Trains normands : la nouvelle grille horaire inquiète

La Normandie a mis en place, le 13 février dernier, un plan de transport adapté jusqu’au 10 avril, conséquence de problèmes de maintenance et de livraison de matériel. Dans le Mantois, deux arrêts en heure de pointe sont supprimés.

« En 28 ans d’association je n’avais jamais vu de situation aussi catastrophique. » Le constat que tire Louis Gomez, président du Comité des usagers de l’ouest francilien (et élu d’opposition à Bonnières-sur-Seine, Ndlr) est sans appel. Depuis le mois de décembre, les usagers des gares de Bréval, Bonnières-sur-Seine, Rosny-sur-Seine et Mantes-la-Jolie ont vu une nouvelle fois se dégrader leurs conditions de transports sur la ligne J.

La grève a en effet fortement impacté la circulation des trains, retardant la mise en place de la nouvelle grille horaire. Effective selon la SNCF depuis le 25 janvier dernier, cette dernière est désormais impactée par un plan de transport adapté mis en place par la Région normande le 13 février et en place jusqu’au 10 avril. La Normandie et son président Hervé Morin (UDI) évoquent en réponse notamment les conséquences d’un problème dans la maintenance des rames, l’affaissement du remblai d’Apremont à Perdreauville et un retard dans la livraison des nouvelles rames Omnéo.

Une situation qui a conduit à la suppression de deux arrêts en gares de Rosny-sur-Seine et Mantes-la-Jolie en heure de pointe, ceux de 7 h 15 et de 17 h 51 et 18 h 11 au départ de Paris-Saint-Lazare. Usagers comme élus yvelinois craignent eux que ces dessertes ne soient pas reconduites à l’issue du plan de transport, après de rudes négociations l’année dernière pour maintenir la desserte des trains normands dans le Mantois. Une réunion de crise en présence de Valérie Pécresse (Libres), ­présidente de la Région Île-de-France et d’Île-de-France mobilités, et de la SNCF s’est tenue mercredi 19 février.

« En 28 ans d’association je n’avais jamais vu de situation aussi catastrophique. » Le constat que tire Louis Gomez, président du Comité des usagers de l’ouest francilien (et élu d’opposition à Bonnières-sur-Seine, Ndlr) est sans appel.

« Je suis en colère, a ainsi tancé Valérie Pécresse, alors que les doléances des élus comme des usagers sont exposées. […] On pensait en septembre, on avait des engagements de la SNCF sur le service, on pensait qu’on avait résolu le problème, qu’on était sortis par le haut avec des arrêts supplémentaires à Mantes, avec le cadencement qu’on avait accepté et dont on nous avait dit que sur Bonnières / Rosny cela nous permettrait d’avoir une très bonne régularité, […]. On était partis en septembre sur quelque chose qui nous donnait de l’espoir sur le fait que cela allait s’améliorer et aujourd’hui la réalité est tout autre, ça dysfonctionne complètement. »

Ce nouveau cadencement, d’un train toutes les 30 minutes, avait été proposé pour les dessertes bonniéroises et rosnéennes, avec pour conséquences de faire sortir un train de l’heure de pointe du matin, comprise entre 7 h et 9 h. « Vous aviez cinq trains en heure de pointe et ces trains n’étaient pas très bien cadencés, vous en aviez quelques-uns qui étaient très rapprochés, et ensuite, vous aviez un grand trou, détaillait en mars 2019 Pierre-Yves Dumoulin (LR), l’édile rosnéen, également vice-président en charge des transports au sein de la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise. Donc on n’a que quatre trains oui, mais ce sera cadencé toutes les demi-heures. Pour les usagers, ce sera assez facile. »

Presqu’un an plus tard, le constat du premier magistrat est plus que salé. « J’ai été interpellé par des usagers de Rosny-sur-Seine qui avaient dans le temps un certain nombre de trains le matin, mardi matin il y a eu deux trains, à 5 h 40 et 6 h 20 et pas de train jusqu’à 8 h 20 et ça c’est parfaitement inacceptable, s’indigne-t-il. On met en péril la vie familiale, on met en péril la vie professionnelle de ces usagers et moi je suis très en colère après la Région Normandie. »

La colère est partagée chez son homologue mantais Raphaël Cognet (LR) : « On commence à être un petit peu énervés par nos amis Normands, parce qu’encore une fois, et ce n’est pas de la démagogie de dire ça, quand tu n’habites pas en Île-de-France, tu n’habites pas en Île-de-France. » S’il concède qu’un geste a été fait pendant la période dure de la grève au mois de décembre, les TER et Intercités ayant effectué des arrêts supplémentaires dans le Mantois, l’édile mantais pointe « une incertitude permanente » concernant ces dessertes.

