Le champignon de Paris, espèce en danger

À Evecquemont, Angel Moioli fait partie des quatre champignonnistes qu’il reste en Ile-de-France. Malgré la féroce concurrence de la culture industrielle venue des Pays-Bas, il conserve toute sa passion et revendique un champignon qui a du goût.

Bienvenue au royaume champignon. Sans salopette bleue ni casquette rouge, Angel chouchoute ses agaricus bisporus, ses pleurotes et ses shitakés. Pas besoin de tuyau non plus pour veiller sur ses 2Ha de production, il fait tout à pied alors qu’un kilomètre de distance sépare le fond de la grotte calcaire à son entrée. Un lieu atypique – « car d’ordinaire c’est de la pierre de taille avec des passages étroits » – mais qui procure toute la saveur de ses champignons. En effet, ceux-ci agissant comme un filtre, ils absorbent donc ce qui compose leur environnement, de la roche au ­compost.

Le vendredi entre 14h30 et 17h30 et le samedi de 11h à 12h, vous pouvez vous procurer les champignons d'Angel Moioli

Le myciculteur s’est installé à Evecquemont il y a de cela 8 ans, lorsqu’il a racheté la propriété à la famille Zinetti qui partait à la retraite. Des personnes aux ascendances italiennes, comme ses aïeuls : « C’est commun en région parisienne dans le milieu du champignon. Souvent ils venaient des montagnes car là-bas, ils étaient habitués à transporter des charges lourdes » Car de la force, il en faut pour récolter 400 kg par semaine par la seule force de ses bras – et de ses doigts – et cela, quasiment toute l’année. C’est son grand-père, Angelo, qui lui a refilé le virus. Celui-ci avait acheté la carrière de Montesson pour s’occuper durant la retraite, pensant qu’elle pourrait servir à un enfant ou un petit-enfant. Angel restera 21 ans dans l’entreprise familiale.

Question pour un champignon

« Comment faire un bon champignon de Paris ? C’est un grand secret » dit-il avec un large sourire. En plus du lieu idoine, un excellent compost est nécessaire. Le mélange fait grandement envie : du fumier de cheval, avec de la paille, sur lequel le mycélium est directement ajouté, ainsi qu’un petit dosage de fiente de poule afin d’apporter la touche d’azote qu’il faut. Mais malgré ces éléments peu ragoûtants qui le compose, c’est une denrée précieuse. Auparavant, le champignonniste s’approvisionnait dans une coopérative située dans l’Oise. Malheureusement, elle a mis la clef sous la porte à cause d’une mauvaise gestion financière et une ardoise laissée par certains de ses confrères. Alors qu’il aurait pu se fournir en Belgique, Angel a choisi de rester « français » grâce à une coopérative basée en Touraine. Ses 7 tonnes hebdomadaires lui coûtent certes plus cher et ont mis son activité en péril, mais sont plus en accord avec ses valeurs.

Il faut 4 semaines de pousses pour récupérer les champignons.

Par ailleurs, son savoir-faire se perd. Il doit surtout faire face à la concurrence industrielle venue des Pays-Bas, « de grands hangars stériles gérés par informatique ». Certes les champignons sont jolis et peu chers, mais restent fades en bouche. Autre menace, l’absence de repreneur. Lui-même est le seul petit-fils encore dans le métier… « Avant les enfants se lançaient dans l’aventure, explique le myciculteur de 62 ans, mais pour en avoir discuté avec les 3-4 collègues des alentours, cela ne leur fait pas envie quand ils voient notre charge de travail et nos salaires. » Il aimerait compter sur le support de la Région mais l’instance gérée par Valérie Pécresse a stoppé un programme d’animation et de structuration de la filière l’année dernière. Désormais plus que quatre dans la région francilienne, une impression domine : celle que le champignon de Paris deviendra bientôt celui d’Amsterdam.