Reprise du dialogue, rencontres territoriales… Où en est la LNPN ?

Le 1er juillet dernier se déroulait un comité de pilotage de la Ligne Nouvelle Paris Normandie, à Giverny (Eure), quelques jours après la décision du Conseil d’Etat de valider le Schéma Directeur de la Région Île-de-France, qui ne comprenait pas le tracé ferroviaire. Cécile Zammit-Popescu, présidente de la Communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise, et Patrick Stefanini, conseiller départemental des Yvelines, étaient présents pour faire valoir les arguments des élus locaux.

Enterrée, la Ligne Nouvelle Paris Normandie ? Vraiment ? C’est en tout cas le son de cloche qui était propagé par la Région Île-de-France suite à la décision du Conseil d’Etat de valider le SDRIF-E. « Ce projet particulièrement néfaste pour les terres agricoles et le paysage des territoires a suscité de légitimes inquiétudes et une opposition unanime des élus et habitants concernés, s’était empressée de déclarer l’instance francilienne. Grâce à l’intervention de la Région, leur voix a été ­entendue ».

« La décision du Conseil d’État a été très surinterprétée, tempère de son côté Patrick Stefanini, conseiller départemental… et lui-même membre du Conseil d’État. Dans le SDRIF-E, Valérie Pécresse a fait le choix non pas de supprimer la référence à la LNPN, mais de ne pas la cartographier. Cela a été interprété par raccourci rapide signifiant que la LNPN avait disparu de l’ordre juridique français. Cela n’est évidemment pas le cas ».

Une « volonté commune » ? Vraiment ?

L’élu du canton de Bonnières-sur-Seine s’est d’ailleurs rendu au Musée des Impressionnismes de Giverny, dans l’Eure, le mardi 1er juillet dernier à l’occasion du dernier comité de pilotage du projet. Une réunion de reprise de contact à laquelle ont également participé, entre autres, Cécile Zammit-Popescu, présidente de la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise, Édouard Philippe, maire du Havre, différents élus de la Région Normandie… mais pas le ministre des Transports, Philippe Tabarot, contrairement à ce qui était prévu. C’est donc Sophie Primas qui l’a remplacé au pied levé pour représenter le Gouvernement en ses qualités de porte-parole, bien qu’elle ne se soit pas exprimée sur le fond du dossier en raison de son opposition connue au projet en tant qu’ex-élue locale. « Un des deux ministres n’était pas là, et l’autre a choisi de ne rien dire, résume Patrick Stefanini. Ce qui a provoqué le courroux des Normands et de l’ancien Premier Ministre, qui en se tournant vers le Préfet, lui a dit qu’il ne comprenait pas ce que faisait l’État ».

Il faut dire que Jean-Baptiste Gastinne, vice-président de la Région Normandie délégué aux transports, et Nicolas Mayer-Rossignol, maire de Rouen, et président de la Métropole Rouen Normandie, étaient remontés comme des coucous au moment de venir rencontrer leurs homologues franciliens. « Je continuerai de me battre. Que l’État ne nous lâche pas ! » avait déclaré l’édile rouennais après la décision du Conseil d’État début juin.

Cette rencontre était donc l’occasion de remettre les choses à plat et de repartir sur de bonnes bases. Car pour nos voisins Normands, la Ligne Nouvelle Paris Normandie est un « projet d’intérêt national, voire européen », un avis partagé par le ministre des Transports qui, s’il n’était pas présent au « copil », a pris la peine de rendre visite à Édouard Philippe dans son fief deux jours plus tard pour lui assurer le soutien de l’État. « Je fais tout pour que ce projet soit relancé parce qu’il y a eu quelques incompréhensions entre les élus en fonction des régions dans lesquelles ils étaient, a déclaré Philippe Tabarot en marge de sa visite havraise. Mais je crois que ces incompréhensions sont en train de s’estomper. Maintenant, on a une volonté commune de mener ce projet à bien. En tout cas, on va travailler à ça ».

Une « nouvelle dynamique »… et des conditions

Afin de renouer le lien entre les différents acteurs et d’insuffler une « nouvelle dynamique » au projet, le Gouvernement lancera un « dialogue territorial », dont la première séquence se déroulera entre les mois de septembre et décembre. Celui-ci aura pour objectifs « l’explicitation des enjeux et perspectives d’avenir des territoires de l’axe Seine et l’identification des besoins de mobilité actualisés auxquels le projet LNPN aura vocation à répondre ». Cette démarche sera pilotée par Serge Castel, délégué interministériel au développement de la Vallée de Seine, et nommé par le Premier Ministre François Bayrou en avril dernier.

