« J’aurais préféré que mon premier mandat ne soit pas marqué du fait que j’ai renversé un gouvernement ». Dieynaba Diop ne s’y trompe pas : son mandat, ainsi que celui de tous les parlementaires en exercice de l’Assemblée Nationale, a gagné sa place dans les livres d’histoire. Pour la première fois depuis 1962, le gouvernement a été renversé par une motion de censure, déposée par les députés du Nouveau Front Populaire le mercredi 4 décembre. Mais la députée de la 9ème circonscription des Yvelines l’assure : elle n’a « pas eu le choix ». « Il n’y a eu aucun dialogue, regrette Dieynaba Diop. À aucun moment il n’a tendu la main à la gauche, à aucun moment il n’a essayé de faire des compromis, et je pense qu’en plus, il continue de s’enfermer ».
L’allocution présidentielle du jeudi 5 décembre ? « Je ne m’attendais à rien, mais j’étais quand même déçue, lâche-t-elle. À aucun moment il n’y a une prise en compte de sa responsabilité ». Et elle n’était pas la seule. Son homologue de la 8ème circonscription, Benjamin Lucas (Génération.s), n’a pas résisté à l’envie de faire un « live-tweet » pendant la prise de parole du chef de l’État. « L’arrogance encore et toujours. Le mépris encore et toujours. Le mensonge encore et toujours. Le déni encore et toujours », pouvait-on lire sur ses réseaux sociaux.
Si Benjamin Lucas a voté la censure du gouvernement, ce n’est pas seulement en raison de la mise à l’écart de la gauche, pourtant arrivée en tête des dernières élections législatives. Mais aussi pour les liaisons nouées avec l’extrême droite. « Les tentatives caricaturales et grotesques déployées depuis des semaines par le gouvernement pour s’attirer le soutien du RN ont atteint leur paroxysme quand, en direct à la télévision, le Premier ministre en a appelé au secours de l’extrême droite, reniant totalement le barrage républicain de juillet dernier ».
Pendant ce temps, le député de la 12ème circonscription des Yvelines, Karl Olive, a pris le temps de saluer « l’Homme d’État qu’est Michel Barnier » qui, selon ses propres mots, s’est heurté « à l’étroitesse des partis qui n’ont finalement jamais voulu travailler ensemble ».
Justement, travailler ensemble, c’est ce qui a motivé les pontes du parti Place Publique que sont Raphaël Glucksmann, Aurore Lalucq et le député de la 7ème circonscription des Yvelines Aurélien Rousseau, à écrire une tribune dans Le Monde du 5 décembre dernier. « Les forces politiques du front républicain doivent se réunir pour définir les convergences possibles », peut-on lire dans celle-ci, invitant toutes les forces opposées au Rassemblement national à travailler ensemble à un accord de non-censure, ou à la production d’une plateforme de gouvernement provisoire.
Alors que le camp présidentiel continue d’exhorter le PS a lâcher LFI pour former un « bloc central » avec le centre et la droite républicaine, pour Dieynaba Diop, c’est clair : « il n’y aura pas de trahison d’alliance », assure-t-elle. « Ils nous ont prouvé avec le budget qu’on ne pouvait pas compter sur eux, les députés du socle commun nous ont laissé en tête-à-tête avec le RN, ils n’ont pas siégé pendant 3 semaines. En fait, ce sont eux les responsables de tout ça. Nous, on l’a dit très clairement : on veut un gouvernement de gauche avec tous nos alliés à gauche, pour ensuite chercher des majorités texte par texte avec le front républicain ».
La nomination d’un Premier ministre de Gauche ressemble pourtant de plus en plus à un vœu pieux, alors que les noms qui circulent, de François Baroin à François Bayrou, semblent plutôt issus du centre-droit. « On voudrait nous refaire le coup du macronisme qui met dans un même gouvernement des gens qui portent des projets antagonistes, je n’en veux pas, assénait Benjamin Lucas sur le plateau de France Info en début de semaine. La proposition que je fais, c’est qu’on s’en tienne à des principes. Dans une démocratie parlementaire, c’est la coalition qui est la plus nombreuse qui gouverne. Je pense que cette coalition, nous, le Nouveau Front Populaire, puisque nous n’avons pas de majorité absolue, nous devons laisser le parlement faire son travail. Nous devons nous engager solennellement à ne pas déclencher le 49.3, et vous, en contrepartie, de ne pas nous censurer ».
Ce lundi 9 décembre, le président de la République recevait plusieurs représentants politiques, de Marine Tondelier à Fabien Roussel en passant par les députés indépendants du groupe Liot. L’occasion de leur soumettre sa nouvelle idée : organiser, dans les jours qui suivent, une réunion regroupant les différents partis afin de mener des concertations communes, une première depuis la dissolution de juin dernier.
Reste désormais à savoir quel camp sera le premier à faire un pas vers l’autre. Le parti présidentiel, qui à l’heure où nous écrivons ces lignes, place LFI et le RN en dehors de l’équation ? Le PS et les écolos, jusque-là fidèles avec leurs alliés du Nouveau Front Populaire ? Réponse cette semaine.
Ces ministres yvelinois bientôt dans le livre des records ?
Trois petits mois. C’est le temps qu’aura tenu le gouvernement Barnier au pouvoir, un record qui était jusque-là détenu par celui de Bernard Cazeneuve en 2016-2017. Sauf retournement de situation, nos trois ministres issus des Yvelines que sont Jean-Noël Barrot, Sophie Primas et Othman Nasrou vont inscrire leur nom dans les livres d’histoire (et des records), en faisant partie des ministres ayant conservé leur siège le moins longtemps… à moins qu’ils soient reconduits par un nouveau Premier ministre dans les prochains jours.