Rigueur, le maître-mot du budget départemental

Lors de son assemblée du 11 avril, le conseil départemental a validé son budget pour l’année 2025. Comme l’année précédente, il sera marqué par une cure d’austérité et de rigueur. Et surtout, le président du Département, Pierre Bédier, a accusé l’État de saper toutes ses mesures d’économie.

Coluche disait : « Serrez-vous la ceinture pendant cinq ans, après, vous serez habitué. » Voilà deux ans que le Département des Yvelines applique des mesures d’austérité pour dégraisser un mammouth ayant plus d’un milliard de frais de fonctionnement. Cette réduction du train de vie de l’instance présidée par Pierre Bédier n’est pas faite de gaieté de cœur puisque l’ancien secrétaire d’État aime rappeler la fonction principale du conseil : « investir et accompagner les communes. » Elle est principalement due à la chute des DMTO (droits de mutations à titre onéreux) sur lesquels le Département perçoit 4,5 %. En effet, à cause d’une crise immobilière sans précédent, les transactions d’achat et de vente ralentissent.

« D’une part parce que les taux d’intérêt des emprunts augmentent et d’autre part, de la réticence des élus à construire des logements neufs, qui provient aussi de la réticence des habitants à avoir plus de voisins » expliquait Pierre Bédier dans notre édition du 31 janvier 2024. Le Mantais d’adoption fustigeait également l’application de la nouvelle loi qui demande de faire des bilans thermiques et de ne plus louer les logements en catégorie G : « Les propriétaires sont obligés de réaliser des travaux onéreux, ce qui paralyse également le marché immobilier. » En 2023, la chute des DTMO à hauteur de 30 % entre l’année 2023 et 2024 grevait ainsi de 140 millions d’euros le budget du Département, un chiffre important sur les 450 millions d’euros de recette globale. « Nous sommes le 2ème Département le plus impacté de France en termes de pourcentage, le 3ème en termes de valeur » rappelait Pierre Bédier l’année ­dernière.

L’Etat, une nouvelle fois grand méchant loup

Par ailleurs, il touche aussi une quote-part sur la TVA et aurait dû donc bénéficier d’une augmentation de ces recettes du fait de l’inflation, mais la nouvelle loi de finance l’a plafonné. Après les 40 millions d’euros d’économisés en 2023, 30 millions supplémentaires en 2024 sont venus s’ajouter sur les postes suivants : 8 en dépense de communication, sport et culture, 7 grâce à l’optimisation des dépenses opérateurs, 5 provenant de la masse salariale hors inflation contenue. Les recettes réelles de fonctionnement ont été stabilisées grâce à l’activation de 71 millions d’euros de recettes exceptionnelles dont 44 millions d’euros de leviers techniques (reprises de provisions, annulation de rattachements, neutralisation des amortissements). Ces efforts ont permis de compenser intégralement l’inflation de 2 %, l’augmentation des intérêts de la dette et les mesures imposées au Département comme la hausse de l’activité de l’aide sociale à l’enfance (+10 millions d’euros dont 5 pour les mineurs non ­accompagnés).

Bis repetita pour 2025, les prévisions budgétaires qui s’annoncent dans la continuité du plan de sobriété ont nécessité pour la première fois d’effectuer un vote du budget primitif lors de la séance publique du 11 avril afin de pouvoir reprendre le résultat de 2024 (53 millions). Durant celle-ci, l’intégralité des conseillers départementaux ont pointé du doigt les mesures confiscatoires de la Loi de Finance 2025, privant le Département de 37 millions d’euros de marge de manœuvre. À l’instar des communes, l’organisation présidée par Pierre Bédier doit s’acquitter de la DILICO. « C’est un effort qui est demandé aux communes dans le cadre de la nouvelle loi des finances publiques » détaillait Benoît de Laurens, édile chapetois, dans notre édition du 2 avril. Ce nouveau prélèvement détermine le potentiel fiscal par habitant et est censé fonctionner comme un prêt pendant 3 ans. Il doit donc être remboursé après cette période mais on reste dubitatif chez les élus yvelinois.

