Cette fois-ci, c’est la bonne ? Voilà désormais 20 ans que le château d’Acqueville tombe en ruines, entre la voie de chemin de fer et la route départementale qui mène à Poissy. Cet immense domaine de 9 hectares, bâti à la fin du XVIème siècle à Villennes-sur-Seine, a justement trouvé preneur l’été dernier, à l’occasion d’une vente aux enchères judiciaires. Un promoteur immobilier a en effet mis la main sur la majorité des lots qui le composent pour la somme de 921 000 euros.
Une question se pose désormais : ce nouvel acquéreur parviendra-t-il à lever la malédiction qui semble frapper les lieux ? Car ce ne sont pas 1, ni 2, mais bien 3 (!) de ses propriétaires qui ont fait faillite depuis le début des années 80. Le premier, un certain Mr Van Graeve, s’était attelé à restaurer le domaine dans son entièreté, entre 1980 et 2005. « Il en a fait sa maison historique, et y a consacré son argent, son énergie et son temps pour en faire un endroit de grande qualité pour sa famille », nous raconte Olivier Daeschner, adjoint au maire de Villennes-sur-Seine en charge de l’attractivité économique.
Le lieu comprend alors le château et des parties communes adjacentes, dans lesquelles il met en place le « club d’Acqueville », une activité de séminaire et de restauration. Cependant, en 2005, Mr Van Graeve fait faillite : la banque qui met alors la main sur sa propriété la vend à la société Pégase, qui décide de lotir le château et une partie des communs, pour proposer des lots à des acheteurs qui pourront défiscaliser leur investissement, à condition de s’engager à les louer. « Pégase restructure le château et une partie des communs pour en faire des lots d’habitation locatifs, permettant aux propriétaires d’avoir un revenu pendant quelques années avant de faire autre chose avec ce terrain là », précise Olivier Daeschner.
Et puis patatra : la société ne mène pas le projet à bien et fait faillite, elle aussi. Faillite considérée par certains comme frauduleuse. « Les lots n’ont pas été livrés aux acheteurs, mais eux ont payé les 3/4 du prix, se souvient l’élu. En tout, les 35 copropriétaires ont payé plus de 5 millions d’euros à Pégase. Les acheteurs ont perdu leur mise et leur droit à la défiscalisation, et se sont donc fait rattraper par le fisc ». Et ce n’est pas fini. La part de Pégase est alors vendue aux enchères à la société AVF Promotion en 2016, un petit promoteur immobilier de l’est parisien. Mais celui-ci n’en fera rien, et sera liquidé à son tour.
C’est ce lot qui a été vendu aux enchères lors d’une adjudication en deux temps, l’été dernier : il comprend le parc avec ses murs et espaces verts, trois bâtiments des communs, les parties communes et un lot à l’intérieur du château. Afin de trouver l’acteur parfait pour redonner vie au domaine, Olivier Daeschner s’est démené. « J’ai rencontré toutes les grosses sociétés immobilières du pays, ainsi que des petites structures qui essaient de réhabiliter du patrimoine. Elles se sont toutes montrées inquiètes quant à cette copropriété qu’il va falloir gérer pour sortir le lieu de son désastre. Il restait, au moment des enchères de l’été dernier, 2 à 3 structures ayant un projet pouvant se dérouler sur le long terme, et qui pensaient réussir à mettre tout le monde d’accord. Mais ce ne sont pas ces gens-là qui ont remporté les enchères, mais une toute petite structure créée 6 mois auparavant, avec 1 000 euros de capital ».
S’il assure être « de nature optimiste », Olivier Daeschner a du mal à cacher ses doutes. « À ma grande surprise, les acheteurs n’étaient pas venus nous rencontrer pour faire le point sur le dossier avant de se positionner. Je pense qu’ils croyaient acheter tout le château et son terrain. Je les ai finalement rencontrés, et je me suis rendu compte qu’ils ne connaissaient que très peu le dossier. Ce sont des gens bosseurs à leur niveau, ils ont réalisé des coups immobiliers ici ou là, ils s’en sortent bien. Mais sur leur capacité à monter un projet réhabilitant l’ensemble du lieu, ça jette un doute. Je suis certain qu’ils ne savaient pas ce qu’ils achetaient ».
Parmi les structures intéressées, il y avait par exemple un collège qui s’était rendu sur place afin d’estimer les coûts nécessaires. Verdict ? Entre 12 et 15 millions d’euros pour l’acquisition des parcelles des autres propriétaires, les travaux à mener ou encore l’entretien du parc. Contacté par la rédaction, l’acquéreur temporise et assure que « le projet est en suspend », et que « rien n’a encore commencé ».
Entre temps, au mois d’octobre, le conseil municipal de Villennes-sur-Seine a voté la mise en place d’un périmètre d’études permettant de s’assurer que la préservation globale du site, de sa faune et de sa flore soit respectée. Car la Mairie a un objectif : faire en sorte que le lieu s’ouvre pleinement aux habitants. « La ville a relativement peu d’endroits où la population peut se promener, observe l’adjoint à l’urbanisme. Elle se densifie en terme d’habitants, et ceux-ci regrettent de ne pas avoir d’endroit à plat où se balader. Sur ce domaine, il y a autour du lac une belle promenade à faire, en profitant du terrain boisé. Ce qu’on souhaite, c’est trouver un accord avec les acquéreurs pour que la population de Villennes puisse en profiter ».