
Dans l’édition du mardi 8 juillet de la Gazette de Saint-Quentin-en-Yvelines, nous évoquions une affaire de trafic d’alcool et de stupéfiants dans l’enceinte de la maison d’arrêt de Bois-d’Arcy, au printemps dernier. Au total, ce sont 7 hommes âgés de 23 à 46 ans : cinq détenus, un Conseiller d’insertion professionnelle (CIP) et un gardien de prison, qui sont mis en cause dans cette affaire.
Une première audience s’était déroulée le 3 juillet menant sur de la détention provisoire pour 6 des 7 prévenus dont le gardien. Seul le conseiller avait été placé sous contrôle judiciaire. Une seconde audience, qui a eu lieu le vendredi 19 septembre jusque tard dans la nuit, a tenté d’identifier le rôle de chaque protagoniste dans ce trafic.
Ce sont les enquêteurs de l’Ofast (Office anti-stupéfiants) qui ont révélé cette affaire, suite à un signalement fait, en mars dernier, de la part de l’administration pénitentiaire au parquet, relations-nous en juillet.
Les enquêteurs s’intéressent à ce moment-là, aux relations ambiguës qu’entretiennent un surveillant pénitentiaire, un conseiller d’insertion et un détenu de 39 ans. « Les voilà devant la justice tous les trois, avec quatre autres détenus. La plupart d’entre eux sont originaires des Mureaux », précise un article du Parisien.
L’ancien surveillant pénitentiaire, un homme de 46 ans père de cinq enfants, était encore en formation quand il a commencé son business lucratif, car il faisait face selon lui à des difficultés financières. Il aurait gagné 2 500 euros pour faire entrer de la drogue en prison. « C’est ma femme qui m’a inscrit au concours [de gardien de prison, Ndlr]. Elle vit en Nouvelle-Calédonie ; moi je devais payer 1 300 euros pour me loger ici, à l’hôtel avec une salaire de 2 000 euros. Je suis allé voir l’assistante sociale, mais il n’y avait personne pour m’aider. Je fais comment pour vivre ? Je mange dans la gamelle des détenus ? », s’est-il exprimé lors de son passage à la barre.
C’est durant une fouille faite par les policiers que ces derniers vont retrouver 600 grammes de cannabis au dessus de son casier, dans les vestiaires des gardiens. Il est ensuite interpellé en compagnie d’un détenu, présenté comme l’organisateur du trafic, sur le parking du Leclerc de Bois-d’Arcy, un endroit où l’échange de marchandise était effectué. Le conseiller d’insertion et quatre détenus vont ensuite rejoindre la procédure dans les jours suivants.
« L’enquête, étayée par des écoutes téléphoniques, a démontré que la marchandise était récupérée sur le parking [du Leclerc de Bois-d’Arcy, Ndlr], puis déposée près d’une cabine téléphonique, dans l’enceinte de la maison d’arrêt », détaillent nos confrères.
Lors de l’audience, le gardien a poursuivi : « Au début, on m’a demandé de faire entrer de la viande et de l’alcool. J’ai refusé. Mais j’ai fini par accepter à cause de mes problèmes d’argent ». Ce qui est dérangeant pour l’administration pénitentiaire est le fait que, le soir du 15 mai, le gardien avait empoché 700 euros. Mais dans l’après-midi même il avait prêté serment de « bien et loyalement remplir ses fonctions et de se conformer à la loi », racontions nous dans notre édition du 8 juillet.
Le président du tribunal a mis l’accent sur cette journée : « Le 15 mai dernier, vous faisiez quoi, monsieur ?, demande-t-il au prévenu. Pas de réponse. Voilà ce que vous avez fait de votre serment ! Au lieu de l’exemplarité, vous offrez l’image d’un agent corrompu. Quel respect pour l’uniforme ! », enchaîne-t-il visiblement agacé.
Vient le tour du conseiller d’insertion, un homme de 41 ans et père de 3 enfants. Comme le gardien, il a expliqué qu’il a cédé sous la pression. Car lui et le surveillant, auraient été tous les deux la cible de menaces de la part des détenus, dans le contexte compliqué du milieu carcéral. « J’ai démissionné après cette affaire. Après 20 ans de travail social, je n’arrive plus à me projeter dans l’avenir. C’est difficile de tourner la page », s’exprime-t-il à la barre.
Un des détenus mis en cause âgé de 39 ans a également témoigné, en expliquant que la résine trouvée dans sa cellule était en fait destinée à la cellule d’en face. « Moi j’avais commandé des escalopes de poulet. Elles arrivent vers 18 h dans un carton. Je cuisinais. Et plus tard, je me suis aperçu que dans le carton, il y avait des pochons ». Bancale comme défense.
Un autre détenu de 23 ans va lui expliquer qu’il n’a pas gagné un centime dans cette affaire, mais uniquement « sa propre consommation ». La procureure de la République va dire à propos de l’implication du surveillant : « Vous êtes mouillé jusqu’au cou. Allez boire et trafiquer des stups ailleurs que dans la pénitentiaire ! C’est affligeant, scandaleux. Votre attitude jette l’opprobre sur toute une profession ».
Après une délibération chronophage, le tribunal a prononcé des peines allant de 9 mois de prison sans mandat de dépôt, à 5 ans dont 18 mois avec sursis. « C’est le surveillant pénitentiaire qui écope de la condamnation la plus lourde, assortie d’une interdiction définitive d’exercer dans la fonction publique. Le conseiller d’insertion, condamné à 9 mois de prison, va pouvoir bénéficier d’un aménagement de peine. Son interdiction d’exercer est limitée à 5 ans », précise Le Parisien.
Les avocats de la défense ont profité de ce procès pour rappeler les conditions de détention au sein de la maison d’arrêt. « Ceux-là [les détenus, Ndlr] pourrissent dans un établissement qui est la poubelle de la République, a martelé une avocate en désignant les détenus. C’est aussi ça, la réalité de ce dossier », rapportent nos confrères.