La décision avait fait grand bruit, lors de la mise en place de GPSEO : le 1er janvier 2017, la communauté urbaine récupérait, en pleine propriété, la compétence « espace public », dite voirie. « GPSEO va donc gérer directement aussi bien les programmations de travaux d’entretien courant, de renouvellement que d’aménagements neufs ainsi que les personnels et les équipements liés à ce secteur d’activité », déclarait alors le président de l’époque, Philippe Tautou.
Seulement voilà, presque 7 années plus tard, la loi 3DS, qui donne plus de marge de manœuvre aux élus locaux, est passée par là. La communauté urbaine a alors proposé aux maires qui le souhaitent d’exercer eux-mêmes la compétence, ou au moins une des 3 parties qui la composent, pour les 3 prochaines années : la propreté (balayer les rues, vider les corbeilles…), les espaces verts (fauchage…) et la voirie (travaux courants sur la chaussée). Mais attention, « ce n’est pas une restitution de compétence, comme le précise Cécile Zammit-Popescu, présidente de GPSEO. C’est un exercice à la place de. On est toujours compétent, mais la commune exerce à notre place ».
Sur les 73 communes qui composent la communauté urbaine, 11 ont décidé de récupérer au moins une partie de la compétence. À Flacourt, on a choisi uniquement la gestion des espaces verts, et à Aubergenville, seulement la propreté, tandis que 5 autres villes récupèrent ces deux composantes : Breuil-Bois-Robert, Les Mureaux, Limay, Mantes-la-Jolie et Mantes-la-Ville. Enfin 4 communes ont pris la décision de s’occuper de l’intégralité de la compétence, avec, donc, la gestion de la voirie. Soit Mézy-sur-Seine, Triel-sur-Seine, Vernouillet et Sailly.
« Les tailles des communes sont très diversifiées, avec dans chaque case, une commune avec peu d’habitants, observe Suzanne Jaunet, 1ère vice-présidente déléguée aux espaces publics et aux relations avec les communes. La présidente était très attentive à ce que les choix soient faits en fonction de leur volonté, de leur personnel. C’est assez varié, on s’adapte ».
Depuis son village de près de 400 habitants, Gérard Béguin l’assure : il n’a pas hésité à récupérer l’intégralité de la gestion de sa voirie. « J’ai pris ma décision rapidement, le conseil municipal a été unanime, se souvient le maire de Sailly. On ne peut pas se permettre d’attendre que ça aille toujours mieux. À un moment, il fallait prendre le taureau par les cornes ».
S’il admet que l’organisation de la communauté urbaine « s’est améliorée », il se souvient des débuts qu’il juge « catastrophiques ». « Il y a eu des opérations de tonte sur des terrains privés au lieu de terrains publics. Un jour, comme par hasard, ils ont même tondu chez moi ! L’année dernière, ils ont même fait une opération de tonte fin novembre, alors qu’il n’y a plus d’herbe qui pousse à ce moment-là. Ça a été mal managé ».
À quelques kilomètres de là, à Mézy-sur-Seine, Fabrice Zuccarelli a dressé peu ou prou le même constat. « Aujourd’hui, sur la voirie et la propreté, on a un temps de latence trop important entre le signalement et le lancement de l’intervention, constate l’édile. Par exemple pour un nid de poule, quand GPSEO va arriver, il sera plus gros car ils seront venus la semaine d’après. C’est à eux de faire le tour, mais c’est compliqué avec autant de communes ».
Pourtant, lui aussi souligne que « les travaux sont de qualité ». Seule la rapidité d’exécution l’a convaincu de reprendre la main sur l’ensemble de la compétence. « En avril-mai, on a signalé un affaissement sur un des trottoirs le long de l’école, se rappelle-t-il. Le trou, aujourd’hui, il y est toujours, alors que des enfants y passent quotidiennement. Ce n’est pas sérieux ».
