Un plan local pour soutenir la ruralité

La Préfecture des Yvelines a présenté sa feuille de route afin d’aider les communes rurales. Éducation, violences faites aux femmes, services publics, ces petites villes ont besoin d’être aidées afin de grandir en harmonie avec des plus grandes qui les entourent.

Pierre Bédier aime le rappeler : les communes rurales ne sont pas que des lieux de villégiatures pour Parisiens en quête d’air pur. Et même si le président du Département aime être taquin en balançant cette petite pique envers les habitants de la Capitale, il peut s’appuyer sur des chiffres. En effet, plus de 50 % des villes des Yvelines sont des communes rurales, soit 138. « C’est une population qui a le sentiment d’être abandonnée des services publics » explique Frédéric Rose. Ce constat n’a pas non plus pour but d’opposer les programmes dédiés aux Quartiers Politiques de la Ville à la ruralité. « Nous n’avons pas des taux de pauvreté comparables au quartier des Musiciens aux Mureaux, mais cela ne nous empêche pas de nous pencher dessus » tempère Franck Fontaine, maire de Mézières-sur-Seine et vice-président de l’Association des Maires Ruraux des Yvelines (AMR78).

Le haut fonctionnaire avait alors convié les édiles concernés lors d’un déjeuner à Rochefort-en-Yvelines quelques mois après sa prise de fonction, « on lui a alors exprimé nos doléances et nos besoins » se remémore le maire mézièrois. Cela a permis d’aboutir à la signature le 18 mars 2025 au Mesnil-Saint-Denis de la feuille de route ruralité des Yvelines, en marge de la réunion de l’AMR78. « C’est une réponse concrète aux besoins des habitants et des élus locaux » précise Frédéric Rose. Elle a été élaborée après une concertation avec les acteurs locaux (maires, associations, etc.), pour bien comprendre les enjeux spécifiques de chaque territoire. Elle montre également la volonté de l’État et des collectivités locales de garantir un développement harmonieux des zones rurales, pour leur offrir un avenir plus équilibré et dynamique. En effet, en plus du représentant de l’État, se trouvaient notamment l’Agence régionale de Santé et le directeur académique des services de l’Éducation nationale.

Toujours faire face à des dotations plus faibles

« C’est vraiment un dispositif sur mesure pour les accompagner » s’enthousiasme l’ancien secrétaire général du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation. Car il l’assure : « Les maires ont des idées, des projets, mais parfois ils sont un peu isolés et n’ont pas forcément l’accompagnement juridique, technique et financier pour les mettre en œuvre. » Les villages yvelinois pourront alors s’appuyer sur l’Agence Nationale de la Cohésion des Territoires (ANCT) afin d’obtenir un accompagnement personnalisé. Et en plus des conseils, cela leur permettrait d’aller chercher des ­subventions.

« Nous avons une baisse des dotations de l’État considérable, année après année qui n’est pas compensée par la hausse de la fiscalité » analyse Benoît de Laurens. Et bien qu’il soit relativement épargné, le maire de Chapet voit le budget de certains de ses collègues se faire grever par un nouveau prélèvement répondant au doux nom de DILICO. « C’est un effort qui est demandé aux communes dans le cadre de la nouvelle loi des finances publiques » soupire l’édile chapetois. Par le biais d’un calcul savant qui détermine le potentiel fiscal par habitant, ce prélèvement est censé fonctionner comme un prêt pendant 3 ans et qu’après cette période, doit être remboursé. « Mais tout le monde doute sur ce dernier point » glisse Benoît de Laurens ainsi que Franck Fontaine.

Le préfet des Yvelines Frédéric Rose (à droite) l’avait annoncé lors de sa prise de fonction : il est le préfet de « toutes les Yvelines ».

Le plan prévoit aussi de renforcer les Maisons France Services, qui sont des lieux où les habitants peuvent accéder à des services publics comme la sécurité sociale, les démarches administratives, etc. D’ailleurs, elles ont le vent en poupe puisque les Yvelines en comptent 25. Et même si elles ne s’installent pas tout le temps dans des communes rurales, celles-ci peuvent bénéficier du rayonnement d’une plus « grande » ville. L’élu de Chapet note ceci par exemple : « Nous, elle est à Morainvilliers, c’est-à-dire à 3 kilomètres d’ici. Pour La Poste, on peut se déplacer à Verneuil-sur-Seine, ce qui est proche également. Finalement nous ne sommes pas isolés des services publics s’ils sont portés par des ­communes plus importantes. ».

« Les maires ruraux sont en première ligne »

Par ailleurs, la feuille de route ruralité des Yvelines vient également aider les élus locaux à lutter contre les cyber-risques, protéger l’environnement et soutenir les actions de la Gendarmerie nationale pour améliorer la sécurité dans les communes rurales, y compris pour les maires eux-mêmes. Durant la réunion du 18 mars, l’AMR78 a modifié ses statuts afin de se porter partie civile en cas de procédure pénale. Avec les multiplications des menaces faites aux élus – dans les derniers en date, nous pouvons citer Karl Olive ou la maire de Jouy-en-Josas Marie-Hélène Aubert – l’AMR78 se propose dorénavant de prendre en charge tout ou partie des frais de justice dans le cas où l’un des élus n’aurait pas les moyens de supporter les frais d’avocat. Alors que l’association compte 104 adhérents, elle a décidé de rendre cette mesure effective pour les 138 communes rurales du département. « Les maires ruraux sont en première ligne de front » avance Frédéric Rose. « Nous n’avons pas de directeur général adjoint des services ou autre. En dessous de 1 500 habitants, vous connaissez tout le monde » acquiesce Benoît de ­Laurens.

Benoît de Laurens, maire de Chapet, estime que l’agressivité des gens ne baisse pas et qu’il fallait donc modifier les statuts de l’AMF78.

Le maire de Chapet s’estime pour le moment chanceux, il n’a jamais dû faire face à des menaces physiques, « seulement des gens qui crachent de la merde (sic) sur les réseaux sociaux ». Ce qui ne l’empêche pas de ressentir une certaine fatigue mentale. « C’est un job, quand on veut le faire sérieusement, qui est extrêmement vieillissant psychologiquement. Et on ne peut jamais décrocher. » Résultat, en 2022, près d’un élu sur deux hésitaient à se représenter aux municipales qui auront lieu l’année prochaine. « Moi le premier » confirme celui de Chapet.

Enfin, la feuille de route prévoit également un volet sur la transition numérique et énergétique. Des efforts seront faits pour développer l’internet haut débit (avec le programme New Deal Mobile) et soutenir l’utilisation des énergies renouvelables, afin d’éviter – comme avait pu le noter la sénatrice Ghislaine Senée lors de la présentation de son rapport sur l’utilisation de l’intelligence artificielle dans les collectivités – une nouvelle fracture numérique. Dernier point qui fait déjà ses preuves : la lutte contre les violences faites aux femmes. Il sera mis en place un soutien spécifique pour les victimes de violences conjugales, avec des dispositifs d’accueil et de prise en charge adaptés aux besoins des zones rurales. Les maires ruraux et les acteurs associatifs feront partie de ces actions.

Les grandes lignes seront donc traitées mais il reste quelques tracas du quotidien que les communes rurales n’arrivent pas à régler comme les dépôts sauvages. « Tout le monde se saisit du sujet mais nous n’arrivons pas à le résoudre, s’insurge le maire de Chapet, ça, c’est un vrai problème de la ruralité, parce que très clairement, ça nous bousille les paysages. »