La démolition des cheminées de la centrale EDF désormais prévue pour 2028

EDF a organisé plusieurs visites guidées sur son ancien site de production de Porcheville durant le week-end du 4 octobre. 700 curieux ont pu dire au revoir une dernière fois aux deux tours emblématiques du territoire dont la destruction est prévue pour 2028.

Un bus de tourisme dépose pour la troisième fois de la journée une quarantaine de curieux sur le site EDF de Porcheville, juste au pied des cheminées. En tout, ils seront plus de 700 durant le week-end du 4 octobre à fouler les locaux désaffectés de ce qui fut l’une des centrales les plus puissantes d’Europe : au maximum de leurs capacités, les quatre turbines pouvaient alimenter en électricité 5 % des foyers français, soit environ trois millions de personnes. Même si l’usine de production a fermé ses portes en 2017, tout baigne encore dans son jus, il suffirait presque d’un clic pour tout rallumer d’un coup et rompre avec ce silence de cathédrale.

D’ailleurs, c’est ce qui choque les anciens techniciens, eux qui ne pouvaient se transmettre des informations que s’ils étaient l’un en face de l’autre, ou via une petite cabine téléphonique orange toujours présente. Toutefois, malgré ce vacarme, les opérateurs savaient reconnaître les bruits anormaux. Dire que la centrale a façonné l’histoire de la commune porchevilloise est un euphémisme. Elle fut l’un des poumons économiques de la Vallée de Seine avec ses 200 collaborateurs ; des maisons « EDF » ont été construites tout autour. Et surtout, il y a ces deux tours…

Un repère pour les humains et les animaux

Emmanuel, breton d’origine et dorénavant habitant de l’Etang-la-Ville le conçoit. « C’est un repère, leur destruction fera forcément quelque chose pour les riverains » explique-t-il. Même son de cloche pour Gérald, Porchevillois depuis 2010 : « Je passe devant chaque jour et quand on me demande où j’habite, je réponds toujours « à côté des tours ». » De plus, elles n’ont pas seulement marqué les humains, les oiseaux s’en servent également pour se repérer. « Les pigeons les ont clairement identifiées, révèle André, un Issoussois. On peut en voir plein de nuées dans la vallée aux cailloux (à Guitrancourt, Ndlr) en mars par exemple ». D’ailleurs, le septuagénaire s’amuse d’un autre fait.

Si détruire les deux cheminées semble émouvoir pas mal d’habitants de la Vallée de Seine – et pas que – des pétitions avaient circulé contre sa construction dans les années 60. Celles-ci sont visibles dans un livre sorti en septembre 2024, Énergéticiens d’Île-de-France, édité par l’Institut d’histoire sociale Mines-Energie. Des expropriations d’agriculteurs locaux – dont la famille d’André – avaient été décrétées. Malgré cela, il ne garde aucune rancœur : « C’était un moteur de la région, des copains, malheureusement décédés, nous en parlaient avec beaucoup de passion. »

Le livre Énergéticiens d’Île-de-France, édité par l’Institut d’histoire sociale Mines-Energie en septembre 2024, permet de retracer l’histoire de la centrale de Porcheville.

Cet au revoir organisé par l’énergéticien aurait déjà dû avoir lieu. En effet, d’après le calendrier prévisionnel fourni en 2022, les deux tours auraient dû être détruites à la fin de l’année 2025. « Il faut s’imaginer qu’on détruit en hauteur l’équivalent de la tour Eiffel, commente Gaël Vivier, directeur des centres de post-exploitation au sein d’EDF. Donc cela implique beaucoup de normes de sécurité et de préparation. » L’ingénieur a l’habitude de voir des centrales se transformer, « 20 sites sont en cours de réhabilitation » précise-t-il. De plus, il faisait également partie de l’équipe qui était en charge de la centrale de Martigues (Bouches du Rhône). Surnommée « les Demoiselles de Ponteau », elle aussi disposait de tours emblématiques, au nombre de quatre, et peintes en rouge et blanc. La méthode de destruction utilisée sera d’ailleurs identique : le ­grignotage.

Les cheminées de Porcheville pouvaient très bien être entourées d’explosifs et en une fraction de seconde être réduites à néant car elles sont loin des habitations. Mais EDF a privilégié l’autre solution. Des passerelles seront donc assemblées au fur et à mesure, puis des opérateurs s’armeront de marteau-piqueurs pour venir à bout du béton armé. En dessous, des camions iront le récupérer pour qu’il puisse re-servir. « Environ 97 % sera recyclé, soit sur le site, soit ailleurs, idem pour les structures métalliques » indique Gaël Vivier. La fin de cette opération est prévue pour fin 2028. Toutefois, cela ne marque pas la fin de la production énergétique dans la commune.

Deux projets vont voir le jour en 2027. Tout d’abord l’installation de 10 000 panneaux solaires sur 8 ha. Ils jalonneront l’ancien site du producteur d’énergie français. Aucune donnée financière n’a filtré. Seule information, la création d’une société d’économie mixte – une société anonyme dont le capital est majoritairement détenu par une ou plusieurs personnes publiques avec un plafonnement de 85 % dudit capital – qui permettra une prise de participation financière de la Région Île-de-France à hauteur de 20 % maximum.

Ils seront dans l’ancien parc à charbon Porcheville A, à 300 m d’un poste RTE haute tension, une proximité nécessaire d’un point de vue économique. « Plus c’est loin plus c’est cher » résume Corentin Dauvergue. Ces panneaux pourront produire l’équivalent de la consommation annuelle de Porcheville. « Symboliquement c’était important » ajoute le responsable du ­développement IDF d’EDF Power Solution.

Les terrains étant en zone inondable, aucun projet de construction d’immeuble n’était envisageable. (ArtifocusNicolas Le Lan)

Il y aura également l’implantation de 167 conteneurs dont 100 remplis de batteries. « Ils permettront d’offrir de la flexibilité sur le réseau électrique. En fonction de la demande, on viendra soutirer ou collecter de l’énergie » détaille Corentin Dauvergne. Elles se chargeront et déchargeront en deux heures et pourront assurer l’équivalent d’un pic de ­consommation d’une ville comme Grenoble.

Tout ceci n’a pas été décidé dans son coin par EDF. De nombreuses concertations avec les riverains ont été organisées. « Avant même les réunions publiques, du porte-à-porte a été réalisé » pointe Gaël Vivier. La sécurité était au cœur des débats. L’énergéticien a tenu à rassurer la population. Les conteneurs répondent à des normes très strictes. En cas d’incendie, les flammes ne se propageront pas avant 2-3 heures à un autre conteneur, ce qui laissera les équipes du SDIS intervenir. « On a beaucoup travaillé avec eux » indique le responsable du développement. Des murs protecteurs seront aussi érigés pour ne pas atteindre les bois aux alentours. Par ailleurs, la question de la visibilité de ces deux nouvelles installations avait été soulevée. Avec la destruction des tours, certaines habitations auront enfin leur champ de vision dégagé. L’envie de le voir obstruer à nouveau par des panneaux photovoltaïques n’est donc pas présente. Un réseau de haies renforcera donc la forêt déjà bien dense.

2028 ne marquera pas toutefois la fin de la réhabilitation de Porcheville. Après les deux cheminées, le démantèlement du bas du bâtiment sera lancé. Fin de l’opération en 2034, puis il faudra encore compter quatre ans pour voir l’intégralité des 117 ha de sol être dépolluée.