C’est pour ces mêmes raisons que Cédric Aoun, à Triel-sur-Seine, a lui aussi voulu reprendre la main. « L’idée est d’avoir plus de réactivité, en plus d’éviter d’avoir un intermédiaire, développe le maire. Il est normal que la communauté urbaine fonctionne par priorité. Mais les habitants sont exigeants, et méritent un entretien à la hauteur de leurs attentes, et cela passe par une gestion à l’échelle locale ».
Tant d’arguments qui ont eu du mal à convaincre la présidente de GPSEO. Cécile Zammit-Popescu a en effet qualifié d’« aberration » le choix des communes, insistant qu’ils allaient devoir « se débrouiller » pour passer leurs propres marchés, avoir leur propre matériel et leurs propres agents. « On n’a pas voulu que certains de nos collègues se mettent en difficulté, donc on leur a dit que leurs montants d’attribution de compensation étaient tellement faibles qu’ils ne parviendraient pas à exercer la compétence, a-t-elle expliqué. Mais on n’a pas été entendus. Sur les 11 qui ont fait ce choix, certaines ont eu de grosses alertes sur leur capacité à faire ».
Pas de quoi inquiéter un Georges Béguin qui se veut rassurant. « Je vais y arriver sans aucun problème, vu que je reviens comme avant. Une partie des attributions de compensation va me permettre d’augmenter les heures de mon employé. Je comprends les communes qui n’ont plus le matos et qui sont obligées de faire des investissements. Moi, il est fait, j’ai l’homme, il suffit que je manage. Je ne suis pas du tout en conflit avec la communauté urbaine. Je pense juste que GPSEO était toute neuve, et ne pouvait pas tout faire bien. Sauf que ça a trop tardé pour faire bien. On est d’accord avec la présidente ».
Même son de cloche à Mézy-sur-Seine, où Fabrice Zuccarelli assure avoir « gardé tout le matériel » au moment du transfert de la compétence, en 2017. « On a fait les calculs sur ce qu’on dépensait avant, on est optimiste, assure le maire. C’est aussi une volonté politique d’avoir une ville propre, et s’il faut mettre un peu plus la main à la pâte, on le fera ».
Des recrutements et un marché public sont cependant nécessaires à Triel-sur-Seine, afin de se doter d’une équipe d’entretien de voirie, ainsi que du matériel de base. Mais pas de quoi inquiéter la municipalité qui reste sûre d’elle financièrement parlant. « Avant de prendre cette décision lourde, il y a eu une vraie analyse des risques financiers, explique Cyrille Arzel, conseiller municipal délégué à l’entretien de la voirie. La décision a été prise, même s’il n’y a pas eu d’unanimité du conseil, de prendre cette décision en tout état de cause. On est conscient, et on estime que le budget qu’on va récupérer par rapport aux compensations permettra d’avoir au moins la même qualité de service ». « À ce que je sache, la Ville n’était pas en faillite quand elle assurait la compétence avant la communauté urbaine, enchérit Cédric Aoun. Il ne faut pas avoir de discours alarmiste ».
Si certains pourront y voir un aveu d’échec de la part de la communauté urbaine, Suzanne Jaunet, elle, souligne qu’une immense majorité des villes et villages du territoire font confiance à GPSEO. « La CU est encore jeune, elle n’a que 7 ans d’existence, rappelle-t-elle. On a acquis notre vitesse de croisière il y a deux ans, quand on a mis un coup d’accélérateur. C’est vrai que la grande majorité était satisfaite. J’ai la chance, en côtoyant les maires, d’entendre leur satisfaction, car on a des équipes très mobilisées dans les CTC (Centres Techniques Communautaires, ndlr.) ».
Les 62 communes faisant confiance à la communauté urbaine l’ont-elles fait par fidélité, satisfaction ou par manque de budget pour gérer eux-mêmes la compétence ? Quoi qu’il en soit, les choix ne sont pas définitifs, la convention s’arrêtant dans 3 ans. Mais comme le dit Suzanne Jaunet, « on ne peut pas réorganiser les CTC tous les 4 matins, l’humain n’est pas une variable d’ajustement ».