L’émotion est palpable dans les yeux. Dans les postures. Dans les voix. Il est 19 h, sur la place de la Liberté de Conflans-Sainte-Honorine quand les habitants s’approchent, à pas feutrés, du buste de Samuel Paty tout juste installé aux côtés du livre géant sur la liberté d’expression. « Il est réussi », glisse timidement une Conflanaise venue se recueillir.
« Il y a des sculptures plus difficiles à faire que d’autres, parce qu’elles sont habillées de l’émotion de millions de personnes ». C’est par ces mots que le sculpteur Sébastien Langloÿs s’est adressé aux quelques centaines de personnes réunies ce jeudi 16 octobre au soir, à l’occasion du cinquième anniversaire de la mort de l’ancien enseignant du collège du Bois d’Aulne, assassiné pour avoir montré des caricatures du prophète Mahomet à ses élèves, dans le cadre d’un cours sur la liberté d’expression. « Mon travail consiste à modeler la terre pour en faire jaillir la vie », a déclaré l’artiste choisi par la Ville et la famille de l’enseignant pour honorer sa mémoire.
Le buste fait de bronze repose sur une stèle de calcaire, « créée grâce aux carapaces de millions d’êtres vivants, dont la mort au fil des millénaires a donné naissance à cette matière éternelle », souligne Sébastien Langloÿs, qui a mis en exergue l’importance de représenter avec la plus grande fidélité le regard de son sujet. « L’autre élément est la paire de lunettes de Samuel, dont les montures invisibles semblent pourtant bien présentes sur ce buste. Je voulais donner à cette œuvre un regard puissant, éclairé, que ses yeux soient le reflet de sa vision si juste sur la vie et la liberté ».
C’est justement sous son « regard symbolique », comme le souligne le maire Laurent Brosse, que les élèves arpentent les couloirs et les salles de classes de son ancien établissement du Bois d’Aulne, depuis qu’il est devenu le collège Samuel Paty il y a un an. « Chaque famille de Conflans-Sainte-Honorine saura que nous n’oublions pas, a asséné l’édile. Samuel Paty n’était pas seulement un professeur d’histoire-géographie. Il était un éducateur, un passeur de savoir, un éclaireur d’esprit. Il incarnait les valeurs de la République : le débat, le respect mutuel, la tolérance, la liberté ».
Le devoir de mémoire, celui de ne jamais oublier le professeur et l’homme qu’il était, est donc bel et bien perpétué à Conflans-Sainte-Honorine. Car comme le dit si bien Sébastien Langloÿs : « avec ce buste, rappelons-nous que la disparition ne symbolise pas l’absence, et que se souvenir des êtres, c’est les rendre à nouveau vivants ».