
Au casino Barrière d’Enghien-les-Bains, Rima Ayadi est comme chez elle. L’année dernière, la Française s’était frottée à sa compatriote Licia Boudersa puis à l’Argentine Victoria Bustos, avec à chaque fois une victoire à la clef, lui permettant de rafler le titre européen et la ceinture IBF-Intercontinental dans la catégorie super-plume (moins de 59 kg). En cette soirée du 28 août, c’est la Turque Elif Nur Turhan qui se dresse sur son passage.
Les deux femmes ont des statistiques quasi-identiques : 11 victoires pour notre « Antilope » nationale, 10 pour la boxeuse venue du Bosphore, mais surtout, aucune défaite pour l’une et l’autre. Le combat promet donc d’être âpre. De plus, celle qui sortira victorieuse pourra se targuer d’être championne du monde intérimaire et compostera son billet pour affronter la championne du monde, l’Américaine Alycia Baumgardner (31 ans, 1,68 m, 16 victoires, 1 défaite, 1 no-contest), également détentrice des ceintures WBA-WBC-WBO-IBF.
Quatre confrontations se succèdent avant le « main event ». La foule peut ainsi se familiariser aux mouvements du noble art que sont les crochets, les uppercuts et le jeu de jambes. Entre chaque entracte, le speaker chauffe la salle à blanc pour que la Française soit transportée par l’énergie du public. Il hurle alors « Rima » et les spectateurs lui répondent du tac-o-tac en scandant « Ayadi ». 22 h 30, « l’Antilope » fait enfin son apparition. Tresses plaquées surmontées de paillettes, survêtement blanc, musique rythmée, la protégée d’Abadila Hallab est déjà dans son match.

Le premier son de cloche retentit et c’est une certitude : il n’y aura pas de round d’observation. Nur Turhan assène une droite, faisant apparaître une ecchymose sur le front de Rima. Cependant, à l’orée du round 3, elle semble prendre le dessus. Un aficionado de la boxe commence à pester sur le style de la combattante turque. « Elle fait de la bagarre, elle attend trop. Il y a des règles et elle ne les respecte pas » s’emporte-t-il. Les juges partagent son opinion et adressent une pénalité à l’adversaire de Rima pour avoir frappé le gant ouvert au round 6. Le tournant du match ? Que nenni…
À peine quelques secondes plus tard, Nur Turhan casse la garde Française et envoie un crochet puissant. Celle-ci chute, le public devient muet. Elle se relève mais il est déjà trop tard, l’arbitre décide d’arrêter le combat. Le dépit se lit sur le visage de la boxeuse mais sa première pensée va vers sa mère, présente dans la salle. « Maman, ne t’inquiète pas, je vais bien » lâche-t-elle au micro du speaker. C’est désormais un sentiment étrange qui la parcourt. Son regard bleu perçant ne peut cacher une émotion jusqu’alors inconnue : celle de la défaite. « Je ne sais pas vraiment la gérer » confie cette OVNI du noble art qui a commencé la boxe tardivement à 26 ans après « avoir vraiment morflé ». Perdre est aussi un apprentissage, alors avant de quitter le ring, Rima fait une promesse : « L’adversité révèle les champions. Rien n’est terminé, je vais revenir pour prendre le titre. »