Grève du réseau de bus Cergy-Confluence : pas de reprise à l’horizon… pour l’instant

La perspective d’une reprise du trafic le 3 mars, sur le réseau de bus Cergy-Confluence, ne semble être qu’une illusion. Le syndicat Force Ouvrière, qui se dit ouvert aux négociations sur la base des recommandations de la médiatrice, accuse la direction de Francilité Seine et Oise d’être « arc-boutée » sur ses positions, et de jouer la montre en attendant le 31 mars, date de l’entrée en vigueur des nouvelles conditions de travail et de rémunération prévues par le nouvel opérateur.

Les usagers du réseau de bus Cergy-Confluence ont cru voir la lumière au bout du tunnel, lors de l’annonce de la médiatrice Eve Coblence, le 10 février. Nommée par le Préfet de Région du Val-d’Oise en janvier dernier, elle a remis un rapport proposant sept recommandations clés, ainsi qu’un objectif ambitieux : une « offre de transport sur 100 % des lignes » à compter du lundi 3 mars. Dans ce cadre, le gestionnaire du réseau, Francilité Seine et Oise (FSO), et les syndicats avaient 8 jours pour rejeter ses propositions. Ce qu’ils n’ont pas fait. « Ma recommandation peut donc s’appliquer, et lie les parties qui ne l’ont pas rejetée selon le code du travail », affirme la médiatrice.

Bientôt 4 mois de grève

Dans sa proposition de règlement amiable, on note l’adoption d’une grille de rémunération unique, d’une organisation unique du travail à 74 heures à la quatorzaine, ou encore la mise en place d’une prime métier et d’une indemnité différentielle. Suffisant pour remettre en circulation les bus immobilisés depuis maintenant 3 mois ? Et bien… C’est plus compliqué que cela. « Nous ne sommes pas opposés à ses propositions, bien au contraire, mais elles doivent déboucher sur des négociations », explique Ali Belhadi, en charge des transports au sein de la fédération Force Ouvrière (FO) du Val-d’Oise. « Les recommandations que j’ai faites sont une base de travail, mais elles ne sont pas figées. Les parties peuvent aller au-delà dans l’accord de substitution à négocier », ajoute Eve Coblence.

Revenons quelques mois en arrière. Depuis le 1er janvier 2024, la gestion du réseau de bus Cergy-Confluence – qui dessert notamment les communes d’Achères et Conflans-Sainte-Honorine – est confiée à Francilité Seine et Oise, une filiale du groupe Lacroix-Savac, en lieu et place de Transdev et Stivo, dans le cadre de la mise en concurrence imposée par Île-de-France Mobilités. Afin d’assurer une transition progressive, un « accord de maintien des conditions de travail et de rémunération » a été mis en place pour une durée de 15 mois, soit jusqu’au 31 mars 2025. Cet accord garantit aux employés le maintien temporaire de leurs acquis salariaux et conditions de travail d’avant la fusion.

Toutefois, des craintes se sont rapidement installées quant aux changements à venir une fois cette période transitoire écoulée. Les conducteurs dénoncent une dégradation de leurs conditions de travail depuis qu’ils ont changé d’employeur, et les nouveaux embauchés ne bénéficieraient pas des mêmes primes que les anciens. Ces premières tensions débouchent sur un conflit social qui s’est intensifié en fin d’année : depuis le 7 novembre, le réseau est paralysé par une grève de grande ampleur. Au cœur des revendications, la volonté des employés de préserver leurs acquis et d’obtenir des garanties sur leurs futures conditions de travail.

« Ce n’est pas de la négociation, c’est du totalitarisme ! »

L’une des préoccupations majeures concerne la grille salariale que FSO souhaite appliquer à partir d’avril 2025. Selon les syndicats, l’entreprise prévoit de recalculer les salaires selon la convention collective, ce qui, pour certains conducteurs, pourrait se traduire par une baisse de rémunération. Eve Coblence, de son côté, assure que ses recommandations garantissent un maintien des rémunérations actuelles. « L’indemnité différentielle permettra aux salariés de ne pas perdre d’argent, et un certain nombre de points sont désormais figés. Les autres éléments doivent être négociés dans le cadre de l’accord de substitution ».

