Odeurs, poussières.. Des riverains dénoncent des nuisances provenant du centre INOE

Des habitants de Triel-sur-Seine et de Vernouillet ont créé un collectif, baptisé Respire78, pour dénoncer les nuisances générées par la société de broyage de bois INOE. Depuis 2016, les riverains se plaignent de mauvaises odeurs et de rejets de poussières, qui iraient jusqu’à causer des problèmes respiratoires.

« C’est une activité industrielle qui n’a rien à faire en milieu urbain ou semi-urbain ». Voilà maintenant plusieurs années que Luc et bon nombre de ses voisins se plaignent de nuisances rencontrées dans leur quartier, entre Vernouillet et Triel-sur-Seine. Les mauvaises odeurs tenaces, ainsi que les rejets et les dépôts de poussière de bois qui perturbent le quotidien des habitants, ont une source bien identifiée : la plateforme de valorisation de biomasse INOE, installée depuis 2016 sur l’ancien site de la société Etex à Vernouillet.

Sur cette ancienne friche industrielle, on broie une quantité astronomique de bois – que ce soient des déchets, ou des rémanents issus de l’entretien des arbres en ville et de la valorisation des forêts – pour en faire du combustible. Un procédé vertueux tout à fait louable, mais dont les nuisances occasionnées font grincer des dents chez les habitants du quartier. Au point que ces derniers donnent vie à un collectif, baptisé Respire78, pour faire entendre leur voix.

« Ça s’est manifesté ces 3-4 dernières années, et avec ma femme, on se demandait si on était les seuls à sentir ces odeurs nauséabondes pratiquement insupportables, se souvient Luc, à l’origine de la création du collectif. L’idée était de savoir si nos voisins, eux aussi, les avaient remarquées ». L’été dernier, ils se mettent à distribuer des tracts dans les boîtes aux lettres de la zone autour de la plateforme INOE, qui semble alors être l’épicentre de ces mauvaises odeurs et dépôts de poussière. Et là, bingo : des dizaines de réponses leurs parviennent, à la fois de Vernouillet et de Triel-sur-Seine. À la fin du mois d’août, le collectif voit le jour.

L’une des premières initiatives des membres de Respire78 est de multiplier les courriers. Mairies de Vernouillet et Triel, direction d’INOE, Direction Régionale et Interdépartementale de l’Environnement, de l’Aménagement et des Transports (DRIEAT)… Tout y passe. Et les réponses ne tardent pas à arriver. Parmi elles, celle du directeur du site d’INOE, Éric Walme. « Il était étonné, et a dit que c’était la première fois que des gens se plaignaient », se souvient Luc. L’intéressé, en toute transparence, propose alors aux membres du collectif de visiter le centre.

« Il nous a fait visiter sa plateforme, on a circulé au milieu des tas de copeaux, on est allé dans une salle de réunion pour discuter, et on s’est rendu compte qu’on n’avait aucune réponse en face de nous, et même plus d’inquiétudes », raconte le créateur du collectif. Les habitants sont d’abord étonnés que la réunion se fasse en présence de « consultants en médiation avec les associations ». « Ça nous a déplu, se souvient Luc. On est juste des riverains, on n’a pas très bien compris ». Les membres du collectif ont regretté un « manque d’explications » au sujet des mauvaises odeurs, car selon le directeur du site, les nuages de fumées qui s’échappent des montagnes de copeaux de bois ne sont « que de la vapeur d’eau ».

La société a cependant assuré s’atteler au deuxième problème, celui des dépôts de poussière dans le quartier : des brumisateurs ont été mis en place pour arroser lors du broyage, et ainsi faire retomber les copeaux. « On lui a dit, désolé, mais ça ne marche pas », raconte le Vernolitain.

Outre les dépôts réguliers de poussière sur leurs véhicules, les riverains craignent surtout pour leur santé.

Si, du côté d’INOE, on affirme ne jamais avoir eu affaire à quelconque plainte, la DRIEAT aurait cependant affirmé que le centre était bien connu de leurs services, que ce soit pour des non-conformités des systèmes de sécurité incendie, ou encore de volume de bois traité. « Il y a deux ans, on avait déjà eu des sollicitations à partir desquelles on avait saisi la DRIEAT, glisse-t-on du côté de la Mairie de Vernouillet. À l’époque, il y avait eu une mise en demeure sur la société, mais qui s’était résolue suite à des mises en conformité ».

Après la création du collectif, la Municipalité s’est rapprochée de ses membres afin de leur garantir qu’elle allait « appuyer les démarches pour que la plateforme entre en conformité ». « On a été proactif dans la limite de nos compétences à propos des nuisances, assure-t-on au sein de la Mairie. On a essayé de dialoguer avec l’ensemble des parties pour faire comprendre à chacun les contraintes de l’autre. C’est une entreprise qui rayonne sur l’ensemble du territoire, mais aujourd’hui, il est important qu’on trouve une solution qui contente l’ensemble des parties ».On rajoute également du côté de la Ville que l’arrivée de la société sur ce site « ne s’est pas faite dans les meilleures conditions », la faute à une installation qui « s’est faite de privé à privé à titre précaire ».

À la Mairie de Triel-sur-Seine, on a mis en place un formulaire en ligne au mois de novembre dernier, faisant état d’« odeurs nauséabondes constatées à Triel et dans les villes alentours », et ce « malgré les démarches amiables effectuées par la Ville auprès des acteurs concernés ». Ce questionnaire a notamment permis de recenser les nuisances et les désagréments rencontrés par les Trielloises et Triellois afin « ­d’engager une procédure administrative ».

Un compte-rendu de la visite du collectif au sein du centre INOE a donc été transmise à la DRIEAT qui, après avoir analysé le dossier et organisé une « visite surprise » sur le site début décembre, a rendu son verdict : une « mise en demeure » a été signifiée à INOE pour demander la mise en place d’un dispositif permettant de limiter la propagation des odeurs, et pour qu’une étude sur les rejets de poussières soit réalisée. « Pour la première fois, les préoccupations des riverains sont prises en compte par les autorités grâce à l’action de notre collectif, et surtout grâce à la tenue de notre registre des signalements qui constitue une preuve solide des nuisances que nous subissons », se ­satisfait Luc.

Cependant, il n’y a pas encore de quoi crier victoire pour le fondateur du collectif, qui s’interroge toujours sur « les conditions dans lesquelles seront réalisés les dispositifs et études », et si cette mise en demeure ne risque pas « d’inciter INOE à jouer la montre sans vraiment chercher à trouver des solutions rapides et efficaces ».

Dans tous les cas, INOE ne s’éternisera pas sur son site vernolitain. Si les membres de Respire78 doutent de la promesse du directeur, qui leur a annoncé que la société fera ses bagages « d’ici un an et demi », la Mairie maintient que le terrain qui accueille le centre doit être revalorisé dans le cadre du projet Grosse Pierre. « L’État et GPSEO travaillent ardemment avec la société pour accompagner le déménagement de cette plate-forme sur un espace plus approprié », assure la Ville. L’objectif d’INOE serait d’ailleurs de développer un pôle d’excellence autour de la filière bois. Encore faut-il que des habitations ne se situent pas à proximité.

Contactée, la société INOE n’a pas souhaité apporter de ­commentaires.