« C’était assez étonnant, je pensais y trouver 3-4 personnes, mais il y en avait presque 100 ! » Mariusz Wiecek ne s’attendait pas à un tel public, le mercredi 6 novembre dernier, quand il s’est présenté à la salle des fêtes de Porcheville. Le directeur de l’Agence Seine-Aval – une entité d’Haropa Port – avait donné rendez-vous aux habitants, avec des représentants d’Ikea, pour leur présenter le projet d’implantation de la société suédoise sur le port de Limay/Porcheville. « La mairie avait préparé plusieurs dizaines de chaises, et ils ont dû en rajouter », s’amuse-t-il.
Il faut dire qu’il s’agit d’un projet majeur pour le territoire du Mantois. Après le départ de PSA, qui occupait un terrain de 16 hectares pour stocker des véhicules, le gestionnaire Haropa Port a lancé un appel à projets pour trouver une société intéressée pour occuper le terrain. « Ikea a profité de cette annonce et a présenté, ce qui était très important pour nous, le concept de la logistique fluviale pour l’approvisionnement de Paris et la petite couronne en produits Ikea », raconte Mariusz Wiecek.
On va peut-être vous décevoir, mais effectivement, ce n’est pas un grand magasin Ikea typique des périphéries de grandes villes qui va sortir de terre. Mais plutôt un lieu orienté vers le e-commerce : une fois la commande passée en ligne, le meuble est préparé dans le centre logistique, puis expédié par voie fluviale vers un quai parisien, avant d’être transporté en véhicule électrique jusqu’à la porte du particulier. « Cette notion de trafic fluvial justifie la présence de cet entrepôt sur une emprise portuaire, précise le directeur de l’Agence Seine Aval. Cela consiste au départ quotidien d’un bateau de Limay, pour arriver à un quai parisien avant la diffusion en véhicule électrique dans Paris intramuros et dans la petite couronne. Ce qui nous a convaincu, c’est cette chaîne environnementale très propre, de la conception à la phase de chantier et, enfin, à l’exploitation ».
Pour Ikea, c’était une aubaine : le moins que l’on puisse dire, c’est que les terrains d’une telle superficie près d’une voie d’eau sont une denrée rare en Île-de-France. « Le site de Limay est stratégique pour développer une logistique durable et multimodale pour Ikea, grâce à sa proximité avec la Seine et l’autoroute A13, déclarait la firme après avoir remporté l’appel d’offres. Ce site viendra soutenir l’ambition de l’enseigne de développer des livraisons via le fleuve pour ses clients ». La livraison par voie fluviale permet en effet d’accéder au centre de Paris tout en s’affranchissant de la congestion urbaine, et ainsi d’offrir des délais de livraisons sûrs. De quoi les convaincre d’investir pas moins de 120 millions d’euros pour ce projet.
À l’échelle locale, il s’agit surtout d’un signal important en vue d’une réindustrialisation du Mantois, où les chiffres du chômage battent des records. Bon nombre de participants à la réunion publique ont alors fait part de leur principale interrogation : quelle sera la part d’habitants du coin parmi les quelques 350 employés à l’ouverture du site ? « Évidemment, pour le territoire, c’est une nouvelle très importante, c’est le sujet qui fait adhérer tout le monde à ce projet, constate Mariusz Wiecek. Dans les mois à venir, il faudra travailler avec les deux Villes, la communauté urbaine et le Département sur l’organisation de formations pour favoriser l’emploi local. Et, dans la mesure du possible, d’avoir des gens qui habitent à proximité et qui profitent aussi de l’arrivée d’Ikea sur ces sites là pour avoir un emploi stable proche de leur lieu de résidence ».
La réunion publique du 6 novembre a également été l’occasion de mettre une inquiétude persistante sur le tapis. Quid du trafic routier engendré par le chantier, puis par l’activité d’Ikea une fois les travaux terminés ? L’étude de trafic, inclue dans le dossier d’enquête publique, estime qu’environ une centaine de poids lourds emprunteront chaque jour les axes routiers locaux pour accéder à la plateforme logistique. « Nous répondons à ça de deux manières, détaille-t-il. D’une, il y a la sortie numéro 11 de l’autoroute qui est bien indiquée, autant que l’accès au port. Les camions qui sortent par celle-ci ne traversent pas les zones habitées, et n’apportent pas de nuisances aux habitants quelle que soit la commune. Dans les contrats entre Ikea et les transporteurs, l’obligation de passer par la sortie 11, et pas la 10, est inscrite ».
L’installation de panneaux interdisant aux camions de traverser les communes est également à l’étude. Et en cas d’abus, Haropa Port compte sur les habitants pour leur faire savoir. « S’ils voient qu’il y a une excroissance de camions qui traversent la commune, qu’ils nous avertissent pour qu’on puisse réagir auprès des sociétés. On espère qu’on n’arrivera pas à ça. Cette inquiétude nous est répétée depuis 4 ans par la Mairie et dans le cadre de différentes réunions. On va rester vigilant ».
À l’heure où nous écrivons ces lignes, les travaux viennent tout juste de débuter sur le port de Limay/Porcheville. Pendant ce temps, la société d’ameublement se rôde à Gennevilliers, où son activité portuaire est installée provisoirement, et ce depuis 2 ans. « Pour nous, c’est quelque chose d’extraordinaire, ça nous fait un test, conclut Mariusz Wiecek. Quand ils vont arriver sur Limay, le système sera déjà rôdé et partiront tout de suite en plein régime sur le fluvial ». Rendez-vous en 2027 pour le démarrage de l’activité de ce qui s’annonce comme un nouveau moteur de l’économie locale.