Ils ont gardé le meilleur pour la fin. Alors que l’on s’approche de la fin d’après-midi en ce mercredi 15 mai, voilà que le public de la Plaine des sports Grigor Obreja accueille le clou du spectacle : les « bboys » de l’Équipe de France de breaking. « Vous allez voir des choses vues nulle part ailleurs ! » s’enflamme le speaker plein d’enthousiasme.
Freezes, footwork, airflare, headspin… Ces noms ne vous disent peut-être rien, mais l’exécution de ces figures acrobatiques a provoqué admiration et acclamations de la part des quelques 200 enfants réunis, de 14 h à 18 h, pour cette première édition du village des cultures hip-hop. La Mairie de Buchelay et la Kenlaw Dance Academia ont vu les choses en grand pour célébrer les arts urbains : freestyle football, graff, double dutch étaient de la partie, mais c’est bel et bien le breaking qui était la star de l’événement, à quelques semaines de son intronisation en tant que discipline olympique.
« Le but était que les jeunes puissent découvrir les différentes disciplines issues de la rue ». À l’initiative de cette célébration sportive et culturelle, on retrouve Kenlaw, originaire de Mantes-la-Jolie et figure locale du breaking, qui œuvre depuis des années pour la démocratisation et le développement de sa pratique. Pour lui, la voir débarquer aux Jeux Olympiques de Paris est « une fierté ». Mieux, « une consécration », et « une opportunité historique pour la culture hip-hop ».
Vu de l’extérieur, cependant, la légitimité du breaking est largement remise en question. Le président adjoint de la Fédération française de billard Jean-Pierre Guiraud, qui frappait lui aussi à la porte du CIO pour intégrer son sport aux JO, n’y était pas allé de main morte : « J’accepterais que l’on perde contre le squash, mais contre le breakdance, c’est hallucinant », lâchait-il dans les colonnes de L’Équipe. Pourtant, un tel choix n’a rien d’illogique pour le fondateur de la Kenlaw Dance Academia. « Le CIO nous a choisi car ça attire la jeunesse, se défend-il. On fait partie des sports émergents. Nous, le breaking, on revendiquera toujours que c’est un art. Mais il y a évidemment un aspect sportif avec le côté spectaculaire, la préparation physique qui est très similaire à celle des boxeurs… En fait, ça mêle l’art et le sport, avec des prouesses techniques d’athlète de haut niveau ».
Ce n’est pas Matéo Latorré qui dira le contraire. À 17 ans, il se targue déjà d’une expérience de 13 ans (!) dans le breaking. « C’est ma mère qui m’a inscrit quand j’étais tout petit, car je n’arrêtais pas de danser devant la télé dès qu’il y avait un peu de musique », s’amuse-t-il. Aujourd’hui, Mattéo fait partie de l’Équipe de France, et même s’il ne fera pas partie de la délégation olympique, il se félicite de voir, dans quelques mois, ses comparses performer devant le monde entier depuis la place de la Concorde. « C’est très important qu’une discipline comme le break soit aux JO, car c’est une discipline d’expression ».
Au sein de la discipline, l’effet JO se fait d’ailleurs déjà ressentir depuis de nombreux mois. « Il y a énormément d’enfants qui se lancent depuis l’année dernière, et à partir de septembre, ça va exploser », assure Kenlaw. Le label Terres de Jeux 2024, qui valorise les collectivités territoriales œuvrant pour la pratique du sport, n’y est pas étranger.
La commune de Buchelay fait justement partie de ce dispositif, et a même été récompensée pour son engagement sportif : le 13 octobre dernier, elle remportait le trophée de la commune rurale la plus sportive du département, décerné par le Comité Départemental Olympique et Sportif des Yvelines. « Une fierté » pour Madické Kamara, directeur du service des sports de la Ville. « On essaie de développer au maximum le sport sur la commune, c’est un vrai enjeu de la politique bucheloise, assure-t-il. On est quand même l’une des seules villes du 78 à avoir fait un partenariat avec une équipe olympique de judo, celle du Sénégal. Les sélectionnés pour les JO s’entraînent ici, car on est centre de préparation pour les Jeux ».
Le maire Stéphane Tremblay, qui a passé une tête à la Plaine des sports pour saluer les athlètes en fin de journée, est plus que satisfait de l’implication de sa commune pour le développement de la pratique sportive, en particulier auprès des enfants buchelois. « Un événement sur ce format là, c’est une première. C’est une manière d’amener les jeunes vers le sport, car pour le coup, le breaking, c’est très sportif. Dès qu’on peut promouvoir le sport, la culture et tout ce qui ouvre l’esprit, on est là ».
Buchelay n’en est pas à son coup d’essai avec la discipline : l’Urban camp breaking propose chaque année des battles réunissant des « bboys » et « bgirls » des quatre coins du pays. La quatrième édition se tiendra d’ailleurs au mois d’octobre prochain, toujours à la Plaine des sports Grigore Obreja. Mais avant cela, Kenlaw donne rendez-vous aux yvelinois ce jeudi 6 juin : le King of breakers mettra aux prises des équipes venues de Belgique, d’Italie, d’Espagne et même de Russie au Chesnay-Rocquencourt. On compte cependant sur le crew « 1er avertissement » pour porter haut les couleurs yvelinoises.
Le breaking aux JO, comment ça marche ?
Lors des Jeux Olympiques de Paris 2024, la compétition de breaking sera composée de deux épreuves, une masculine et une féminine. Elles verront respectivement 16 « bboys » et 16 « bgirls » s’affronter dans des battles spectaculaires, en 1vs1. Les athlètes enchaîneront les « powermoves » comme les coupoles, les six-step ou encore les freezes en s’adaptant et en improvisant sur le son du DJ pour s’adjuger les votes des juges, et remporter le premier titre olympique de breaking. « On est dans les favoris, assure Kenlaw quant aux chances de médailles françaises. Laquelle, je ne saurais pas le dire. On a des danseurs comme Danny Dan qui sont déjà qualifiés. On a clairement une chance, face à des nations comme le Japon, les États-Unis, la Corée du Sud et la Russie qui vont se disputer la médaille d’or ». Rendez-vous les 9 et 10 août !