
« C’est une véritable cour d’école ». Voilà comment sont qualifiés les derniers conseils municipaux de Rolleboise par ses propres habitants, la faute à une guerre de succession affichée entre Bruno Hocdé, le premier adjoint rolleboisien et la maire actuel Yvette Brunet. Pourtant, dans ce petit village yvelinois d’environ 350 âmes, tout appel à la sérénité : la vue sur les berges de Seine, un restaurant étoilé au guide Michelin et son spa associé… Mais non, à chaque réunion entre les élus, ça s’écharpe, s’invective, le tout sous les yeux d’un public médusé.
Le conseil municipal du 14 novembre ne fait donc pas figure d’exception. 19 h tapantes, la partie commence avec cinq délibérations au programme. Une retient particulièrement l’attention : le retrait des délégations de la maire. « Nous l’avons demandé car nous sommes tout simplement dans un déni de démocratie, explique le conseiller municipal Jonathan Geffrin. Il y a trois personnes qui prennent des décisions dans le dos de tout le monde : la maire, le deuxième adjoint Antonio Graça et Claude Brunet, le mari d’Yvette Brunet et aussi conseiller municipal. » Il regrette notamment des travaux effectués au niveau du cimetière et de certaines voiries non adaptés aux personnes à mobilité réduite alors que la loi l’impose : « Moi-même étant tétraplégique, je leur ai proposé plusieurs fois mon aide, en vain. » De plus, le peintre à ses heures perdues a aussi tenté d’agir en tant que médiateur, mais ses demandes de réunions sont restées lettre morte.
Des querelles de clocher
Mais avant de rentrer dans le vif du sujet – et comme pour appuyer cette demande de retrait – Bruno Hocdé souhaite voir un point être éclairci : le montant des subventions accordées pour la rénovation de la salle polyvalente. Il estime qu’une bonne majorité des élus se sont faits berner lors de la validation des travaux en juin dernier. En effet, l’édile assurait pouvoir compter sur des dotations départementales, sauf que la date de dépôt des dossiers était déjà passée lors du vote du conseil en juin dernier. Toutefois, une solution palliative avait été vite trouvée pour ne pas faire porter l’intégralité de la somme nécessaire à la commune seule : le fond de concours de la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise, doté d’un plafond de 50 %.
Un panneau a donc été posé au niveau de la salle polyvalente afin d’expliquer les tenants et les aboutissants, ainsi que quelques chiffres. Sur celui-ci, on peut donc apercevoir ladite subvention, pour une somme de 48 000 euros. Or le chantier ne devait pas dépasser 81 000 euros. « Où sont donc les 15 000 euros de plus ? » se demande Bruno Hocdé. Quelques instants plus tard, Claude Brunet confirme que le coût des opérations avoisine bien les 81 000 euros. Autre écueil, les devis validés. « Il y en avait deux, un à 25 000 euros et l’autre à 50 000 pour des prestations quasi-identiques, détaille Jonathan Geffrin, et ils (la maire et Antonio Graça, Ndlr) ont choisi le plus cher en prétextant que c’est IngénierY qui l’imposait. » Or l’agence départementale laisse toujours le dernier mot à la commune. « Moi, j’appelle ça un mensonge » balance alors le premier adjoint.

On aurait pu s’en arrêter là, sauf qu’une autre affaire est rapidement mise sur la table : sur la route de la corniche, GPSEO a fait installer un panneau interdit au plus de 26 tonnes. Une décision somme toute logique puisque la voirie se trouve être fragilisée, et un passage fréquent des poids lourds pourrait encore plus l’endommager. « On a validé un arrêté contre les engins agricoles en avril 2024 » rappelle alors Yvette Brunet, sauf… qu’aucune signalisation n’avait été installée depuis. Bruno Hocdé en profite pour soulever un autre problème : certains engins agricoles comme les tracteurs font moins de 26 tonnes.
Fin de la première manche, mais malheureusement aucun entracte n’est prévu pour reprendre son souffle. Place maintenant aux délibérations. Elles sont expédiées presque à la va-vite. De toute façon, il n’y a que la cinquième qui intéresse vraiment le premier adjoint et ses alliés. Donc l’approbation de la charte pour le parc régional du Vexin est remise à plus tard pour étudier le dossier en long en large et en travers. Puis l’état-civil automatisé via un prestataire pour les pacs et les naissances est refusé en moins de trois minutes – « Cela ne représente que 10 dossiers par an donc ça va le faire » – pour enfin arriver au retrait des délégations.