« Cela impose donc 20 millions de dépenses en plus, qui aboutit à une totale confiscation du montant de la dotation globale de fonctionnement versée par l’État (19 millions d’euros, Ndlr), dernier soutien qui était encore perçu » s’étrangle Pierre Bédier. L’Etat devient ainsi le grand méchant loup, surtout quand Oliver de la Faire évoque le remboursement des AIS (allocations individuelles de solidarité) dont font partie le RSA, l’AAH, l’APA. En effet, le Département verse ces aides puis envoie la note à Bercy pour récupérer l’argent. « Il y a 310 millions d’euros de delta en 2024, s’offusque le conseiller départemental du canton de Versailles, et sur les 10 dernières années, la note monte à 3 milliards d’euros. Nous aurions pu en mener des politiques avec ça. »

Des repas scolaires à 4 composantes au lieu de 5

Parmi la salve d’économies se trouve une qui fait déjà parler d’elle dans les collèges : le passage de 5 à 4 composantes dans les repas deux jours par semaine, à partir du mois de mai. Gains de l’opération : 300 000 euros en plus dans les caisses yvelinoises. Sur les réseaux sociaux, les associations de parents d’élèves sont déjà montées au créneau et une pétition circule. « Cette décision repose notamment sur une enquête réalisée au sein des collèges ayant révélé que les élèves ne prenaient en moyenne que 3,7 composantes parmi les 5 proposées » se justifie-t-on au sein du conseil départemental. « Cela permettrait aussi de réduire les gaspillages qui sont de 100 kg par jour » ajoute Catherine Arenou, la maire de Chanteloup-les-Vignes. Par ailleurs, selon le quotient familial, le coût d’un repas pour une famille résidente dans les Yvelines s’élève entre 1 euros et 4,64 euros. « Alors que le coût de production d’un repas est estimé à 9,25 euros. Nous prenons donc en charge entre 50 % et près de 90 % des repas » objecte le Département. De plus, ce n’est pas le seul à avoir opéré ce changement à quatre composantes puisque l’Essonne et les Hauts-de-Seine le pratiquent depuis au moins un an.

Il n’y a pas que la chute des DTMO qui inquiètent Pierre Bédier : il y a aussi la baisse des recettes de la TVA. « Ne croyons pas que toute cette agitation autour des droits de douane ne soit une histoire abstraite » s’alarme l’ancien maire de Mantes-la-Jolie avant de se muer en professeur d’économie : « Les augmentations de prix, ça se traduit par une baisse de la consommation. Et s’il y a baisse de la consommation, il faut que celle-ci soit inférieure à celle de l’inflation pour que la TVA soit positive. Sinon, il peut y avoir un fléchissement de la TVA. »

Tout ceci inquiète évidemment les conseillers départementaux qui cumulent avec la fonction de maire et sont donc en première ligne. « Quels messages auprès de la population devons-nous faire passer et quelle pédagogie adopter ? » questionne Joséphine Kollmannsberger, édile de Plaisir. Et à moins d’un an des élections municipales, certains redoutent que la gronde populaire n’ait raison de leur place d’élu. De plus, à force de jongler avec les bilans financiers et autres comptes de résultat afin de réduire la voilure, la maire plaisiroise craint que l’histoire ne se répète : « Durant la 3ème République, nous n’étions que des gestionnaires et des découpeurs de ruban. »

Seule éclaircie au tableau, le Département yvelinois peut se targuer d’avoir une épargne positive, l’un des seuls dans la région Île-de-France. Toutefois, malgré les efforts qui vont être faits, l’instance départementale va renforcer son soutien aux projets éducatifs et culturels avec le dispositif SIEL+ et l’appel à projets « Santé en cultures ». « Conservons ce cap, une politique modeste sur le fonctionnement, fort dans l’investissement. Juste nous baissons l’intensité de la force » conclut Pierre Bédier.

Le Département veut un coup de frein contre les ZFE

Pierre Bédier les appelle les « zones à fort emmerdement (sic) ». Depuis 2021, une Zone à Faibles Émissions (ZFE) est en place dans 77 communes de la Métropole du Grand Paris, limitant progressivement la circulation des véhicules les plus polluants. Depuis le 1er janvier 2025, les véhicules Crit’Air 3 sont également interdits. Le Département déplore les conséquences de ce dispositif sur les habitants de la grande couronne, en particulier ceux des zones rurales, qui n’ont souvent pas d’alternative à la voiture pour leurs trajets quotidiens, en raison d’un réseau de transports en commun insuffisant. « Le renforcement de cette ZFE va créer une ségrégation durable des territoires ruraux non desservis par les transports en commun » s’offusque-t-on chez les conseillers départementaux. Le Département a décidé de demander la suspension immédiate du renforcement des ZFE et critique également l’absence d’études d’impact étendues à l’ensemble des territoires concernés, au-delà de la seule Métropole du Grand Paris.