Rixe entre quartiers : aux Merisiers, on espère que la « leçon » fera effet

Suite à une bagarre entre deux quartiers il y a une dizaine de jours, 32 personnes avaient été interpellées. Pour la plupart, il s’agissait de leur première garde à vue.

« On préfère en rigoler. Maintenant c’est calme, on espère pour un moment. » En ce début de soirée du mercredi 3 octobre, sur la place du centre commercial des Merisiers, l’ambiance est détendue, sacs de bonbons et briquettes de jus sont partagés. Éducateurs et simples habitants se sont retrouvés pour encadrer le tournage d’un clip, prévu de longue date (voir encadré), avec les jeunes du quartier.

Dans la soirée du dimanche 30 septembre, 32 personnes, âgées de 13 à 27 ans et originaires des Merisiers, avaient été interpellées dans le cadre d’une bagarre opposant les Merisiers au quartier du domaine de la Vallée (voir notre édition du 3 octobre). « La veille, trois jeunes des Merisiers avaient été insultés au domaine, détaille des raisons de cette expédition une source policière. Il y avait déjà eu une expédition punitive le samedi soir qui n’avait rien donné, et le dimanche, quand ils ont débarqué, ils ont créé la panique chez les riverains. »

Aucun blessé n’avait été à déplorer lors de cette expédition punitive, où les protagonistes s’étaient armés de battes, couteaux et marteaux brise-glace. « Tout le dimanche, il y a eu des messages sur Whatsapp, Snapchat, raconte un éducateur de la montée en tension. Ils s’appelaient, se disaient « t’es où, viens on se retrouve », ils se sont retrouvés, ils ne savaient même pas pourquoi. »

En réaction, sur les réseaux sociaux, plusieurs Mantevillois ont pointé une résurgence de ces rixes entre quartiers depuis dix ou quinze ans. « Il y a l’effet de bande, quand on est jeune on est naïf, on se fait entraîner », détaille un jeune Mantevillois de 20 ans. Selon lui, avec l’âge vient « le recul » sur ces situations.

Ce que confirme un autre Mantevillois de 24 ans, venu avec son fils : « Quand on était jeunes, on a participé, mais c’est des conneries, tout ça. » Il explique, du rôle des vingtenaires auprès des plus jeunes : « Ça nous arrive de faire de la prévention, nous aussi, on a des enfants, maintenant. Mais devant nous, ils font comme s’ils nous écoutaient, et par-derrière, on apprend les conneries. » Un autre renchérit : « De l’extérieur, par le nombre, ça peut être impressionnant, mais il n’y a rien eu. »

Pour une grande majorité des interpellés mineurs, il s’agissait de leur première interpellation et garde à vue. « Ils se sont bien faits sermonner par les policiers, le procureur en a rajouté et il y a eu les parents derrière, les grands ont aussi joué leur rôle, rapporte un éducateur. On espère que ça leur servira de leçon. »

Les plus de 16 ans ont vu leurs gardes à vues prolongées. Les mineurs interpellés ont été mis en examen, seul l’un d’entre eux a été écroué. Huit majeurs ont écopé d’un rappel à la loi, et les deux conducteurs du fourgon et de la voiture seront convoqués ultérieurement devant le tribunal de Versailles. « Les plus grands ont dit « on a su qu’il allait y avoir une bagarre, on est intervenus pour calmer » », détaille des justifications une source proche du dossier.

« Il y en a un, sa mère a refusé d’aller le chercher au départ, il y avait beaucoup de déception », raconte après coup un adolescent aux deux éducateurs présents ce mercredi soir. Ce que confirme un autre habitant, plus âgé : « Les parents étaient inquiets, il y a eu beaucoup d’appels, heureusement qu’il n’y a pas eu de blessé. » Vers 19 h 30 ce mercredi, le tournage est censé débuter. « Je ne vais pas pouvoir rester si ça continue, peste un autre adolescent. Mon père m’a dit:  « si à 20 h 30 t’es pas là… » »

« On essaie de les encadrer pour éviter ce genre de choses », souligne un autre habitant, chargé du tournage du clip. Les paroles avaient été enregistrées il y a quelques semaines dans un studio d’enregistrement à proximité de la gare de Mantes-la-Jolie. Depuis un an, il propose à des jeunes de 16 à 18 ans des ateliers d’écriture, de rap.

Des activités organisées par les habitants eux-mêmes. « C’est devenu un quartier mort », tranche un habitant du manque d’activités proposées sur le quartier par les associations, les centres de vie sociale ou la municipalité elle-même, et qui « inciterait » ces événements. Des arguments que le maire RN Cyril Nauth attribue à « des militants d’extrême-gauche ».

« Il est très difficile d’attirer les jeunes dans ces structures, il faut aller les chercher, rétorque-t-il. Ce n’est pas en payant des médiateurs que ça va régler le problème. » Lui prône un travail de prévention auprès des familles : « J’ai demandé si on pouvait récupérer les identités de ces jeunes pour prendre contact avec leurs familles, voir si les parents sont dépassés, ignorants ou démissionnaires. »

Le président du Département, Pierre Bédier, voit, lui, un « désengagement dogmatique » dans les actions de la municipalité mantevilloise, qu’il a dénoncé la semaine dernière dans un communiqué de presse : « Nous continuerons de soutenir les associations qui travaillent au bien commun. Nous n’abandonnerons pas Mantes-la-Ville. »

Un clip oui, mais sans référence aux gardes à vue

L’information avait été diffusée en début d’après-midi sur le site internet Mantes actu. «  Intitulé « 32 », il fait référence aux 32 personnes originaires de cette cité interpellées à Mantes-la-Ville dimanche soir », rapportait le site internet d’actualités locales de la région mantaise. Une information vite démentie par les présents ce mercredi.

« C’est parti d’un délire sur Snapchat, comme, il y a eu les interpellations, les gens se sont dit « 32 » entre eux », détaille un adolescent. Le tournage du clip était prévu « depuis trois semaines », rappelle le Mantevillois chargé du tournage mercredi soir. « Il y a eu les événements de dimanche, et ça a malheureusement été rattaché », regrette un éducateur.

PHOTO : LA GAZETTE EN YVELINES