
Et si le Mantois produisait sa propre énergie ? Une hypothèse qui deviendra réalité à partir de 2026. Actuellement SARP Industrie, située sur la zone portuaire de Porcheville, brûle chaque année plusieurs tonnes de déchets industriels spéciaux (peinture, vernis, médicaments…) dans ses grands fours. Cette chaleur dite fatale – « des calories d’un cycle industriel qui sont souvent excédentaires ou inutilisées » explique Yann Perron, vice-président délégué à l’axe Seine et à l’énergie au sein de la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise (GPSEO) – va bientôt être récupérée.
Grâce à une délégation de service public (DSP) signée le 21 octobre, GPSEO va missionner Dalkia pour gérer le futur réseau « Éco chaleur du Mantois ». Ce projet desservira à terme 20 000 équivalents-logements dans les villes de Mantes-la-Jolie, Mantes-la-Ville et Limay. Pour cela, la filiale d’EDF va investir près de 100 millions d’euros. « Ces investissements ont plusieurs vocations : procéder à l’extension du réseau avec la création de 54 kilomètres de nouveaux tuyaux pour raccorder les logements, et moderniser la chaufferie existante afin de mettre en place de nouvelles installations avec moins d’émissions polluantes » détaille Benoît Guiblin, le directeur de Dalkia Île-de-France. Par ailleurs, des échangeurs vont être installés sur les fours de SARP Industries pour que la fameuse chaleur fatale soit envoyée vers la chaufferie Dalkia de Mantes-la-Jolie. « Elle ira dans des tuyaux pré-isolés performant avec une perte de chaleur ultra-minime » précise le dirigeant. Ensuite, l’énergie sera renvoyée dans les foyers concernés. « C’est le principe d’un chauffage central » résume Yann Perron.
Qui dit raccordement, dit évidemment travaux. Le maire de Gargenville se veut rassurant : « Par rapport au bouclage qui a été prévu et la prévision de tranchées qui ont été envisagées, nous allons limiter autant que possible les nuisances en choisissant des parcours qui sont proches des équipements actuels de transport ferroviaire. Ce sera relativement marginal et surtout par étape. » Ces travaux dureront jusqu’en 2030. Quand tout sera terminé, l’énergie du réseau Éco chaleur du Mantois sera donc assurée par SARP Industries, la chaufferie au gaz de Mantes-la-Jolie ainsi que celle au bois également dans la cité mantaise. « Grâce à cela on atteindra 92 % d’énergie décarbonées. Ce seront 50 000 tonnes de CO2 qui seront évitées chaque année, soit 25 000 véhicules retirés de la circulation » se félicite Benoît Guiblin.

Les avantages ne seront pas uniquement écologiques. Les habitants sont aussi censés être gagnants grâce à ce dispositif. « Cela va permettre aux plus précaires de faire des économies » avance Djamel Nedjar, le maire de Limay, l’une des trois communes concernées. D’après la filiale EDF, ils bénéficieront de tarifs compétitifs et relativement stables dans la durée. « Le coût est complètement décorrélé des contextes géopolitiques qui ont fait flamber les factures » analyse l’édile limayen. À titre de comparaison, l’hiver dernier, la facture annuelle de chauffage et d’eau chaude des usagers nouvellement raccordés aurait été jusqu’à 40 % inférieur en moyenne à celle qu’ils auraient eue en conservant une solution au gaz.
Des économies qui se verront ailleurs que sur la facture énergétique. « Sur les bâtiments qui pourront être raccordés, ça exonère l’ensemble des propriétaires, des bailleurs, de tous les systèmes d’entretien d’une chaudière. Car cela s’entretient, ça s’use, il faut des pièces de rechange… » s’enthousiasme le vice-président de GPSEO. « Cela va permettre de remettre en place une certaine solidarité entre les entreprises et les territoires depuis la disparition de la taxe professionnelle » explique Djamel Nedjar en évoquant les nuisances que certaines sociétés peuvent générer.
Au-delà des bénéfices écologiques et financiers pour les usagers, cette nouvelle DSP intègre une dimension sociale. Dalkia s’engage à favoriser l’emploi et l’intégration des personnes en situation de précarité ou d’exclusion grâce au projet « 100 000 heures pour l’insertion sociale ». Cette démarche solidaire sera menée en étroite collaboration avec les acteurs locaux de l’emploi tels que les régies de quartiers, les Ateliers et Chantiers d’Insertion (ACI) et le Plan local pour l’Insertion et l’Emploi (PLIE).

Afin de rendre acteurs les habitants, l’Éco Chaleur du Mantois lance sur la plateforme Lendosphere un financement participatif. Il permet à ceux qui le souhaitent de financer en prêt rémunéré l’extension du réseau de chaleur. La participation se fait en ligne, à partir de 50 euros, et jusqu’à 10 000 euros. L’argent sera bloqué 3 ans avec une rentabilité de 6 % par an. C’est déjà ouvert aux personnes habitant dans une commune de GPSEO. Il faudra attendre le 21 novembre pour l’élargissement à celles de la région Île-de-France. « C’est un moyen de verdir son épargne. Et pour nous, c’est aussi un moyen d’obtenir l’adhésion autour de ce projet » s’exclame Benoît Guiblin. Lendosphere se fixe la somme de 500 000 euros. « Historiquement, on a plutôt refusé des personnes » indique Virginie Hourdin-Brémond, responsable communication de l’entreprise.
Une réunion d’information s’est tenue à Magnanville le 23 octobre lors de laquelle de nombreuses questions pouvaient être posées comme le raccordement au futur réseau. « C’est simple, rassure Yann Perron. On peut se raccorder directement à la place de la chaudière avec un petit système d’échangeurs qui vient directement alimenter l’habitation en calories et ensuite le reboucler sur le circuit historique de chauffage. » Et les démarches seront principalement à la charge de Dalkia. « 0 % GPSEO, 100 % pour Dalkia et un bénéfice de 100 % pour le territoire » claironne le maire de Gargenville.
Malheureusement un tel projet ne peut pas être généralisé sur tout l’espace de la communauté urbaine car il faut un tissu industriel fort. Toutefois, des études sont en cours au niveau de Triel-sur-Seine concernant l’incinérateur d’ordure ménagère.