
C’est une ville dans la ville. Le quartier des Briques Rouges – qui porte bien son nom puisque les façades des bâtiments en sont recouvertes – abrite près de 6 000 habitants. Situé au Nord-Ouest de la commune, il se compose des résidences du Parc noir, de la Garenne l’Étang, des Pâtures et de Bazincourt, quatre copropriétés construites entre 1961 et 1970 et malheureusement touchées par le même mal : la vétusté. Si d’extérieur tout semble correct – en dehors des couleurs lessivées par le temps ou du vert de gris ici et là – à l’intérieur c’est catastrophique. « On a des problèmes de condensation, de moisissures dans les appartements. Il y a aussi des bâtiments où il n’y avait pas suffisamment de chauffage » énumère Inès, la présidente du conseil syndical de la copropriété de la Garenne l’Étang. Une rénovation en profondeur est donc indispensable, mais pour cela, il y avait plusieurs obstacles à franchir. La principale difficulté était d’obtenir l’accord de tout le monde.
Les résidences des Briques Rouges ont été construites par une coopérative de logements sociaux (notamment Terre et famille, gérée auparavant par l’ancien maire Philippe Tautou). La Vallée de Seine, encore dans l’effervescence industrielle grâce aux usines automobiles de Flins (Renault) et Poissy (Simca à l’époque), devait alors accueillir les ouvriers de ces sites rapidement, les Briques Rouges répondant à ce besoin. Moyennant un apport personnel, les candidats locataires devenaient coopérateurs, ce qui leur permettait de payer ensuite un loyer moindre. Mais le système a connu des déboires financiers alors l’Etat est intervenu en demandant à un bailleur social de racheter une partie des logements. C’est comme cela que 1001 Vies Habitats a pu acquérir 49 % des parts de ce quartier, soit 789 appartements, le reste appartenant à des propriétaires privés.
On retrouve donc un large panel social de la population, du retraité à l’actif, en passant par des personnes précaires. Si les travaux devaient être lancés, il ne fallait pas que cela devienne insoutenable pour les Vernoliennes et Vernoliens et ce n’est pas anormal d’avoir vu plusieurs municipalités s’y casser les dents, vu l’immensité du projet et de la somme à investir. En 2021, la municipalité a lancé une étude avec l’association Soliha, spécialiste de l’amélioration de l’habitat, et le groupement composé du bureau d’études Senova et de l’aménageur Citallios, études dont les montants n’ont pas été communiqués par la Ville. Enquêtes, rencontres avec les conseils syndicaux, les syndics, le bailleur 1001Vies Habitat, tout ce beau monde a dû se poser autour d’une table afin de trouver une solution viable. De réunion publique en réunion publique, les chantiers ont été expliqués afin de recueillir l’aval de la population concernée. Ce qui n’a été validé que très récemment.

« Nous avons voté les travaux en décembre dernier » précise Ines. Le but n’est pas simplement d’habiller la mariée mais consiste à une rénovation globale : isolation extérieure, réfection des toitures et des cages d’escalier, remplacement des menuiseries, étanchéité des balcons et des loggias, électricité, une vraie liste à la Prévert. « [Pour l’isolation extérieure] on viendra percer pour installer des grandes chevilles qui se clipseront dans le manteau, cela créera un bardage et on viendra se coller aux briques » détaille Petar Rauski, le directeur technique de 1001 Vies Habitats. Toutefois, ce nouveau manteau laissera quand même respirer le bâtiment afin d’éviter un effet cocotte-minute. Et des aérations dans les appartements seront réalisées ou refaites pour assurer une bonne circulation de l’air.
Un dispositif quasi-unique d’aides
Pour payer cette addition plus que salée, la Mairie a obtenu la mise en place d’une Opération Programmée d’Amélioration de l’Habitat – Copropriétés Dégradée (OPAH-CD) pour ce chantier colossal. C’est un outil d’intervention publique sur les territoires présentant des difficultés liées à l’habitat privé. Elle répond également à un projet global porté par la collectivité, à la fois urbain, social et économique, à l’échelle d’un quartier, d’une portion de centre-ville ou d’un bourg. Mise en œuvre habituellement sur une période de 3 à 5 ans, l’OPAH accompagne les propriétaires dans leurs projets de travaux, en agissant aussi bien contre la précarité énergétique, l’adaptation des logements à la perte d’autonomie, l’habitat indigne ou dégradé, la vacance des logements ou encore contre les difficultés spécifiques des copropriétés. Ce dispositif d’ordinaire réservé aux quartiers classés Politique de la ville lui permet de bénéficier d’un maximum d’aides publiques.
Ainsi, l’État, l’Agence Nationale de l’Habitat (34,6 millions d’euros), la Région (1,7M) et la Ville de Verneuil-sur-Seine (1,7M) vont participer au financement des travaux pour alléger la facture des propriétaires. Sans oublier 1001Vies Habitat, qui va verser 20,7 millions d’euros pour ce chantier, pour un total d’aides de 58,7 millions d’euros, soit 83 % du montant estimé des travaux. « On a aussi travaillé à un reversement de financement qu’on pouvait toucher, ajoute Yassine Belaidi, le directeur territorial du bailleur social. Ainsi les copropriétaires les plus modestes ne seront pas freinés sur cette rénovation, car sortir entre 30 et 50 000 euros, c’est compliqué. » « Nous n’avons pas encore reçu les appels de charge mais il y aura des systèmes de prêt pour réduire la charge et ne pas sortir des montants significatifs comme des prêts taux zéro » renchérit la présidente du conseil syndical de la copropriété de la Garenne l’Étang. « Un tel niveau d’aide, c’est inédit ! », s’enthousiasme Fabien Aufrechter, le maire de la commune. Autre point qui pourrait alléger la facture : la fin des travaux des chaufferies qui avaient démarré à l’été 2024.

Les premiers logements à subir la rénovation sont ceux de La Garenne l’Étang. Cette première phase devrait durer près de quarante mois et débutera très prochainement. La rénovation des trois autres résidences des Briques Rouges (le Parc noir, les Pâtures et Bazincourt/Le manoir) suivra. « C’est l’aboutissement de quatre années de travail intense, se félicite le maire. Si la Ville ne s’était pas emparée du dossier, jamais la rénovation n’aurait eu lieu. »
Moins de briques rouges dans le futur
En tout, la période de travaux est estimée à une dizaine d’années. « Mais c’est une opportunité d’améliorer notre confort de vie » estime Inès. À la fin de ceux-ci, l’aspect visuel des Briques Rouges aura quelque peu changé. Les fameuses briques ne seront plus majoritaires sur les façades des bâtiments. Elles se concentreront surtout au niveau des balcons mais ce petit sacrifice historique reste nécessaire pour vivre décemment puisque l’intégralité des appartements va passer de l’étiquette E ou F à C. Pour le moment, 1001 Vies Habitats s’engage à ne pas augmenter les loyers, « ce n’est absolument pas à l’ordre du jour » se défend Yassine Belaidi.
Dans la vidéo de Squeezie Qui est l’imposteur, Fabien Aufrechter s’imaginait déjà inaugurer « ce projet exceptionnel ». Le rendez-vous dans dix ans est donc pris pour voir le nouveau visage de ce « quartier structurant ».