questions que se posent les habitants, et leur permettre d’obtenir des réponses sur la situation de leur quartier.
Et le moins que l’on puisse dire, c’est que depuis sa création, le groupe a vu passer bon nombre de plaintes : déconnexions à répétition, dégradations des infrastructures, absence de réponse des opérateurs commerciaux SFR, Bouygues, Orange… Les difficultés se sont multipliées au fil des mois, en témoigne la fréquentation du groupe qui a connu une augmentation brutale au mois de mars 2023. « Selon les recoupements que j’ai fait, 1 ou 2 opérateurs commerciaux ont fait intervenir des sous-traitants qui ont massacré le réseau en faisant des branchements non conformes en prenant la fibre de quelqu’un d’autre », explique le fondateur du groupe.
On en vient alors au nœud du problème : le mode STOC (Sous-traitance opérateur commercial). En effet, les opérateurs d’infrastructure, responsables du réseau, délèguent le déploiement des derniers mètres à un opérateur commercial. Ce mode opératoire a été généralisé pour une mise en place rapide de la fibre optique dans nos foyers. Sauf qu’il y a un hic. De nombreux dysfonctionnements ont été relevés dans la réalisation des raccordements (malfaçons, débranchements injustifiés, intervenants mal outillés…) pour une raison simple : les sous-traitants qui interviennent auprès du réseau sont payés à la connexion réussie. Peu importe si un autre abonné a été débranché dans le processus. « À partir de là, c’est le far west, analyse le spécialiste conflanais. Des sous-traitants débranchent le client d’à côté, et touchent leur argent. Le client débranché va donc appeler le SAV, et ainsi de suite, ça alimente le business ».
La problématique de la rémunération des sous-traitants a notamment été abordée par Jean-Claude Brier, lors de son entretien avec le maire de Conflans-Sainte-Honorine, Laurent Brosse. Ont été évoqués, notamment, un nouveau mode de rémunération basé sur la stabilité de la connexion, ou encore la mise en place de comptes-rendus sous la forme de photos prises avant et après l’intervention, permettant, avec l’intelligence artificielle, de retracer le parcours des sous-traitants. Sauf que selon l’administrateur de « La Fibre à Conflans », la responsabilité des opérateurs commerciaux n’est pas assez pointée du doigt. « Sur le terrain, ce qu’il dit sur la rémunération, ça ne se vérifie pas, observe-t-il. L’effort est louable, mais il ne met pas les pieds dans le plat par rapport à la véritable cause. Tant qu’il y aura beaucoup de sous-traitance, il y aura des indépendants sur lesquels ils n’auront aucun poids, aucun contrôle. Et ces rapports photos avec l’IA, c’est pour rassurer les gens. Ils abordent le traitement des conséquences, sans jamais traiter la cause. C’est comme si, chez vous, on rallumait le disjoncteur sans traiter l’appareil qui fait disjoncter ».
À quelques kilomètres de là, à Achères, les mêmes problématiques pourrissent la vie des habitants. Et à l’image de Conflans-Sainte-Honorine, la Mairie a décidé de se retrousser les manches pour tenter de faire avancer les choses. Ancien cadre technique chez Orange, le conseiller municipal en charge du déploiement numérique, Olivier Le Goff, a en effet pris les choses en main à la demande du maire. « J’ai pu certaines fois, avec l’aide d’un technicien sous-traitant d’XP-Fibre qui intervient très régulièrement sur Achères, dépanner certains de nos concitoyens qui étaient en panne depuis des mois, raconte-t-il dans une vidéo diffusée sur la page Facebook de la Ville. La Mairie, finalement, se substitue en faisant le travail des opérateurs commerciaux, ce qui n’est absolument pas normal. Mais bon, ça a quand même le mérite de faire avancer les choses et de démêler des situations qui paraissent insolubles ».
Des travaux ont également été menés sur de nombreuses armoires à fibre de la commune, à commencer par celle située face au collège Camille Dugast, qui était la source de nombreux dysfonctionnements. Une adresse mail (fibre@mairie-acheres78.fr) a également été mise en place pour recueillir les demandes des habitants à ce sujet. Le conseil municipal a également voté, le mardi 7 novembre, une motion de soutien à la proposition de loi du Sénat visant à assurer la qualité et la pérennité des réseaux de communication en fibre optique.
Une autre mesure, plus radicale cette fois-ci, a été prise par la municipalité de Carrières-sous-Poissy au mois de septembre. Via un arrêté municipal, le maire Eddie Aït avait sommé l’opérateur d’infrastructure de procéder à la mise en sécurité des points de mutualisation en 48 heures, sous peine de se voir adresser une amende administrative pouvant atteindre 1 500 euros.
Toutes ces mesures prises en réaction aux différentes malfaçons ne permettront pas, cependant, de corriger un système qui semblait voué à l’échec. La seule solution serait alors de prendre le mal à la racine. « C’est jamais trop tard pour corriger, assure le fondateur de La Fibre à Conflans. Dès le début, les gens disaient que le mode STOC ne fonctionnerait pas, même les gens du métier, en raison de la responsabilité partagée. Il y a des points de passage obligés, comme éliminer les sous traitants qui saccagent le réseau et réparer, ce qui prend du temps, plus que de monter un réseau de 0. Le souci, c’est que les gens ont besoin d’internet. Il y a quelqu’un dans le groupe qui est coupé depuis le 31 décembre, d’autres qui sont handicapés, qui sont âgés, et qui dépendent d’internet, que ce soit pour travailler ou garder contact avec leurs proches ».
Des alternatives existent, à court terme, pour ne pas dépendre de la réactivité des opérateurs, comme des boîtiers 4G ou les offres Starlink. Si elles ne garantissent pas le confort d’une fibre optique stable, cela reste une meilleure solution que de payer son abonnement alors que le service n’est pas rendu.
Il semblerait finalement qu’il ne reste que le volet juridique pour faire définitivement bouger les choses. C’est en ce sens que la municipalité de Conflans-Sainte-Honorine organise une réunion publique, le lundi 20 novembre à 20 h à la salle des fêtes. Celle-ci proposera un accompagnement aux habitants victimes de dysfonctionnements, que cela concerne d’éventuelles actions judiciaires ou encore l’opportunité de créer une association d’usagers. Le cabinet d’avocats Bunch et sa co-fondatrice, Maître Estelle Rigal-Alexandre, seront présents pour répondre à vos questions, tandis qu’un kit documentaire sera proposé afin de faciliter les démarches auprès de votre opérateur.