Les amateurs d’arts martiaux mixtes se heurtent à la vision violente de ce sport

Les arts martiaux mixtes (MMA) ont officiellement été reconnus le 7 février 2020. Le club mantais Team Chapa Quente espère que la démocratisation de ce sport permettra de lutter contre les préjugés véhiculés à l’encontre de cette discipline.

Les arts martiaux mixtes (MMA) sont-ils une discipline violente ? Bien que la réponse dépende de la sensibilité de chacun, elle semble néanmoins unanime et négative chez les adhérents du club mantais Team Chapa Quente, qui s’entraînent habituellement au complexe sportif Louis Lécuyer. Le club compte notamment dans ses rangs celui qui était devenu champion du monde de la discipline dans la catégorie des poids plumes, en décembre dernier avant de perdre son titre en mars, Morgan Charrière. Outre l’image violente véhiculée sur ce sport, les pratiquants du club déplorent également l’amalgame fait entre le MMA et les autres sports de ­combat.

« Dans ce sport-là, il y a différentes composantes qui vont être reliées à divers sports de combat, de près ou de loin, mais aujourd’hui, le MMA est un sport à part entière qui se différencie des autres sports de combat », déclarait le 30 décembre dernier le combattant professionnel et étudiant en troisième année de Staps à l’université Paris-Nanterre, Mossab El Markioui, quand on l’interrogeait sur la description du MMA.

« On décrit très souvent le MMA comme une discipline où on y trouve de la boxe, de la lutte et du sol différencié, poursuit le combattant en équipe de France et lui aussi étudiant en troisième année de licence Staps dans la même université francilienne, Mounir Haddi. Mais lorsqu’on pratique ce sport, on se rend compte que c’est une discipline à part entière parce qu’on ne boxera pas comme un boxeur, on ne luttera pas comme un lutteur […]. C’est vraiment spécifique. »

« En MMA on ne va pas boxer comme un boxeur parce qu’un boxeur ne va pas s’attendre à être amené au sol. Il ne va pas s’attendre à prendre un coup de pied. On ne va pas lutter comme un lutteur non plus parce qu’un lutteur ne s’attend pas à prendre des coups non plus, poursuit Mossab El Markioui. L’espace fait aussi qu’on ne va pas lutter comme un lutteur. Un lutteur n’a pas de cage donc il n’y a pas d’appui et cela va être une autre manière de lutter. Au sol, pareil, on ne va pas lutter comme un jujitsuka parce qu’il y a les frappes au sol qui tombent. » Or, les frappes au sol sont particulièrement décriées. « On pense encore dans l’imaginaire de tout le monde que de mettre des frappes au sol c’est super simple mais, en fait, c’est très technique et surtout mettre de la puissance dans les frappes au sol c’est vraiment très difficile », déplore ­Mounir Haddi.

Bien que l’aspect violent soit particulièrement mis en avant pour faire de cette discipline « un spectacle », le combattant de l’équipe de France insiste sur le fait que le MMA est codifié et encadré pour préserver la santé des combattants. « C’est beaucoup de sang, ce sont beaucoup de KO mais l’essentiel qu’il faut comprendre c’est que c’est un sport ultra technique, c’est un sport qui est ultra codifié et dans lequel les combattants sont ultra protégés », affirme-t-il.

Pour l’entraîneur du club Team Chapa Quente, Eduardo Rodrigues, les combats professionnels de l’UFC, retransmis à la télévision, ne sont pas comparables avec les entraînements en salle. « J’ai l’impression que, des fois, les gens font un peu l’amalgame. Ils regardent les super champions à la télé qui gagnent des millions, qui combattent à un niveau fantastique et ils pensent qu’ils vont retrouver cela en salle », regrette-t-il en insistant sur les techniques préalables à maîtriser.

« C’est un sport de travail. C’est celui qui travaille le plus qui va être le plus fort. En fait, il faut que les gens essayent, qu’ils aillent dans le club pour comprendre que c’est un vrai sport », affirme Kim, le 20 janvier lors d’un entraînement en extérieur au stade mantais Marcel Doret en raison de la fermeture du gymnase Lécuyer, pour respecter les réglementations sanitaires. Âgé de 17 ans et ceinture noire de karaté, Kim a rejoint le club de MMA du Team Chapa Quente il y a deux ans pour faire de la ­compétition.

L’avis du jeune adhérent est partagé par Eduardo Rodrigues. « À aucun moment il y a les adhérents qui sortent avec un coquard ou je ne sais quoi », insiste-t-il en précisant que le club accueille les enfants à partir de sept ans. « C’est dommage qu’on focalise que sur le fait qu’il y ait du sang [dans les grands combats], ajoute-t-il. Si on s’arrête à cela, on prend n’importe quel sport et ce sera violent. Au football, quand il y a des tacles ou des choses comme cela, il y a des gens qui se cassent la jambe. À la boxe anglaise, il y a des gens qui sortent avec des têtes carrées aussi alors que la boxe, quand on en parle, on dit que c’est le noble art. »

Depuis le 7 février 2020, par arrêté ministériel, les arts martiaux mixtes sont en tout cas officiellement intégrés à la Fédération française de boxe en tant que discipline associée. « C’est un tournant historique pour les sports de combat et les arts martiaux et un vrai mariage de raison entre la boxe et le MMA », déclaraient ce jour-là le directeur administratif de la Fédération française de boxe, Jean-Baptiste Marsaud, et le président de la ligue nationale de boxe professionnelle, Arnaud Romera.

Du fait de cette reconnaissance, Mossab El Markioui espère donc qu’une plus grande médiatisation de ce sport entraînera donc un changement de perception du grand public sur le MMA. « On se sent un peu plus en valeur, résume-t-il du choix de la plateforme vidéo M6 d’avoir diffusé le combat de Morgan Charrière en décembre dernier. Déjà, là, on se sent un peu plus en valeur. Et puis, petit à petit, je pense que les gens vont commencer à connaître le MMA, plus par cet aspect violent comme à l’époque [où ils voyaient] des gens qui se tapent dessus dans une cage et qu’il y a du sang. Là ce sera plus : ce sont des combattants, ils vont nous faire quelque chose de beau, ce sont les arts martiaux. »