Roger Colombier : « Je crois que le verbe passe mieux qu’un coup de poing »

Syndicaliste, cheminot, élu, historien, écrivain, cette figure du Mantois s’est forgée par le hasard des rencontres, depuis son arrivée du Languedoc en 1972.

« J’ai toujours de bons rapports avec les gens, je crois que le verbe passe mieux qu’un coup de poing… même s’il ne faut pas me cracher dessus », résume-t-il en souriant de sa bonhomie naturelle. A la retraite après une vie cheminote dédiée au syndicalisme, Roger Colombier assouvit dans l’écriture sa passion pour l’histoire depuis 2006.

Ses livres, posés ce matin-là sur la table basse du salon de son pavillon cheminot de Mantes-la-Jolie, à deux pas de l’accès au dépôt de la SNCF, s’attachent souvent à l’histoire syndicale et ouvrière. C’est ainsi le cas de son dernier ouvrage, consacré au syndicaliste havrais Jules Durand, victime en 1910 d’une erreur judiciaire *. Il faut dire que pour ce natif de Narbonne, le syndicalisme est affaire de famille.

Cet héritage, il le découvre en 1968 : « La mémoire ouvrière n’était pas transmise. » Lorsque se produit la grande grève de mai et juin, le lycéen languedocien n’a pas encore 18 ans. Jouant à la pétanque avec les grévistes, il se fait tirer dessus… et apprécie moyennement le peu d’intérêt porté par la police à cette « intervention » de briseurs de grève.

Peu après, il est convoqué par les Renseignements généraux dans un petit local attenant au commissariat. « Comme je postulais à ce moment-là à la Poste, je ne m’étonne pas, rit-il de sa naïveté de jeune homme. Un gars sympa me pose des questions. A la fin, il me dit que mon père était gréviste et responsable de la CGT dans son usine. Je ne le savais pas ! »

Pour ce natif de Narbonne, le syndicalisme est une affaire de famille.
Pour ce natif de Narbonne, le syndicalisme est une affaire de famille.

Grondé pour avoir parlé à « la police politique » par son grand-père espagnol, « un anarchiste pur et dur », il apprend l’engagement familial et le fait sien. Embauché à la SNCF après son service militaire, il entre à la CGT dès son arrivée au dépôt de Mantes-la-Jolie. Ce n’est pas sans conséquences : « Je ne suis jamais devenu chef comme c’était prévu à mon embauche », constate-il sans regrets. Du syndicat, par contre, il occupera toutes les fonctions, jusqu’à devenir conseiller au tribunal des Prud’hommes dans les années 1990. « On dit que la justice est égale pour tous en France. Aux Prud’hommes, quand un salarié se présente seul avec face à lui l’avocat d’un grand groupe, ce n’est pas le cas », estime l’ex-cheminot de son expérience.

Son engagement parallèle au parti communiste lui vaut d’être élu au conseil municipal de Mantes-la-Ville, où il rencontre sa future femme. Mais c’est bien le syndicalisme auquel il donne tout, « car on a le contact avec les salariés, avec la masse. » C’est d’ailleurs avec une certaine nostalgie que Roger Colombier évoque ce contact « que les partis politiques ont un peu perdu » … avant de nuancer : « même si ce n’est pas forcément de leur faute, c’est la société qui veut ça. » De cette vie bien occupée, il retient le hasard des rencontres l’ayant mené à ces responsabilités : « Je ne me suis jamais dit que j’allais être conseiller prud’homal ou délégué CGT au dépôt, les choses se sont simplement déroulées de cette manière. »

Lorsqu’arrive la retraite, en 2002, il choisit de se retirer aussi des responsabilités syndicales comme associatives. « Ca faisait trop longtemps que j’étais à un poste de dirigeant. Je n’ai eu aucun problème à le faire, ça a surpris mon épouse », confie-t-il plutôt amusé. L’année suivante, il se plonge dans les archives de l’union locale de son syndicat.

Fondant l’Institut CGT d’histoire sociale de la région mantaise, Roger Colombier entame une seconde carrière, d’historien et d’auteur cette fois-ci. L’engagement syndical, lui, a bien été transmis à son fils comme à sa fille dans leurs vies professionnelles respectives. « C’est venu naturellement chez eux », note leur père avec une évidente satisfaction.

* Une rencontre avec Roger Colombier, autour de son livre « Jules Durand : une affaire Dreyfus au Havre », est organisée mercredi 30 mars, à 20 h à la librairie limayenne La nouvelle réserve. Il est également possible de le lire régulièrement sur son blog, tout aussi engagé que le reste de sa vie;