À 9 mois des élections, la majorité municipale vole en éclats

Le 12 juin, le maire de Villennes-sur-Seine Jean-Pierre Laigneau a retiré les délégations de trois de ses adjoints, pour avoir « décidé de monter une liste en vue des prochaines élections municipales ». Les élus villennois ont toutefois voté le maintien l’une d’entre eux, qui n’est autre que la première adjointe Marie-Agnès Bouyssou, lors du conseil municipal exceptionnel du 19 juin.

C’est sous des applaudissements nourris et des cris d’encouragement que Marie-Agnès Bouyssou, Jean-Michel Charles et Virginie Oks ont franchi les portes de la salle du conseil municipal, pleine à craquer à l’occasion du conseil municipal du 19 juin. Une séance pas comme les autres : les élus villennois se réunissaient pour décider du sort des 3 adjoints en question. En effet, quelques jours plus tôt, le maire de Villennes-sur-Seine Jean-Pierre Laigneau annonçait qu’il leur retirait leurs délégations respectives. La raison ? Leur volonté de « monter une liste en vue des ­prochaines élections municipales ».

Cette décision, qu’il assure n’avoir pas prise « à la légère, mais en gravité », il l’a mûrie pendant quelques mois. « Il y a un peu plus d’un an, j’ai affirmé à l’un de mes adjoints que je réfléchissais à me représenter (aux élections municipales de 2026, Ndlr), nous raconte le maire, quelques jours après le conseil municipal du 19 juin. À ce moment-là, je n’ai pas vu le coup arriver, mais je sais qu’un travail a commencé à se faire avec ces trois-là. Et à partir de janvier dernier, j’ai commencé à entendre quelques critiques à mon encontre, sur mon travail et mon intégrité, indiquant que je privilégierais mes intérêts personnels avant ceux de la majorité. J’ai considéré que ces attaques étaient trop fortes. Et puis j’ai une opposition en face, si en plus j’en ai une dans la majorité… »

Volte-face

Elle est bien là, l’origine de la discorde : le volte-face de Jean-Pierre Laigneau, qui affirmait ne vouloir briguer qu’un seul mandat, lors de la campagne électorale de 2020. Et qui, en coulisses, laissait entendre sa volonté de passer le flambeau à sa première adjointe chargée des affaires scolaires et des ressources humaines, Marie-Agnès Bouyssou, pour les prochaines élections. « Quand il m’a attribué mon bureau à la mairie, il m’a dit : « si les Villennois nous refont confiance, tu prendras le mien », nous glisse-t-elle. C’est ça que je lui ai reproché, qu’il ait renoncé à sa parole, mais c’est aussi la façon dont tout ça a été fait. Il a pris sa décision seul, a sondé une poignée d’élus, avant de venir me voir à Noël pour m’annoncer son choix ».

Selon Marie-Agnès Bouyssou, le maire aurait même émis l’idée de « prétexter une maladie » en cours d’un éventuel second mandat, pour qu’elle prenne la suite. « J’ai refusé, je trouvais que ce n’était pas honnête vis-à-vis des électeurs », dénonce-t-elle. S’il admet lui avoir proposé de « lui passer la main en cours de mandat », Jean-Pierre Laigneau réfute catégoriquement avoir envisagé de le faire sous couvert d’un motif médical.

Il y a bien quelque chose que regrette l’édile : la façon dont il a annoncé sa décision de retirer les délégations de Marie-Agnès Bouyssou, Virginie Oks et Jean-Michel Charles, mais aussi d’écarter le conseiller municipal Arthur Rouyer, en leur remettant discrètement une enveloppe contenant l’arrêté, à la fin du conseil municipal du 12 juin. « Le caractère brutal et opaque de cette décision est la démonstration de votre incapacité à affronter le débat », lui a lancé sa première adjointe lors de l’assemblée suivante. Bien qu’il n’ait pas répondu à cette attaque sur le moment, il nous a avoué qu’il « regrette, peut-être, de ne pas l’avoir fait autrement ». Avant de se montrer plus piquant. « Bon, ce n’était pas une surprise, on ne se parlait plus, il ne faut pas qu’ils fassent les vierges outragées… »

Vous imaginez donc bien l’ambiance dans laquelle s’est déroulée l’assemblée municipale de jeudi dernier. C’est entre des petites phrases acerbes et des réactions épidermiques du public que les élus ont donc voté pour le maintien, ou non, des 3 adjoints. Vote qui s’est déroulé à bulletin secret, à la demande d’un-tiers des conseillers municipaux présents. « Ça, c’est courageux », pouvait-on entendre de la part des habitants, qui ont souvent usé de sarcasme pendant les deux heures de débats.

