
Les habitants de Mantes-la-Jolie deviendront-ils « les banlieusards de Mantes-la-Ville » ? Bon, on vous l’accorde, cette formule de Pierre Bédier au moment d’évoquer le projet Mantes Université est un brin exagérée. Mais l’est-elle vraiment ? En tout cas, elle a eu le mérite de faire glousser les quelques cinquante personnes présentes à la réunion publique de lancement de la concertation autour du projet, à l’Institut des sciences et techniques des Yvelines (ISTY) de Mantes-la-Ville, le 30 janvier dernier.
Il s’agissait de la troisième réunion de ce genre, après celles organisées à Buchelay et Mantes-la-Jolie quelques jours plus tôt. L’objectif étant notamment de revenir sur la genèse du projet, mission remplie par le président du Département (et de l’EPAMSA) à la manière d’un maître de conférence, dans l’amphithéâtre de l’ISTY. Après un cours magistral sur le passé industriel et l’évolution du Mantois au fil des dernières décennies, il est revenu sur la création de la Zone d’Aménagement Concerté (ZAC) Mantes Université en 2006 et sur ses premières réalisations. Avant d’esquisser les contours de ce qui attend les riverains. « J’ai été maire de Mantes-la-Jolie, j’y habite toujours, donc c’est un peu de délicat de dire ça car ça fait mal au coeur, mais la décision historique qui a été prise, c’est que le coeur de l’agglomération ne sera plus à Mantes-la-Jolie, mais à Mantes-la-Ville, a-t-il lâché. C’est ça la réalité géographique ».
En effet, le projet de quartier mixte qui occupera 45 des 72 hectares de la ZAC, à cheval sur les communes de Buchelay, Mantes-la-Jolie et Mantes-la-Ville, promet de redynamiser tout le secteur. On y retrouvera 70 000 m² de bureaux, d’activités, de commerces et de services, mêlés à 35 000 m² d’équipements publics parmi lesquels le pôle universitaire, deux groupes scolaires et, par exemple, la maison de santé et la piscine intercommunale. Quant aux logements, ils occuperont une surface de 130 000 m².
« Cet espace en devenir doit répondre à de multiples enjeux, précise Sami Damergy. D’abord le développement urbain, en assurant une mixité d’usage qui intègre les logements, les commerces, le tertiaire et les espaces publics. Ensuite les équipements, qui doivent garantir un accès facilité aux services essentiels, mais aussi la circulation, le stationnement et l’apaisement du trafic ».

Justement, parmi les principales priorités du nouveau plan guide du projet, on trouve une répartition plus cohérente des flux de mobilités. La priorité sera clairement donnée aux déplacements piétons, tandis que la place de la voiture sera limitée dans le quartier. « Il est vrai que les visiteurs n’ont pas vocation à se garer dans cet espace entre la gare et la halle, mais on réfléchit à installer, par exemple, un parking relais à 300 mètres du Pôle d’Échange Multimodal », glisse Emmanuelle Cerdelli, directrice générale adjointe de l’EPAMSA. Preuve de la place donnée aux piétons, une grande promenade arborée permettra de relier la gare de Mantes-la-Jolie au parc de la Raquette en traversant la halle Sulzer dans sa largeur, tandis que de multiples sentes piétonnes participeront à l’apaisement des circulations et à la végétalisation globale des lieux.
La halle Sulzer, parlons-en. Il n’était pas question de raser cette ancienne usine d’assemblage de moteurs de paquebots, véritable vestige du passé industriel du territoire mentionné plus haut. Voilà un an que des travaux de réhabilitation sont en cours, pour déconstruire sa toiture et ses parties maçonnées dans un premier temps, puis pour pérenniser son ossature qui deviendra l’épicentre du quartier. On trouvera en son sein le nouvel IUT du Mantois sur sa partie Est, et un nouvel équipement sportif ou culturel, pas encore défini, sur le côté Ouest.
Si les contours du projet urbain sont d’ores et déjà dessinés, il reste des « marges de manoeuvre » pour lesquelles les habitants peuvent donner leur avis, comme le précise Martin Rault, directeur conseil à Aire Publique, cabinet de conseil qui va animer le processus de concertation jusqu’à l’été. « Ce qui justifie cette concertation, c’est qu’il y a de nouveaux objectifs autour de ce projet d’aménagement. Vous allez pouvoir enrichir le projet de votre point de vue ». Des registres étaient à disposition des participants des trois réunions publiques de fin janvier, ainsi que des « murs à idées », plus ludiques, sur lesquels n’importe qui pouvait coller un post-it avec une idée, une remarque, une inquiétude. Les registres sont d’ailleurs toujours accessibles au sein des mairies des trois communes concernées. « Un projet d’une telle ampleur ne peut être pensé sans vous, a assuré le maire de Mantes-la-Ville aux habitants présents pour le lancement de la concertation. Vos propositions doivent nourrir la réflexion collective ».

Ce processus s’étendra donc sur 8 mois. 2 stands mobiles « in situ » seront déployés sur site pour informer les riverains, près de la gare ou de la piscine par exemple, tandis que 3 ateliers participatifs seront proposés en avril sur des thèmes distincts comme les mobilités, le cadre de vie ou les services à la population, pour faire émerger un diagnostic partagé des besoins des riverains. « À l’issue de tous ces événements, on aura une réunion publique de projet qui permettra de faire un point d’avancement sur ce processus de concertation », précise Martin Rault. Un bilan de concertation, aux alentours du mois de septembre, clôturera la démarche et justifiera les choix opérés.
C’est bien beau tout ça, mais ce projet, quand va-t-il se concrétiser ? Comme vous pouvez vous en douter, il va falloir s’armer de patience. Si le phasage n’a pas encore été présenté dans le détail, on sait néanmoins que les lots situés entre la gare et la halle Sulzer seront réalisés en premier, et que le groupe scolaire mantevillois, très attendu, sera en construction en 2026-2027. Et cela ne représente que la partie à court terme. Mais bon, on ne se fait pas de souci pour les habitants du Mantois qui, avec les retards successifs du projet Eole, ont su développer une patience à toute épreuve.
RER E : pas de pleine cadence avant… 2029
L’arrivée du RER E à Mantes-la-Jolie était un des arguments pour la réorientation du projet Mantes Université à partir de 2022. La gare mantaise deviendra un véritable Pôle d’Échanges Multimodal, et se dotera de deux entrées rénovées au Nord et au Sud, sans parler la réorganisation des espaces publics au profit des piétons et de la création d’une nouvelle gare routière côté Mantes-la-Ville.
Seulement voilà, le RER, lui, se fait toujours attendre. Si les premières rames arriveront bien jusqu’au Mantois en 2027, la pleine cadence promise (un train toutes les 10 minutes dans les deux sens) ne sera pas au rendez-vous avant 2029, voire 2030. « En 2027, on sera encore à un train toutes les 20 minutes, admet Pierre Bédier. On se dit, 3 milliards et demi pour ça… Je vous confirme que ça m’a mis de mauvaise humeur. Mais la promesse est qu’en 2029-2030, on arrivera à faire passer 6 trains à l’heure ».
La faute à l’absence de logiciel permettant de gérer, de manière sécurisée, la cadence des trains normands, des Transiliens et du RER sur deux voies. « Alstom n’y arrive pas, mais rassurons-nous, on a posé la question aux Allemands et ils n’y arrivent pas non plus », a ironisé le président du Département.