
« Créer la première génération sans tabac ». Telle est la volonté de Nicolas Thierry. Ce nom ne vous dit peut-être rien. Pourtant, le député écologiste de la 2ème circonscription de Gironde vient de déposer une proposition de loi qui fait parler : à compter du 1er janvier 2032, il serait prohibé de vendre du tabac à toute personne née après le 1er janvier 2014, même majeure. « L’objectif est clair : empêcher l’entrée des jeunes dans le tabagisme et bâtir, génération après génération, une société où fumer ne fait plus partie des repères sociaux », a-t-il insisté dans un communiqué.
Sa proposition de loi transpartisane, déposée le 4 novembre dernier, a alimenté les débats toute la semaine dernière, entre ceux qui y voient une véritable avancée et les autres, qui dénoncent une mesure démagogique qui va favoriser les marchés illégaux. Et quant à ceux qui pestent déjà contre une nouvelle interdiction, le président de la section yvelinoise de la Ligue contre le cancer a un message pour eux : « qu’ils viennent dans les hôpitaux, pour voir les dégâts causés par la consommation de tabac ».
Jean-Claude Fournerie a fait de la lutte contre la cigarette son quotidien. Et pour lui, la proposition de loi de Nicolas Thierry est un pas en avant… même s’il a du mal à se montrer optimiste quant à sa promulgation. « Même si c’est un sujet transpartisan, ça me paraît difficile, admet-il. J’espère que la loi va passer, mais l’expérience montre que quand on lance un tel sujet, il faut des mois, des années avant que cela ne se concrétise. Mais une génération sans tabac, ce n’est pas une utopie, il y a des pays qui sont très en avance sur nous comme la Suède ou la Norvège, où l’on ne voit personne fumer dehors ».

Pour y parvenir, ou au moins pour faire un pas en ce sens, l’antenne yvelinoise de la Ligue contre le cancer œuvre au quotidien auprès de la jeunesse avec diverses actions de sensibilisation. « En 2025, on aura fait de la prévention dans 228 classes pour 5 200 élèves dans 26 établissements, énumère le président du comité local. Il est important d’en parler aux plus jeunes, car les réflexes que l’on adopte à l’école primaire, ils restent. Sans parler du fait qu’ils ont une influence directe sur leurs parents une fois rentrés à la maison ». Mais les équipes de la Ligue contre le cancer n’interviennent pas uniquement dans le cadre scolaire : au-delà de leurs actions dans le milieu professionnel et médical, elles œuvrent également dans les services jeunesses des communes du territoire, mais aussi dans les prisons pour mineurs.
Des initiatives qui redoublent d’intensité, comme chaque année, en novembre : cela fait désormais 10 ans que le Mois sans tabac invite les fumeurs à stopper leur consommation pendant 30 jours. S’il est difficile de connaître l’influence réelle de cette campagne nationale, son instauration coïncide néanmoins avec une baisse de la consommation de tabac à l’échelle nationale. En 2024, la proportion de fumeurs quotidiens âgés de 18 à 75 ans est tombée à 18,2 %, contre 28,6 % en 2014 : cela représente environ 4 millions de fumeurs quotidiens en moins en dix ans, selon les chiffres de Santé Publique France… qui sont accueillis avec prudence par Jean-Claude Fournerie. « Il est difficile pour nous d’évaluer la consommation. Officiellement, la vente de cigarettes a baissé. Cependant, il faut être prudent car aujourd’hui, il y a d’autres manières de s’approvisionner que les voies légales. On pense que ça a un peu baissé, mais on sent surtout qu’il y a une sensibilité grandissante chez les gens, notamment quand vous êtes à la terrasse d’un café. D’ailleurs, on a essayé d’y interdire la cigarette et on va revenir à la charge, car c’est avec ce type d’actions qu’on va pouvoir faire changer les choses ».
Le Mois sans tabac est également le meilleur moment pour la Ligue contre le cancer de convaincre les élus d’agir localement dans leur commune. « Encore plus quand c’est une année électorale », glisse Jean-Claude Fournerie. Un exemple concret est la multiplication des Espaces sans tabac : en partenariat avec les collectivités territoriales, la Ligue encourage la mise en place d’espaces publics extérieurs sans tabac non soumis à l’interdiction de fumer dans les lieux publics. Parmi les dernières en date, la commune de Verneuil-sur-Seine, qui est devenue la quinzième ville des Yvelines à s’engager dans le dispositif en inaugurant 15 espaces autour des écoles et aires de jeux de la ville. « Une ville doit prendre ses responsabilités. C’est la protection de nos enfants qui est en jeu », avait affirmé le maire vernolien, Fabien Aufrechter, lors de l’inauguration.

« C’est quelque chose d’extrêmement important, insiste le président du comité local de la Ligue. On a une quarantaine de ces espaces dans les Yvelines. C’est une initiative très appréciée par les gens qui disent qu’ils vont pouvoir marcher dans ces endroits là sans odeur, ni fumée, ni mégots partout. Tous les espaces que l’on a mis en place perdurent, on s’en assure avec des réunions qui permettent de savoir si cela fonctionne. Ce n’est pas juste un coup de com’ ».
Dans les Yvelines, la prévention va même connaître un coup d’accélérateur dans les prochains mois, avec le projet Ma Ville se Ligue. « Plutôt que d’aller dans toutes les villes, on va centraliser nos actions dans les villes déjà en difficulté, c’est-à-dire celles qui ont des taux de dépistage très faibles, et avec beaucoup de personnes atteintes du cancer ».
L’évolution de la consommation de tabac en chiffres
– L’objectif du Programme national de lutte contre le tabac 2023-2027, visant à réduire la prévalence du tabagisme quotidien à 20 % d’ici 2027, a été largement dépassé dès 2024.
– 15,6 % des jeunes de moins de 17 ans fumaient quotidiennement en 2022, contre 25,1 % en 2017.
– La part de personnes n’ayant jamais fumé continue de progresser pour atteindre 44 % en 2024.
– Le tabagisme quotidien reste deux fois plus fréquent chez les ouvriers que chez les cadres (25 % contre près de 12 %), et trois fois plus élevé parmi les personnes en difficulté financière (30 % contre 10 % chez celles se déclarant à l’aise).