Pendant le premier dépouillement, toutefois, on pouvait entendre les mouches voler. Le résultat, indécis jusqu’au bout, a finalement conforté Marie-Agnès Bouyssou dans son rôle d’adjointe : avec 14 voix pour le maintien de ses fonctions et 14 voix contre (et un vote blanc), la délibération a été rejetée. Dans le public, on jubile, on clame son soulagement. Avant que ce ne soit au tour de Jean-Michel Charles, adjoint à l’urbanisme, de se défendre avant d’être fixé sur son sort. « Pourquoi cette purge ? Pourquoi ce refus de communication ? Pourquoi vous séparer de piliers qui pendant 5 ans ont été présents quotidiennement ? Résolvant tous les problèmes en vous apportant des solutions, et surtout en vous évitant de commettre des erreurs parfois ­irréparables ».

« Vous devriez avoir honte »

L’élu a en effet mis le doigt sur des « sujets qui fâchent », comme celui du projet d’aménagement du quartier Fauveau, qu’il qualifie de « pharaonique » et « complètement enclavé » qui « représentera un tiers de la population ». « Un non-sens urbanistique » insiste-t-il, tançant également la future installation d’antennes 5G dans le quartier Breteuil (voir notre édition du 26 mars 2025). En réponse, le maire a affirmé que c’était la loi SRU, qui impose un taux de 25 % de logements sociaux dans les communes de plus de 3 500 habitants, qui l’avait poussé à valider la construction du futur quartier Fauveau. Cette fois, les élus municipaux ont choisi d’écarter le maire-adjoint, avec 19 voix contre le maintien de ses fonctions, et 10 voix pour.

Le même sort a été réservé à Virginie Oks, 5ème adjointe chargée de la transition énergétique et écologique, de la nature et du cadre de vie, cette fois avec 18 voix contre 11. « Je croyais, en 2020, suivre un maire avec des valeurs et une vision pour Villennes, déplorait-elle avant que le couperet ne tombe. Mais force est de constater que je me suis trompée […]. Le retrait de délégations, que vous m’avez remis jeudi sans m’en avertir préalablement, montre ostensiblement que vous sanctionnez ceux qui ne vont pas dans le sens de vos intérêts et de vos ambitions. Des ambitions strictement personnelles, très éloignées des considérations écologiques et énergétiques, de l’intérêt général, du respect élémentaire des Villennois et de la parole donnée ».

Une fois la séance levée, quelques vociférations ont résonné dans la salle. « Pathétique, vous devriez avoir honte ! » pouvait-on entendre alors que les conseillers municipaux rassemblaient leurs affaires, avant de se confronter au public. « On m’a qualifié de stalinien, c’est peut-être une référence à mon passé de collaborateur de Georges Marchais », ironise Jean-Pierre ­Laigneau.

Marie-Agnès Bouyssou, elle, est sortie de l’Hôtel de Ville sous les mêmes applaudissements qu’à son arrivée. Quant à son nouveau rôle d’adjointe au maire sans délégation, elle l’aborde avec sérénité. « C’est une situation ubuesque, mais je n’irai jamais à l’encontre de délibérations que je considère être bonnes pour les Villennois, assure-t-elle. Et s’il y en a qui m’interrogent, je les questionnerai ».

Vient alors la question que se posent tous les Villennois et les Villennoises : quels noms seront visibles sur les bulletins de vote, en mars 2026 ? Si la soirée du 19 juin avait clairement des allures d’échauffement en vue des prochaines joutes électorales, les deux principaux intéressés bottent en touche, et se réservent d’officialiser une éventuelle candidature avant septembre prochain. En tout cas, ça promet, car comme le disait un habitant à la sortie du dernier conseil municipal, « c’était encore mieux qu’une série ­Netflix ! »

Pourquoi les cours oasis n’ont-elles pas été inaugurées ?

Avant de reporter l’événement à la dernière minute, la municipalité de Villennes-sur-Seine devait inaugurer, le mardi 13 juin, les cours oasis des écoles Chèvrefeuilles et Saint-Exupéry (voir notre édition du 2 avril 2025). Un projet porté par… Marie-Agnès Bouyssou, Virginie Oks et Jean-Michel Charles, dont les délibérations ont été retirées la veille. « C’est quand même une coïncidence assez incroyable qu’on retire nos délégations, et qu’on décide concomitamment d’annuler l’inauguration. C’était couru d’avance », avance la première adjointe.

Le maire, de son côté, assure que cela est dû à un incident survenu dans la cour de l’école Saint-Exupéry. « Un élève s’est tapé la tête sur un poteau en bois, résultant en une commotion cérébrale, explique-t-il. Un pompier qui est intervenu a dit que cette cour était accidentogène. J’ai donc décidé qu’on reportait l’inauguration, et qu’on créait une commission avec les parents d’élèves, les élus et un bureau technique pour voir s’il y a des choses à améliorer, ou des protections à mettre ». « L’opposition a mené une cabale et a monté en épingle cet accident pour discréditer les cours, assure de son côté Marie-Agnès Bouyssou. Quand on interroge la directrice, elle assure que la cour n’est absolument pas dangereuse, c’est un faux procès ».