Cela fait presque 4 mois que le conflit s’enlise, et que les habitants doivent s’adapter pour leurs déplacements du quotidien. Même si les syndicats comprennent leur désarroi, ils ne comptent pas lâcher si facilement. « Nous sommes en conflit, et la seule manière d’en sortir, c’est de signer un accord de fin de conflit, comme cela se passe dans toute entreprise de France et de Navarre », affirme Ali Belhadi.

Toutefois, côté syndicats, on reproche à la direction de ne pas y mettre du sien pour faire avancer les négociations. Une réunion était organisée le mardi 18 février dernier pour faire aller de l’avant suite aux propositions de la médiatrice. Une réunion qui a fait pschitt. « La délégation FO a insisté qu’elle n’était pas opposée aux recommandations, mais que la porte restait grande ouverte à des négociations, raconte le responsable transport du syndicat dans le 95. La direction de Lacroix Savac, elle, était arc-boutée en disant aux syndicats « c’est oui ou c’est non ». Ce n’est pas de la négociation, c’est du totalitarisme ! »

« Les conditions sont réunies pour que le travail reprenne »

Pourtant, dans un communiqué daté du 10 février, le directeur général de Lacroix Savac Géric Bigot laissait transparaître un tout autre état d’esprit. « Nous remercions la médiatrice pour le travail mené. Nous nous tenons prêts à poursuivre les négociations, sur la base des propositions issues de la médiation, et espérons une résolution rapide du conflit et un retour à la normale du service pour les 80 000 usagers du territoire ».

Si la date du 3 mars a été évoquée par la médiatrice, cela semble, pour beaucoup, une utopie. « On n’y est pas du tout, lâche même Ali Belhadi. Il y a moyen de faire mieux sur beaucoup de choses ». Toutefois, pour la médiatrice, le travail peut reprendre progressivement. « Pour moi, les conditions sont réunies pour que le travail reprenne. Les parties ont désormais une base sur laquelle elles peuvent s’appuyer pour continuer les négociations. Le plus gros est fait. Si un accord de substitution n’est pas trouvé d’ici fin mars, les anciens accords disparaîtront, et les conditions reviendront à celles de la convention collective, ce qui serait une situation moins favorable pour les employés. »

C’est justement ce qui inquiète les syndicats. Ali Belhadi accuse Francilité Seine et Oise de « jouer la montre » afin de faire traîner le conflit jusqu’au 31 mars, date qui marquera la fin de la période transitoire durant laquelle les employés conservaient leurs conditions de travail et de rémunération antérieures. « J’ai connu plusieurs conflits, on arrivait toujours à se mettre autour d’une table pour trouver des points de convergence. Là, ce n’est pas le cas. Quand on a un conflit comme celui-là, on ne fait pas une réunion de 3 h tous les quatre jours. On commence à 9 h et on finit à minuit. Ils jouent la politique de l’autruche, et cherchent un blocus jusqu’au 31 mars pour que tous les accords tombent de fait ».

La pression est forte, mais Eve Coblence, qui a désormais rempli sa mission, garde espoir. « Personne n’a intérêt qu’on en arrive à cet extrême. Il y a vraiment eu une implication de toutes les parties, c’est ce qui m’a permis de faire des propositions équilibrées. Tout est réuni pour que le dialogue puisse reprendre, et que les garanties proposées permettent de rassurer les salariés ». En attendant, ce sont pas moins de 80 000 usagers qui prennent leur mal en patience.

Contactée par la rédaction, la direction de Lacroix Savac n’a pas souhaité s’exprimer.