
Pour qu’un enfant puisse devenir un citoyen éclairé, l’éducation est une priorité. Toutefois, l’égalité des chances n’est malheureusement pas la même pour tout le monde et des dispositifs correctifs sont mis en place afin de les rétablir. Cependant, « l’appel de Grigny » en 2017 avait mis en avant de nombreuses études indiquant que malgré son ambition essentielle, la politique d’éducation prioritaire ne parvenait plus à elle-seule à garantir cette égalité des chances. Il fallait donc innover et c’est ainsi que le label « Cités éducatives » est apparu en 2019. Renouvelable tous les trois ans, il permet à plus de 200 communes d’engager plusieurs actions à destination de leurs quartiers politiques de la ville grâce à une enveloppe annuelle de 200 000 euros, axées sur le public âgé entre 0 et 25 ans.
Sur notre territoire, Chanteloup-les-Vignes, Limay, Mantes-la-Jolie, Mantes-la-Ville, Les Mureaux, Sartrouville, Trappes, Plaisir, Poissy et Carrières-sous-Poissy – depuis mai dernier – peuvent se targuer d’avoir ce « label d’excellence », comme le qualifie l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), copilote du dispositif. Toutefois, les axes prioritaires sont individualisés suivant les communes. « Chez nous, ce qui ressort, c’est la nécessité de renforcer l’apprentissage des savoirs fondamentaux et de promouvoir la continuité éducative » précise Eddie Aït, le maire carriérois, ravi de l’obtention du label. L’élu indique également avoir montré patte blanche pour en faire partie : « On a quand même fait pratiquement 3 millions d’euros d’investissement dans les écoles, sans compter la reconstruction de l’école élémentaire Jean Giono et les 15 millions qu’on va mettre pour Robert Badinter. »
Selon lui, le principal atout de la « Cité éducative » reste sa méthodologie qui apporte une structure aux actions menées. « Comme Monsieur Jourdain (personnage du Bourgeois gentilhomme de Molière, Ndlr) qui faisait de la prose sans le savoir, nous on faisait de la cité éducative sans s’en rendre compte » indique l’édile, citant au passage le passeport jeunesse et ses 6 dispositifs d’aide, dont un dernier cette année prévoit la prise en charge à 50 % des frais d’inscription à l’université.

Si on doit retenir tout de même un principe de base, ce serait la co-construction. Tout d’abord, pour gérer une cité éducative, il y a une « troïka », une alliance éducative composée des membres de la Ville, de l’Education nationale et d’un représentant de l’État au niveau territorial (un préfet ou un sous-préfet, Ndlr). « Ce n’est pas toujours évident, concède Catherine Arenou, la maire de Chanteloup-les-Vignes. Mettre en place un diagnostic partagé et continu nécessite du temps pour se réunir, échanger et prendre des décisions communes. Ce qui rend parfois complexe la mise en œuvre d’actions communes. »
En plus des enfants, les parents sont également au centre du projet. « Il n’y a pas de diplôme pour être parent » avance Fatimata Diop, conseillère déléguée en charge de la jeunesse à Mantes-la-Ville. De plus, ils peuvent ne pas être familiers avec la « culture de l’école » et se retrouvent démunis lors de moments importants comme la dépose des vœux sur Parcoursup. « On a parfois le problème de la langue » ajoute la conseillère municipale. Alors pour les accompagner dans la scolarité de leurs enfants, la municipalité organise des « café des parents » le samedi.
« Nous sommes tous acteurs de l’éducation ! » avance Catherine Arenou. Lors de la pose de la première pierre de la Cité éducative Simone Veil, Cathy Lamouille, cheffe du projet, avait détaillé cette affirmation logique : « On a créé un collectif de parents impliqués, volontaires, représentatifs de toute la ville. Ils se sont organisés avec des référents par spécialité. » L’ex-principale du collège René Cassin avait abondé en son sens. « Grâce à cela, ils se sentent écoutés, valorisés » notait Karine Bouscharain.
Eddie Aït souhaite aussi impliquer des parents d’élèves délégués. À Carrières-sous-Poissy, ils seront des relais d’informations, devront favoriser le dialogue, participer à la coéducation et faire remonter les besoins et propositions. « La semaine prochaine, on les réunit tous en mairie pour parler de choses concrètes et le 12 novembre, ils sont tous réunis à nouveau pour une formation sur le thème « c’est quoi le rôle d’être parents d’élèves délégués dans un collège, une école » » détaille l’élu.

Concrètement à quoi peut donc servir le label « Cités éducatives » à la dernière venue yvelinoise ? L’exemple le probant a été évoqué quelques lignes plus haut : la Cité éducative Simone Veil. « L’idée étant qu’un jeune passe un temps significatif sur les bancs de l’école, mais il en passe également beaucoup en dehors. Nous avons fait nôtre le principe selon lequel « il faut tout un village pour élever un enfant » » explique l’élue chantelouvaise. Elle sera donc un véritable campus éducatif qui réunit physiquement : les écoles maternelles et élémentaires, le collège René Cassin rénové, la médiathèque et l’espace de restauration commun et un « Bâtiment des Coopérations » (incluant l’Espace Numérique Éducatif Inclusif, la Maison des Parents, le Pôle Jeunesse…)
Toutefois comparaison n’est pas raison. D’une part car ce chantier va coûter 21,5 millions d’euros et rentre surtout dans le cadre du renouvellement urbain du quartier de la Noé. « D’autre part, parmi les villes à accompagner, nous sommes celle qui est la moins fragile en terme de sociologie » tempère l’édile carriérois qui a célébré l’obtention du label lors de l’exposition « Mathissime » le 4 novembre. À destination de tout public, dès sept ans, cette exposition imaginée par Cap Science offrira un outil ludique de sensibilisation aux mathématiques tant au jeune public, aux scolaires, aux centres de loisirs, au public familial, qu’aux publics du champ social, aux personnes âgées et en situation de handicap. Il a même déjà pu mettre en place des actions financées par l’ANCT en prévision de l’obtention du label comme « Fri for Mobberi », un programme de formation sur le vivre-ensemble afin de prévenir le harcèlement scolaire chez les enfants de 0 à 9 ans en développant leurs compétences psychosociales.
L’impact le plus fort, bien que difficile à quantifier par un seul chiffre, est la cohésion créée. « Les acteurs de terrain restent davantage sur le territoire, car ils sont porteurs d’un grand projet commun qui donne du sens à leur mission, créant un cercle vertueux pour la qualité de l’enseignement » affirme Catherine Arenou. Même son de cloche pour Fatimata Diop. Depuis que Mantes-la-Ville a insisté sur l’apprentissage des sciences, « les membres de l’Éducation nationale font de bons retours sur ces matières » pointe la conseillère municipale.
Valable trois ans, ces trois villes n’ont pas vocation de garder le label ad vitam aeternam. Dans la cité chantelouvaise, l’objectif est d’atteindre l’autonomie éducative du territoire. « Mais tant que les indicateurs de réussite éducative et d’insertion professionnelle ne seront pas alignés sur la moyenne nationale, et tant que les effets du décrochage scolaire seront aussi sensibles, nous aurons besoin de ce dispositif » prévient Catherine Arenou dont la Ville a obtenu le renouvellement l’année dernière.
À Carrières-sous-Poissy, c’est un « correctif qui vient réparer des démarches non amorcées à cause des moyens financiers ». Mais les trois représentants des communes s’accordent sur le fait que la méthodologie de travail doit perdurer, label ou pas.