Étang de la Galiotte : pourquoi les chalets vont-ils être démolis ?

Le Département, propriétaire des lieux, souhaite démolir l’ensemble des chalets flottant sur le plan d’eau de Carrières-sous-Poissy afin de sécuriser et renaturer les berges, à la fin de l’année 2025. L’association de l’étang de la Galiotte, par la voix de son président Emmanuel Soyer, entend bien se battre pour préserver ce lieu unique du territoire, et espère même le transformer en lieu pédagogique et culturel.

Crédits : Association de l’étang de la galiotte

« Ce n’est pas juste du bois qu’ils s’apprêtent à écraser, mais une aventure humaine ». Le président de l’association de l’étang de la Galiotte, Emmanuel Soyer, n’en démord pas : la volonté du Département de détruire les chalets flottants est selon lui « une absurdité ».

Ces petites cabanes pittoresques, qui flottent sur l’étang de la Galiotte et qui permettaient à l’origine aux pêcheurs de s’abriter, servent désormais de logements saisonniers et font pleinement partie du patrimoine local. Auparavant faites de bric et de broc, ces maisonnettes se sont peu à peu métamorphosées et constituent désormais un quartier à part entière, au cœur du Parc du peuple de l’herbe à Carrières-sous-Poissy. De quoi faire le bonheur des promeneurs du dimanche, en quête de dépaysement à deux pas de la ville.

Cependant, le propriétaire du lieu reste le conseil départemental. Et celui-ci ne goûte que très peu à ce qu’il juge être des « constructions sauvages ». « On remarque surtout que cela abîme et fragilise la berge, glisse-t-on du côté du Département. Tout à commencé il y a 3 ans, quand on a vu que des chalets se revendaient entre 80 000 et 90 000 euros, et que ça se sédentarisait complètement. On a surtout observé que la berge se détériorait, que les gens faisaient des aménagements non autorisés. On veut reprendre la maîtrise de cet étang, d’abord dans une optique de sécurité, puis de renaturation des berges ».

« Les gens ont adoré, et ils sont devenus dingues quand on leur a appris que tout allait être détruit » se remémore Emmanuel Soyer. Crédits : Association de l’étang de la galiotte

Pour y parvenir, le Département a changé le système de reconduction des baux de tacite à expresse. De ce fait, il ne renouvellera pas les conventions d’occupation accordées aux occupants des chalets de la Galiotte, et ce dès la fin de l’année 2025. Si au sein du conseil départemental, on assure qu’aucun projet n’est arrêté, la démolition des cabanes ne fait aucun doute.

« Je pense qu’il y a eu un malentendu dès le départ », regrette Emmanuel Soyer, qui admet que l’association n’a « pas joué son rôle » pendant la crise sanitaire. « Après le Covid, j’ai envoyé des lettres à ceux qui ne filaient pas droit dans l’association, en leur disant d’entretenir leur chalet et de stopper les travaux non-autorisés, sous peine d’être virés, se souvient-il. Et ça s’est arrêté tout de suite ! Il n’y a plus rien qui dépasse, on a redressé la barre ». Pourtant, pas de quoi convaincre le Département.

Alors au mois de novembre 2022, le président de l’association se rend dans le bureau de Pierre Bédier, le président du Département, pour lui présenter une alternative : intégrer les chalets dans un projet culturel, éducatif et écologique. Le but ? Promouvoir ce patrimoine et tout le Parc du peuple de l’herbe qui est devenu, aux yeux d’Emmanuel Soyer, « un caniparc à 22 millions d’euros ». L’idée de l’association est d’améliorer les cabanes en alliant des subventions départementales au financement des propriétaires, pour les doter de toitures végétales, de cellules solaires et de mettre en place un système de recyclage d’eau, les cabanes n’ayant toujours pas accès à l’électricité ni à l’eau courante. « C’était la base : réintégrer l’homme dans la nature sans mauvaise influence de l’un sur l’autre, et redevenir un lieu de contemplation sans impact sur l’environnement », souligne le président de ­l’association.