« Nous y participerons, car le Département des Yvelines est ouvert au dialogue, mais pas à n’importe quelles conditions », assure Patrick Stefanini. En effet, les élus Yvelinois, qu’ils siègent au conseil départemental ou à la communauté urbaine, restent farouchement opposés au projet en l’état. Et s’ils se félicitent du « changement de méthode » qui se met peu à peu en place, ils restent inflexibles sur plusieurs sujets. Dont l’arrêt des trains dans le Mantois. « Les élus normands, par la voix de Jean-Baptiste Gastinne, ont eu l’occasion ces dernières années de dire que la Normandie souhaitait avoir plus de trains directs vers Paris, et supprimer en conséquence des arrêts à Bonnières, Bréval, Rosny et Mantes, s’agace le conseiller départemental. C’est inacceptable. Si nous n’avons pas des garanties très sérieuses sur le maintien des arrêts des trains normands, le Département ­maintiendra son opposition ».

Les élus locaux s’interrogent également sur le développement du fret ferroviaire qui était envisagé par les élus Normands sur les sillons de la LNPN, mais aussi sur l’utilité du projet pour les habitants de la Vallée de Seine. Sans parler de l’incertitude du tracé qui inquiète les investisseurs. « Depuis 2020, un fuseau a été défini sur la partie Paris-Mantes et Paris-Evreux. Mais ce fuseau large met un point d’interrogation sur différents projets économiques et industriels qui ont été remis en cause depuis 18 mois, notamment dans le secteur d’Aubergenville. Si les conditions du dialogue sont réunies, et s’il y a une prise de position claire sur les arrêts à Mantes, le détournement du fret hors de l’Île-de-France et l’utilité du projet, il peut être intéressant d’aller rapidement vers la définition d’un tracé qui lèverait les incertitudes qui pèsent sur le développement économique des secteurs géographiques concernés ».

Si Patrick Stefanini a du mal à se montrer optimiste, il y a tout de même des raisons d’espérer. Dans un communiqué joint publié à l’issue du « copil », les ministères de l’Aménagement du Territoire et de la Transition Écologique ont assuré qu’à partir de septembre, « une réflexion sera conduite […] afin de permettre d’objectiver les besoins à venir en matière de fret et de logistique et disposer d’éléments permettant d’identifier des solutions partagées ». En parallèle, « des réponses aux nombreuses questions et clarifications soulevées par les membres du comité de pilotage seront apportées notamment, concernant la desserte du mantois par les trains Normands et le saut de mouton en avant gare de Saint-Lazare ». Rendez-vous à la rentrée.

Trois questions à Ghislaine Senée, sénatrice des Yvelines

Quelle a été votre réaction suite à cette remise à plat du projet de la LNPN ?
Cela permet de repartir sur de bonnes bases. Si on ne veut pas perdre trop de temps, il va falloir mettre les points crispants sur la table. J’espère qu’il y a vraiment une volonté commune, que les élus ont compris les enjeux. Car l’enjeu, justement, c’est aussi pour notre territoire, pour qu’EOLE puisse amener robustesse et fréquence.

Cette démarche de « dialogue territorial » est-elle la bonne stratégie ?
Je pense que c’est important de rouvrir des espaces de dialogue, d’aller à la rencontre des élus et des habitants. C’est bien d’expliquer pourquoi s’agit d’un projet d’utilité publique, que c’est un projet qui leur amène des avantages, des bienfaits et pas seulement pour les Normands. Ce dispositif permettra à chacun de venir poser ses questions, ses craintes et d’obtenir réponses.

Pensez-vous que les élus normands sont prêts à lâcher du lest pour les arrêts dans le Mantois ?
Évidemment. Dès le départ, c’était la variable d’ajustement. Oui, un arrêt supplémentaire ça retarde, on met plus de temps pour arriver à Paris. Tout le monde peut comprendre. Mais financièrement, la région Normandie a tout à fait intérêt à ce que les trains s’arrêtent, cela ouvrirait la porte à d’autres financements.