
Le problème ne date pas d’hier et surtout est généralisé à tout le territoire. Dès 2016, un article paru dans le Monde Diplomatique déplorait déjà le manque de médecins dans de nombreuses communes françaises. Selon eux, le recrutement était trop restreint et une concentration s’effectuait dans les zones les plus riches. De plus, les territoires avec la part de la population âgée de plus de 60 ans sont également ceux où la densité de médecins reste la plus faible. Par ailleurs, une véritable fracture se dessinait dans le rural profond, en particulier dans les communes où la population décroît, avec des délais pour obtenir un rendez-vous avec des spécialistes qui ne cessaient de s’allonger.
Les maux étaient alors identifiés comme le fameux numerus clausus. Celui-ci limitait le nombre d’étudiants et a été remplacé en 2020, par le numerus apertus, soit un système d’admission ouvert qui permet à tous les étudiants remplissant les critères d’entrée de s’inscrire dans une faculté de médecine. Cependant, il faudra attendre encore quelques années pour voir les effets de cette réforme, la faute à des études de médecine souvent très longues. La Santé étant un des sujets de prédilections des Français, les maires se retrouvent régulièrement acculés de questions sur cette thématique alors qu’elle n’est pas une compétence directe de la commune.
Dans les Yvelines, 6 500 professionnels de santé résident dans le territoire, dont 2 000 médecins généralistes. Le département est même bien loti par rapport à certains de ses voisins puisqu’il est le 3ème en termes de densité en Île-de-France. Les chiffres sont même à peu près stables entre 2022 et 2023. Il y a une légère tendance à la baisse puisque sur l’année écoulée, nous sommes passés de 63,6 praticiens à 61.5 pour 100 000 habitants. Toutefois, la sonnette d’alarme mérite d’être tirée puisque « 46% des médecins généralistes ont plus de 60 ans » rappelle Philippe Dompeyre, conseiller municipal à Poissy et médecin lui-même. Conséquence directe, entre 2021 et 2023, 150 installations ont été enregistrées contre 255 cessations d’activités, principalement dues à la retraite.
Alors pour garnir l’offre de soin, plusieurs solutions existent, à commencer par les CPTS (Les communautés professionnelles territoriales de santé). Elle est constituée de l’ensemble des acteurs de santé (professionnels de santé de ville, qu’ils exercent à titre libéral ou salarié ; des établissements de santé, des acteurs de la prévention ou promotion de la santé, des établissements et services médico-sociaux, sociaux…) qui souhaitent se coordonner sur un territoire, pour répondre à une ou plusieurs problématiques en matière de santé qu’ils ont identifiés. Dans le 78, elles sont au nombre de 11 actuellement et une 12ème est en préparation.
Ensuite il y a les maisons de la santé. Le Département a lancé un grand programme de construction depuis 2017 et c’est désormais coutume d’assister à une ouverture plusieurs fois dans l’année. Dans ce lieu d’exercice pluriprofessionnel, une offre de soins de proximité est réunie : médecins généralistes, dentistes, infirmiers, kinésithérapeutes… Une véritable demande de la part des professionnels de la Santé. « Les médecins actuels ont envie de travailler ensemble et de ne plus être tout seul dans leur bureau de 8 h à 22 h » expliquait l’ex-ministre de la Santé Aurélien Rousseau dans nos colonnes la semaine dernière.

En plus de répondre à cette demande, elles permettent de résorber le taux de patient en Affection Longues Durées (ALD) sans médecin traitant. « Le médecin généraliste en maison de santé prend en charge 40 % de personnes en ALD (contre 20 % pour un libéral » explique Simon Kieffer, directeur de la délégation départementale de l’Agence régionale de Santé. « Il faudrait que chaque médecin en prenne trois de plus pour qu’il n’y ait plus d’ALD sans médecin traitant » ajoute Hélène Martin-Moussu, sous-directrice de l’accompagnement des professionnels de santé au sein de l’Assurance maladie des Yvelines. Actuellement, ce taux est de 5,3 %. Elles sont aussi bien demandées par les patients que par les médecins. « Des études de l’AGRES montrent qu’ils travaillent « moins » pour concilier vie perso et vie pro, ce qui est parfaitement entendable » remarque Philippe Dompeyre. Toutefois, une maison de santé pluridisciplinaire doit être construite en bonne intelligence.
« La clef de la réussite réside dans le fait d’avoir un noyau dur de leader qui ont envie d’aller dans une maison médicale, assène Hélène Martin-Moussu, il faut donc identifier les professionnels partant pour éviter d’injecter des fonds dans des murs vides… » Cependant Marc Herz pointe un problème. Le maire d’Ecquevilly, ancien médecin, prévient qu’entre le temps de l’annonce du projet et sa concrétisation, certains médecins peuvent se désengager. « La gestion du timing doit être claire chez toutes les parties prenantes » rétorque Simon Kieffer. Si ce n’est donc pas la solution miracle, sur la quarantaine de praticiens recensés, on compte tout de même une vingtaine de petits nouveaux.
Enfin, il reste la télémédecine. L’année dernière, le président du Département Pierre Bédier l’annonçait en grande pompe. « De base, ce n’est pas une compétence que la loi nous impose mais comme nous faisions déjà de la santé avec la PMI, la situation alarmante nous a poussé à prendre ce genre de décision » expliquait l’ancien maire mantais. L’objectif initial était d’en implanter 50 cabines sur tout le territoire d’ici 2026, mais depuis, la donne a changé. Lors de l’inauguration de la 11ème à Épône le 21 mai, l’homme fort des Yvelines manifestait moins d’entrain. « Nous avions imaginé un premier programme de 9 millions d’euros, mais nous allons le réduire pour faire une évaluation de ce système car la montée en puissance se fait plus lentement que prévu, a-t-il avoué. Nous ramenons la première tranche de ce dispositif à 2 millions d’euros avec 13 télécabines » Alors que la demande est réelle, les cabines d’H4D ne trouveraient donc pas leur public ?
Les maires sont également en train de discuter avec l’Université de Versailles-Saint-Quentin afin d’organiser des rencontres entre jeunes étudiants proches d’être diplômés et eux-mêmes. Le but est simple : vanter leur commune afin de pousser les futurs médecins à s’y installer. « L’attractivité n’est pas un levier unique, c’est un ensemble de stratégie publique pour attirer les professionnels » conclut le directeur de la délégation départementale de l’Agence régionale de Santé Kieffer.