
En 2008, le président de la République de l’époque, Nicolas Sarkozy, lançait un vaste plan de vidéoprotection. Cela a été un véritable succès auprès des maires de France puisqu’actuellement, plus de 6 000 communes disposent de caméras de surveillance, soit quinze fois plus qu’en 2006. Dernièrement, sur notre territoire, c’est Magnanville qui a franchi le cap. « On y avait réfléchi, c’était un programme du mandat, rappelle Michel Lebouc, l’édile local. Cela étant, au départ, je ne suis pas un fan de la vidéo. » Préférant par-dessus tout son triptyque « médiation, prévention, sécurité », il a remarqué une augmentation des délits. « Depuis le COVID, cela a dépassé le cadre les incivilités » s’exaspère l’élu qui qualifie tout de même sa commune de « tranquille ».
Fait étonnant, le scepticisme était aussi de rigueur chez Gregory Bion, le chef de la police municipale d’Épône. « Au début, quand je l’ai vu arriver, j’ai dit « je n’en veux pas moi » » concède-t-il. Le représentant des forces de l’ordre craignait surtout que les caméras soient un nouveau moyen pour réaliser des économies et mettre moins de policiers sur le terrain. Finalement, il travaille avec ce dispositif depuis 2005 et son arrivée à Villennes-sur-Seine : « Je ne me verrais plus travailler sans. »
Équipé depuis la première mandature de Guy Müller (2014-2020), la Ville d’Épône a décidé de passer un appel d’offres afin de remplacer la cinquantaine de caméras dorénavant obsolètes et d’en ajouter une dizaine. Lecture de plaques, différenciation des voitures grâce à l’intelligence artificielle, ce nouveau contrat de 600 000 euros a été remporté par un groupement composé des sociétés Yvelines Fibre et Citeos. « Moi, j’ai connu la vidéo où on me disait « je me suis fait voler entre 20 h et 1 h du matin ». Tu obtenais 3 DVD avec seulement 3 ou 4 heures d’enregistrement » explique Gregory Bion qui attend maintenant de pied ferme la modernisation de son centre urbain de supervision (CSU). « On va pouvoir créer un vrai mur avec six gros écrans dans une salle climatisée pour que les serveurs ne s’abîment pas » s’impatiente le policier.
À Magnanville, la note a été un peu plus salée – plus d’un million d’euros avec 120 000 euros de subventions de la part de la Région – pour installer les 75 caméras. La commune a été quadrillée, notamment l’avenue de l’Europe qui serait dorénavant un des axes des circulations de la drogue entre Dreux et Mantes-la-Jolie. « J’ai également un complexe sportif très grand (plus de 3Ha, Ndlr). Il y a donc des petits points de deal et des jeunes qui viennent fumer du cannabis à côté de familles » note Michel Lebouc. Ne disposant pas de CSU, les images lui sont directement transmises. D’ailleurs, elles ont déjà été réquisitionnées quinze fois depuis l’implantation du système il y a un peu plus d’un mois : « La police nationale nous les a demandées pour des cambriolages, donc nous participons à la résolution d’enquête au-delà de notre territoire. » Même son de cloche du côté de Grégory Bion. « On a pu retrouver un scooter volé et hier des gendarmes de Maule m’ont appelé hier pour obtenir des images d’une Ferrari et d’une Lamborghini » indique-t-il.

Toutefois, il ne faut pas voir la vidéosurveillance comme l’alpha et l’omega de la sécurité. « Je n’ai jamais vu une caméra descendre et attraper un voleur » s’amuse le représentant des forces de l’ordre. L’équipement doit aussi être au top. Dernièrement à Épône, les policiers ont reçu des gilets pare-balles dernière génération, des lampes tactiques pour être bien visibles la nuit et des caméras piétons. « Parallèlement, j’ai décidé de nouveau de recourir à une société de gardiennage, avec maître-chien, sur nos installations municipales dont le complexe Firmin Riffaud » souligne le maire de Magnanville. Ivica Jovic, le maire d’Épône, pointe aussi les conditions de travail. « On alterne les nocturnes et les week-ends pour que cela ne soit jamais les mêmes agents » assène l’élu. Cela a permis d’avoir une présence accrue sur le terrain. « Des assemblées de copropriétaires nous ont remercié de voir plus de « bleus » sur le terrain » ajoute-t-il. Un environnement global qui peut éviter un « mercato des agents ».
« Michel (Lebouc) l’a évoqué durant le salon des maires, glisse le directeur de la base de loisirs de Moissons. Il aimerait que nous travaillions sur une charte entre élus. » En effet, l’édile magnanvillois vient de voir une de ses policières être mutée à Gargenville, revenir à Magnanville… pour repartir à nouveau dans la commune dirigée par Yann Perron. « Les policiers municipaux ne sont pas idiots. Comme dans tous les métiers, on aspire à avoir une bonne rémunération, des bonnes conditions de travail et du bon matériel » analyse Grégory Bion. Sauf qu’à parfois déshabiller Paul pour rhabiller Jacques, certaines villes se retrouvent avec des trous dans la raquette. Par exemple, si Épône pourra compter sur quatre agents à partir du 2 janvier – soit le même effectif quand la police était pluricommunale avec sa voisine de Mézières-sur-Seine – en février dernier, Grégory Bion s’était retrouvé tout seul.
Dorénavant objet symbolisant la sécurité, la vidéosurveillance commence à dépasser le clivage Droite-Gauche. Dylan Guelton, candidat pour les élections municipales 2026 à Magnanville et qui affrontera donc Michel Lebouc, est devenu plus nuancé dans son discours alors que le consultant informatique avait voté « contre » à chacune des résolutions portant sur ce sujet : « Je sais que c’est une attente des gens. Il y a beaucoup de personnes qui ont l’impression que c’est très utile. Les études prouvent le contraire : c’est vraiment un sentiment de sécurité. »
« Il y a même des maires écologiques, comme à Bordeaux, qui mettent en place la vidéo, observe son adversaire. Le maire de Grenoble ne l’a pas non plus enlevé quand il est arrivé à la mairie. »
Toutefois, malgré cette technologie, la prévention ne doit pas être rangée au placard. Ivica Jovic rappelle plusieurs mesures mises en place dans sa commune : « On collabore de plus en plus avec l’association IFEP, on a développé les activités dans l’espace jeunesse ainsi que des chantiers jeunes. » Et si après tout cela, un délit est constaté, l’élu insiste : « La loi et la Justice doivent réaliser leurs actions. »