« La rupture ça a été la mise en place de la nouvelle grille horaire où effectivement, les choses allaient être destructrices. Mais on a cru qu’on allait sauver l’essentiel, le maintien des arrêts, abonde Louis Gomez de l’acceptation du cadencement. Mais pas du tout, et on s’en rend compte maintenant, c’est qu’en fait la grille horaire a une forme de péché originel, elle n’est pas cohérente, elle n’est pas viable. »

« Mardi matin il y a eu deux trains, à 5 h 40 et 6 h 20 et pas de train jusqu’à 8 h 20 et ça c’est parfaitement inacceptable », s’indigne le maire rosnéen Pierre-Yves Dumoulin (LR).

Alors que le Bonniérois s’indigne des dix trains conservés par Vernon (Eure) en heures de pointe du matin comme du soir, le président Hervé Morin répond lui par courrier ce 19 février à Valérie Pécresse et aux deux élus de vallée de Seine : « La comparaison des impacts sur nos offres de transports respectives dans la desserte du Mantois ne fait pas apparaître une discrimination négative envers vos usagers. De manière générale, l’arrêt de davantage de trains normands n’est donc pas envisageable, sans dégrader un peu plus encore et injustement la situation des Normands. »

Les deux présidents de région semblent toutefois s’être entendus pour un arrêt supplémentaire pour le train 13129, partant de Paris-Saint-Lazare à 17 h 48 à partir du 24 février. « C’est un premier signal et je sais que c’est déjà difficile pour les Normands mais il va falloir faire un geste supplémentaire », n’en démord pas Valérie Pécresse. Elle ajoute, sur les négociations passées : « Il faut qu’on appuie de tout notre poids pour les faire s’arrêter, ce qu’ils voudraient c’est ne pas s’arrêter du tout. La négociation a été un vrai bras de fer, quand ils ont fait leur nouveau schéma, il a fallu leur expliquer que s’ils ne s’arrêtaient pas du tout ils auraient du mal à faire passer leurs trains. S’ils n’arrivent pas à tenir leurs promesses il faudra redemander des arrêts, sinon les trains ne ­passeront pas. »

Maires et usagers pointent la faiblesse de la nouvelle grille horaire, pourtant Valérie Pécresse et Lucile Quessart, directrice des lignes L,J et de la branche Ouest du RER A, recommandent de lui laisser une chance. « On a une phase de mise en place de trois semaines de ce nouveau service, avec du coup un recul assez mesuré disons, je pense qu’on ne peut pas se faire une conviction sur la valeur d’un service sur trois semaines », insiste Lucile Quessart de la situation, mettant en avant deux éléments « exogènes » venant perturber le fonctionnement de cette grille horaire : la difficulté de maintenance du matériel roulant des Normands et la livraison des nouvelles rames d’une part, et l’affaissement du remblai d’Apremont dans la commune de Perdreauville d’autre part, entraînant une limitation à 10 km/h des trains l’empruntant.

« On a des perspectives intéressantes sur notre matériel, dans le sens où le déploiement du Francilien sur une autre ligne, Paris-Conflans-Mantes, va nous permettre de récupérer le matériel qui est utilisé pour les Vernon-Rosny-Bonnières et ce dès la mi-2020 », précise-t-elle de la « capacité » de la SNCF à assurer ce plan de transports.

« On ne sait pas encore comment ce service annuel 2020 va fonctionner une fois que tous les problèmes auront été réglés, admet Valérie Pécresse. On va quand même le mettre sous surveillance étroite parce que maintenant […], il ne faut pas nous prendre pour des canards sauvages, […] et je propose qu’on fasse un groupe de travail. »

Dans son courrier, Hervé Morin propose également de « revenir devant les associations d’usagers pour partager le retour d’expérience sur la crise que nous vivons » et « d’examiner la bonne adéquation du plan de transport 2020 aux besoins lorsque nous disposerons des comptages de voyageurs prévus en mars puis octobre ». À Rosny-sur-Seine, Louis Gomez a une nouvelle fois appelé à « une démarche solidaire » en Seine aval, côté normand comme francilien. « Il faut monter un comité de ligne qui va gérer la circulation des trains dans la Seine aval, avec la coresponsabilité des deux régions, conclut-il. Là, on subit les décisions unilatérales de la Normandie. »