
Alors que les babas au rhum sont en train de cuire, embaumant au passage toute la boulangerie, Marin Levifve (21 ans) et Christopher Gaucher (22 ans) s’activent sur les croissants. Anthony Masson, le patron de la boulangerie-pâtisserie éponyme, avait au préalablement découpé la pâte en triangle pour que les deux apprentis les étirent, les enroulent sur quatre tours et les disposent sur un plateau prêt à être enfourné. Ces gestes connus par cœur – ce qui leur permet de se balancer des blagues de temps en temps – sont réalisés avec une précision d’orfèvre. Il faut dire que Marin et Christopher maîtrisent leur sujet.
L’un comme l’autre participent régulièrement à des concours, sous l’impulsion de leur patron, lui-même multimédaillé. « Je ne force personne, tempère le boulanger, c’est « qui veut, veut » » même s’il voit d’un bon œil ce type de compétition : « Cela permet de rester dans le coup et de se remettre question. » Pour le moment, ça fonctionne bien. Que ce soit pour le meilleur croissant yvelinois en juin 2024 ou la meilleure baguette tradition yvelinoise il y a trois semaines, toujours le même classement : Marin 1er et Christopher 2ème.
Les deux font fi de ces positions, préférant se conseiller mutuellement durant les sessions d’entraînement et surtout se lancent des paris, comme courir complètement nu dans la petite cour de la boulangerie – qui est à l’abri des regards indiscrets – ou prochainement devoir rallier la mairie en caleçon. « Je n’ai jamais vu quelqu’un aussi content de ne pas finir premier » s’amuse Marin en désignant son acolyte. Ces résultats ne sont pas le fruit du hasard : chacun est passionné par ce qu’il fait.

Le benjamin de la bande confectionnait des gâteaux avec sa mère lorsqu’il était plus jeune, et a choisi de bifurquer vers la voie professionnelle dès ses 15 ans. « J’avais un bon niveau, mes professeurs ont essayé de me convaincre d’aller en filière générale » se remémore-t-il. « C’est vrai, il est même presque trop scolaire » lâche Anthony Masson en souriant. Quant à Christopher, c’était la voie de garage, littéralement, à laquelle il se prédestinait, en maintenance des équipements industriels. Mais il décide d’arrêter lors du confinement et devient vendeur dans une boulangerie. « Pendant mes pauses, j’allais dans l’arrière-boutique pour regarder les employés travailler les produits » explique-t-il, « il vendait des baguettes et s’est découvert une passion » plaisante alors son comparse.
Outre l’envie, les deux apprentis ont accepté sans problème les sacrifices liés à leur profession comme les horaires décalés, et aspirent à de grandes choses. Marin se prépare à quitter sa ville natale des Mureaux en septembre pour traverser l’Atlantique. Si tout se passe bien, il devrait être embauché dans un hôtel au pays de l’Oncle Sam pour, à terme, s’installer au Canada. De son côté, Christopher se voit déjà ouvrir sa propre boutique dans les cinq ans à venir.