Vivre sur l’eau : entre rêve et désillusions

À 71 ans, Michel Davoigneau-Auguer vit sur son bateau-logement au port de plaisance de Limay depuis 2021. Séduit par la promesse d’un cadre paisible et d’une communauté soudée, il a vite déchanté. Le musicien dresse un bilan mitigé de son expérience fluviale.

« Regardez la vue, c’est magnifique, c’est idyllique » s’exclame gaiement Michel Davoigneau-Auguer, 71 ans, propriétaire d’un bateau-logement au port de plaisance de Limay. Musicien, il vit depuis 2021 sur l’Extea Ureton, « la maison sur l’eau » en basque, sa région d’origine. Ce bateau de 17 mètres, blanc et rouge, allie fonctionnalité et charme rustique. La timonerie, peinte en bleu avec des boiseries sombres, offre une vue panoramique grâce à de grandes fenêtres aux rideaux blancs. L’espace de vie est lui teinté d’un vieux mobilier jaune bleu et marron.

Après le confinement, Michel a voulu changer de vie. « Je cherchais un coin de nature et surtout de la tranquillité », confie-t-il. Il avait hésité avec un bungalow en camping, mais a opté pour le bateau pour des raisons financières. « L’électricité au prix coûtant me revient à 80 euros par mois, et l’eau à 5,50 euros avec un système de forfait. Avec toutes les charges, je m’en sors pour environ 300 euros par mois », explique-t-il.

Cependant, l’isolement est parfois trompeur. « Les bateaux sont des passoires thermiques. Même avec du double vitrage, il fait froid. Le matin, quand j’éteins le chauffage, il fait 6 degrés », raconte ironiquement Michel. Il partage son quotidien avec son chien Patou, qui, après une période d’adaptation, s’est habitué aux mini secousses du bateau. Michel a aussi dû apprendre la vie marine et la rénovation pour restaurer son « rafiot », endommagé par un incendie avant son rachat. Taillé pour traverser l’Atlantique, ce vieux bateau en bois lui permet de naviguer sur la Seine plusieurs fois par mois. « Cela me permet de visiter la région différemment », dit-il, évoquant une redécouverte du château de Rosny.

Le port de plaisance de Limay accueille une vingtaine de propriétaires de bateaux-logements, mais seuls douze y vivent à l’année. « Il y a quelques couples et des personnes seules de tous âges », précise Michel. À son arrivée en 2021, il espérait une vie communautaire riche et solidaire. « L’ancien président de l’association m’avait vendu un cadre social idéal et idyllique, mais la réalité est toute autre », regrette-t-il. Si les relations entre voisins restent cordiales, elles sont souvent superficielles. « Je dois avoir deux amis ici, c’est dommage. »

Le port est géré par une association dont les propriétaires sont membres, ce qui pose de sérieux problèmes. Les assemblées générales sont souvent tendues. Michel a vite découvert un fonctionnement chaotique. « Avant mon arrivée, il n’y avait aucune comptabilité claire. Certains payaient, d’autres non, c’était ingérable », explique-t-il. Il a contribué à remettre de l’ordre, mais non sans heurts. « Ça a grincé », admet le musicien.

Le problème vient surtout de l’attitude des résidents. « Beaucoup ne font rien et comptent sur les autres. » Certains propriétaires, installés depuis 20 ans, refusent de participer à l’entretien. « Leurs pontons sont encombrés, c’est fatiguant », témoigne Michel.

Tous les habitants bénéficient des avantages, notamment des tarifs attractifs, mais rechignent à s’investir. « Brosser les quais, faire les réparations, c’est toujours les mêmes qui s’y collent », constate-t-il avec lassitude. Personnellement très investi au sein de l’association, Michel commence à être lassé de ce fonctionnement. « Je ne dis pas que je ferais ça éternellement, la formule association à terme posera problème »

Déçu par l’ambiance et l’esprit communautaire du port, Michel relativise en contemplant la Seine. « C’est le point positif qui me fait rester ici », assure le septuagénaire. « La belle vue… et rien d’autre. »