Un retrait sans véritable conséquence
Yvette Brunet, qui semblait un peu dépassée par les événements depuis le début du conseil municipal, surprend. Sachant que les pronostics ne lui étaient pas favorable, la maire a fait preuve d’anticipation et a écrit au sous-préfet de Mantes-la-Jolie, Éric Zabouraeff, pour connaître les conséquences d’un tel vote. « Les fonctions d’un maire ne se limitent pas aux délégations. Toutefois, sans ces délégations, vous ne pourrez plus agir seul sur un ensemble de décisions » détaille le représentant de l’État en réponse du courrier. En résumé, la maire reste maire, juste chaque décision faisant le fruit d’une délégation d’élu devra désormais faire l’objet d’un ordre du jour spécifique lors d’un conseil municipal, ce qui suppose la convocation plus fréquente de cette assemblée et peut ralentir sensiblement la conduite de la Ville.
Cela ne refroidit en rien les ardeurs de Bruno Hocdé qui déroule le processus en vigueur : l’édile ne peut pas participer au vote. Quelques instants plus tard, le couperet tombe : Yvette Brunet perd tous ses pouvoirs à cinq voix contre trois. L’élue prend alors la parole et se confie : « En 2020, vous êtes devenu conseiller municipal, et j’ai eu la naïveté de penser que vous aviez de la sympathie pour moi. À cette période, j’étais psychologiquement fragilisée par un événement dans ma vie privée, et ce que j’ai pris pour de la bienveillance et de l’empathie n’était en fait que de la manipulation pour vous servir. »
Elle reconnaît « son erreur », alors que des élus – dont feu l’ancien maire Maurice Boudet – l’avait alerté. « Quand il n’aura plus besoin de vous, il vous jettera » prédisait-il. Cependant, contre vents et marrées, la retraitée avait défendu son premier adjoint. « En 2024, après l’élection complémentaire (suite au décès de Maurice Boudet, Ndlr), vous m’avez demandé mon avis au sujet des futures échéances. Devant mon indécision, vous m’avez proposé de me présenter et de démissionner dans l’année qui suivait, et vous auriez pris ma place et je devrais en être premier adjoint » révèle-t-elle avant de finir par : « Bien que nulle, incompétente, et pas à ma place, comme vous me l’avez dit, j’ai rédigé seule cette mise au point. Vous vous imaginez dans mon bureau lundi alors qu’il n’en sera rien. »
Face à ses accusations, Bruno Hocdé décide de donner sa propre version des faits. « Je ne vous ai jamais manipulé ou quoi que ce soit. Je vous ai appelé quand vous étiez malade, et vous m’avez appelé aussi quand je l’étais » se justifie-t-il. 21 h, la fin de la récréation est sifflée. Tout le monde peut rentrer chez soi avec le sentiment d’un terrible gâchis. « Cela va être plus compliqué dans le fonctionnement mais nous voulions quelque de chose de plus clair pour les Rolleboisiennes et Rolleboisiens, sans aller jusqu’à la démission » conclut Jonathan Geffrin.
Des tensions crescendo
Dans notre édition du 3 septembre, l’adjoint et également le mari d’Yvette Brunet, Claude Brunet, affirmait avoir été blessé à la main suite à un accrochage avec le premier adjoint le 19 août. La scène se serait déroulée après les premiers épanchement de Bruno Hocdé dans la presse. L’édile – qui partageait son bureau avec lui – a décidé de le déplacer dans un bureau à part.
« Il voulait voir la secrétaire en tête-à-tête, ce qu’elle ne souhaitait pas, a raconté dans nos colonne Claude Buret. Il a voulu nous empêcher de rentrer dans la salle du conseil, et m’a refermé la porte brutalement sur la main. Heureusement que j’avais le pied qui était engagé, sinon j’avais la main fracassée ».
De son côté, Bruno Hocdé assurait être « l’agressé et non l’agresseur » : « Je souhaitais simplement avoir un échange informel avec la secrétaire sur des procédures comptables à propos de la trésorerie. Mais des personnes, qui n’étaient pas conviées, ont tenté de forcer la porte, alors j’ai maintenu la pression pour éviter de me la prendre dans la face ».