Le recteur de la mosquée Mantes Sud est-il au dessus de la loi ?

L’ami du maire de Mantes-la-Jolie Raphaël Cognet qui se positionne comme le redresseur de tort dans le paysage musulman yvelinois se trouve au cœur d’une tempête qui touche son épicerie solidaire et son école fermée sur décision préfectorale. Récit d’un revers de fortune.

Crédits : E. G. - L’OBS

« On lui donnerait le bon Dieu sans confession ! ». L’expression est catholique mais s’applique pourtant parfaitement au responsable associatif musulman Abdelaziz El Jaouhari. Le président de l’Association des musulmans de Mantes-sud est dans la tourmente depuis quelques semaines. Celui qui se présente comme un ex-cadre en marketing, mais à qui on ne connait pas d’activité professionnelle, doit faire face à des difficultés sur lesquelles il reste muet, lui pourtant si prompt à défendre son point de vue, des réunions publiques dans le Mantois jusqu’aux plateaux parisiens de BFMTV. Le site internet de son association AS-SUFFA n’est pas plus documenté, pas plus que celui de l’institut Alif Lam Mim dont il est pourtant on ne peut plus proche. Les déboires d’Abdelaziz El Jaouhari, proche de Raphael Cognet, sont de plusieurs natures.

L’Institut Alif Lam Mim fermé par le préfet

L’Institut Alif Lam Mim possède possède de nombreux manquements graves, ayant eu pour cause sa fermeture en urgence.

Le site internet est accueillant. Il dépeint l’institut « comme un organisme de formation accueillant (sic) plus de 500 élèves dans des cursus d’apprentissage de la langue arabe, de la foi islamique, de mémorisation et récitation du Coran ». Ça, c’est pour la face émergée de l’iceberg. La face immergée est infiniment moins reluisante. Les services compétents qui se sont rendus dans les lieux ont rendu un rapport qui pointe des manquements graves dans une foultitude de domaines : en matière d’assurance, de diplômes des intervenants, de déclaration, de projet éducatif et pédagogique, de locaux qui ne sont pas adaptés à cette activité avec par exemple des toilettes extérieures sales et non adaptées, du matériel de chantier comme une bétonnière et des fers à béton stockés aux abords, un manque de sécurisation extérieure, des issues de secours bloquées, l’absence d’un registre de sécurité, des encadrants qui ne sont pas vaccinés, la présence dans les locaux de sans domicile fixe et celles d’enfants en bas âge sans autorisation de la PMI. Constatant la dérive de l’institut, le préfet des Yvelines a décidé en début de semaine de sa fermeture en urgence.

Épicerie solidaire : une hygiène lamentable

L’épicerie solidaire ne respecte pas les réglementations, que ce soit au niveau de la conservation des produits ou en terme d’information des consommateurs.

Voici un mois, soucieux de la santé des bénéficiaires et comme ils le font dans toutes les structures de ce type, qu’elles soient associatives ou marchandes, les services départementaux de l’hygiène procèdent au contrôle des lieux gérés par l’association AS-SUFFA présidée par Abdelaziz El Jaouhari. Les fonctionnaires y découvrent de nombreuses dates limites de consommation dépassées, des non-respects des températures de conservation pour certains aliments, la mauvaise qualité de certains fruits qui sont défraichis ou entreposés dans des cartons moisis, des boites de conserve cabossées ou endommagées mais également un défaut d’information du consommateur, comme les absences de mentions pourtant obligatoires sur les fruits et légumes, et un étiquetage de certains produits totalement manquant ou parfois incomplet. Si le dernier mort identifié en France par empoisonnement date de septembre dernier, un cas de botulisme dans un restaurant bordelais, l’attitude de cette épicerie solidaire a de quoi inquiéter. Ont-ils bien mesuré le risque d’une telle attitude, eux qui prétendent venir en aide à des ­centaines de personnes dans le besoin ?

Collecte de fonds pour les victimes du séisme : à quoi a servi l’argent ?