Outre l’aspect écologique, le projet imagine une ouverture à tout le système éducatif, avec des visites scolaires. « Il y avait quelques cabanes abandonnées qu’on a proposé de laisser au Département, pour qu’elles soient purement dédiées à des visites pédagogiques », ajoute Emmanuel Soyer. Sans parler du volet culturel, avec l’installation d’une résidence d’artiste, ou encore la création d’un festival bi-annuel… sur l’eau. « Je leur ai proposé de fabriquer une barge flottante pour accueillir les musiciens, sans aucun ampli, uniquement a capela avec la portance des ondes sonores sur l’eau. J’imagine un concert de jazz au printemps, et un de musique de chambre en automne. Et là, on ouvre les chalets pour que les gens viennent et profitent du concert, à la manière de loges ­d’opéra ».

Ces petites cabanes pittoresques, qui flottent sur l’étang de la Galiotte et qui permettaient à l’origine aux pêcheurs de s’abriter, servent désormais de logements saisonniers. Crédits : Association de l’étang de la galiotte

S’il ne ferme pas la porte de prime abord, le Département finit par mettre fin aux illusions de l’association au début de l’année 2023 : il reprendra bien la maîtrise des chalets à la fin de l’année 2025. « Leur projet nous a été présenté, mais il y a plusieurs hypothèses, et aucune n’a notre préférence pour l’instant », déclare le conseil départemental. Si l’instance publique préfère botter en touche, c’est à cause du projet global qui concerne la boucle de Chanteloup, fixé à horizon 2028-2029.

« Nous sommes dans un projet d’acquisition de terrain, de renaturation, souligne-t-on du côté du Département. On ne peut pas s’engager tout de suite pour l’étang, car cela viendrait percuter le projet global qui va de Carrières-sous-Poissy à Chanteloup. On ne veut pas démolir pour démolir, ce qu’on veut, c’est récupérer cette emprise. On ne peut pas laisser des gens occuper un lieu comme un village gaulois privatif ». La rive sud de l’étang de la Galiotte se retrouvait ainsi vierge de toute habitation en attendant que le conseil départemental décide de son destin. « Ça restera en jachère pendant longtemps, autant laisser les chalets en attendant un projet cohérent », rétorque Emmanuel Soyer.

Les membres de l’association de l’étang de la Galiotte souhaitent donc mettre à profit le temps qu’il leur reste, en permettant au plus grand nombre de profiter de cet espace hors du temps. C’est dans cette optique que la quarantaine de chalets a accueilli pas moins de 1 200 personnes lors des dernières Journées Européennes du Patrimoine, au mois de septembre 2023. « Les gens ont adoré, et ils sont devenus dingues quand on leur a appris que tout allait être détruit » se remémore Emmanuel Soyer. D’ailleurs, cette petite opération a fait grincer des dents du côté du Département : alors que l’association souhaitait réitérer l’expérience à l’occasion des Journées de l’architecture, elle a reçu un courrier recommandé les menaçant d’expropriation immédiate. « Ils ont organisé cela sans notre autorisation, on est propriétaire, on fait valoir nos droits » assène la collectivité.

Le dernier levier restant pour l’association ? La mobilisation populaire. Mais avant d’organiser quelque manifestation que ce soit, Emmanuel Soyer veut être sûr d’être soutenu. « On va organiser quelque chose quoi qu’il arrive, on ne va pas les laisser détruire la seule chose intéressante et pittoresque de ce parc. Il faut que les gens voient le lieu, voient ce qu’il représente. Car ce qu’on cherche à défendre, ce ne sont pas nos 4 bouts de planche, mais tout un patrimoine ».

La longue carrière de l’étang de la Galiotte

L’histoire de ce plan d’eau emblématique remonte aux années 50, quand il ne s’agissait que d’une ancienne carrière de sable. À la fin de l’activité de celle-ci, il a été décidé de l’inonder pour en faire un lieu de pêche. Vient alors une idée à l’un des anciens salariés de la carrière : reproduire des chalets pour s’abriter, selon des cabanes flottantes qu’il avait pu observer lors d’un voyage au Canada. Cette occupation, qui s’est d’abord faite sans autorisation, a ensuite fait l’objet d’une convention d’occupation avec la société d’exploitation de la carrière, propriétaire de l’époque. Le ­Département a finalement racheté les terrains dans les années 2010.