Lors du terrible séisme au Maroc le 8 septembre dernier qui a causé la mort de plus de 3 000 personnes et blessé plus de 6 000, une collecte de fonds a été rapidement mise en place par le Royaume, ouvrant un compte bancaire spécialement dédié. Au lieu d’alimenter cette collecte encadrée par le Royaume chérifien, l’association AS-SUFFA d’Abdelaziz El Jaouhari a préféré mettre en place une collecte de son côté, mettant en avant le fait que « L’association As Suffa est en collaboration avec de nombreuses associations partenaires sur place depuis plusieurs années déjà et pour lesquelles nous n’avons pas trouvé de trace. Ces relais nous permettront d’acheminer l’aide d’urgence au plus près des victimes et au plus juste de leurs besoins ». Pour mémoire, la collecte qui a été clôturée le 6 octobre dernier a permis de récolter 290 740 euros de l’aveu même de ses initiateurs. Quant aux 10 152 donneurs, ils attendent encore qu’on leur dise précisément à quoi a servi leur argent. Plusieurs acteurs de la communauté marocaine s’interrogent et demandent à haute voix : où est cet argent ?

Cultive la division
par le mensonge

Jamais avare d’une critique à l’égard des autres responsables d’associations musulmanes du Mantois ou des Yvelines, Abdelaziz El Jaouhari est sorti de son rôle pour devenir un soutien indéfectible de Raphaël Cognet lors des élections municipales partielles de Mantes-la-Jolie du printemps 2022, notamment dans le quartier du Val-Fourré. Cet engagement qui manquait singulièrement de discernement a laissé des traces dans la communauté franco-marocaine qui n’a guère apprécié ce mélange des genres entre politique et engagement religieux.

Pour se donner une forme de respectabilité après laquelle il court depuis des années, El Jaouhari a tenté aussi de jouer les informateurs pour les services de police français. Mais les fonctionnaires des Renseignements Territoriaux (ex-Renseignements Généraux) se sont lassés d’être pris pour des gogos, les tuyaux du responsable associatif étant trop souvent percés à leur goût. Ils ont mis fin unilatéralement à la relation.

Un personnage dépeint comme « trouble »

Abdelaziz El Jaouhari, proche de n’a pas que des amis, c’est un euphémisme que de l’écrire. Quand on interroge ceux qui ont eu l’occasion de le croiser, les critiques ne manquent pas. « C’est quelqu’un qui aime beaucoup la lumière mais, dès qu’on y regarde de plus près, on s’aperçoit que c’est quelqu’un d’assez trouble. On ne lui connaît par exemple aucune activité professionnelle ni entrepreneuriale, du moins une activité officielle » tacle un fin connaisseur de la communauté musulmane du département qui poursuit : « Il a par exemple été éconduit du Collectif des Institutions Musulmanes des Yvelines (CIMY) par un conseil de discipline. Son tort, s’être exprimé dans les médias au nom du CIMY alors qu’il n’en avait pas reçu mandat par ses dirigeants ».

Beaucoup de ses agissements sont à l’avenant.

Un autre de notre interlocuteur explique : « En 2014, il est parvenu à mettre la main sur des locaux appartenant à la Ville de Mantes-la-Ville grâce à un tour de passe-passe, parvenant à déborder une autre association musulmane à qui les murs étaient destinés à l’origine. Depuis, il a monté une kyrielle d’associations dont il est le président. En fait il se sert de la religion pour exister dans le paysage. Si un jour il parvient à obtenir la nationalité française qui lui a déjà été refusée, il va tenter de faire une carrière politique. En attendant, il s’est rapproché de Raphaël Cognet et a fait campagne pour lui aux municipales ».

Pour s’attirer les bonnes grâces des Musulmans, il n’hésite pas défier les lois de la République raconte un musulman du Mantois : « Pendant le confinement, il s’est vanté d’avoir organisé des prières de nuit dans les locaux de son association alors que le couvre-feu était en vigueur. Tout ça, c’est pour plaire à la communauté. C’est comme son épicerie sociale, son institut et tout le reste ».

Une autre action d’Abdelaziz El Jaouhari, proche de Raphael Cognet, pose souci à une partie au moins des membres de la communauté musulmane, la collecte de la Zakat, l’aumône obligatoire versée annuellement en vertu des règles de solidarité de l’Islam, un de ses cinq piliers : « Il a monté un site internet baptisé Zakat78 avec lequel il collecte l’argent de l’aumône obligatoire. Mais où passe l’argent de cette collecte ? Là encore, personne ne le sait. Il est tellement roublard qu’il arrive à décourager les rares curieux qui demandent des comptes. Quant aux naïfs, ils se contentent des explications très parcellaires qui figurent sur son fameux site internet ».