De la friche (industrielle) au parc (presque naturel)

Des carrières de sable, il restait deux étangs non remblayés et une immense friche industrielle. Ses 113 hectares ont été aménagés comme une ode à la nature.

Aménagé le long de Carrières-sous-Poissy, du nouveau quartier des bords de Seine à la cité des Fleurs, entre fleuve et terre, il semble faire l’unanimité. Le Parc du peuple de l’herbe, 113 hectares de nature soigneusement confectionnée, est inauguré en grande pompe ce samedi 24 juin à partir de 15 h. Anti-jardin à la française où les pelouses sont bannies et les insectes bienvenus, créé sur les remblais d’une carrière industrielle de sable, il transforme une friche polluée en espace de loisirs.

« Les enfants n’ont pas l’habitude de voir une étendue aussi importante de vert, c’est un beau coin de verdure, vaste et joli » apprécie Stéphanie, entre deux rappels à l’ordre de ses écoliers muriautins, venus découvrir le nouveau parc mardi 30 mai. « J’aimerais bien y revenir, personnellement », poursuit cette maîtresse d’école aux Mureaux, habitante de Oinville-sur-Montcient.

« J’envisage d’emmener les enfants cet été pour un pique-nique, je viens du Sud, où on avait un superbe parc : c’est exactement ce que je recherchais ici, abonde de son côté Khadija, mère de famille, Muriautine depuis quelque temps, et accompagnatrice des écoliers ce mardi-là. Là, on a l’impression d’être à l’extérieur d’une ville, c’est vraiment quelque chose qui est recherché, c’est magnifique ! »

« C’est le résultat de 30 ans de travail communal, de plusieurs maires, d’une volonté politique », affirme le maire Christophe Delrieu (DVD) dans un hommage à ses prédécesseurs.

Ce jour de printemps, le maire Christophe Delrieu (DVD) ne cache pas son plaisir alors que de nombreux ouvriers travaillent à terminer les dernières réparations… ainsi qu’à vérifier les plantations venues remplacer celles ravagées par la crue du printemps 2016. « C’est le résultat de 30 ans de travail communal, de plusieurs maires, d’une volonté politique, affirme-t-il dans un hommage à ses prédécesseurs. Ca a commencé au début des années 80. »

A l’époque, Daniel Blervaque, élu en 1983, décide de ne pas remblayer l’étang de la Galiotte après l’exploitation du sable… et la création d’un espace vert fait son chemin, dans ce qui devient une friche naturelle après la fin de l’exploitation comme carrière de sable. « A un moment donné, on a eu l’idée de préserver cet espace de verdure car il faut conserver une zone de débordement de la Seine, compte tenu de l’urbanisation des berges », se souvient l’édile actuel.

Restait un écueil : la pollution, raisonnable mais existante, des remblais utilisés depuis des décennies pour combler le sable retiré. Une campagne de mesure a établi une carte de la contamination des sols. Selon le niveau de pollution et l’usage envisagé, il est décidé d’y ajouter de 30 à 150 centimètres de terre saine ou de planter des végétaux épurateurs pour trois espaces de « phytoremédiation » de 400 m², et de poursuivre les mesures.

La satisfaction du public sera-t-elle à la hauteur du colossal investissement d’environ 25 millions d’euros, dont 17 du Conseil départemental des Yvelines ?

L’aménagement est, lui, radical : les herbes folles remplacent les pelouses, oiseaux et insectes sont choyés, les « mauvaises herbes » soignées plutôt qu’arrachées, et l’ouverture permanente (voir ci-dessous). « L’enjeu est d’arriver à conserver l’état de friche [naturelle] tout en y mettant une place humaine, qui va se faire petite, détaille Christophe Delrieu. On veut faire redécouvrir un écosystème. Du coup, on va réapprendre que l’herbe haute, c’est la nature, qu’on ne tond pas, que l’insecte, on le laisse vivre. »

La satisfaction du public sera-t-elle à la hauteur du colossal investissement d’environ 25 millions d’euros, dont 17 du Conseil départemental des Yvelines ? Seule certitude : le Parc du peuple de l’herbe a déjà acquis le statut symbolique qu’envisageaient les élus s’étant battus pour le créer. Les associations locales de sauvegarde de l’environnement comptent en effet venir y manifester le jour de son inauguration, pour rappeler qu’à leurs yeux, l’enjeu ne s’arrête pas à un parc.

Incivilités et dégradations toujours au plus haut

Il a fallu remettre complètement en état l’Observatoire, cabane suspendue au coeur du parc.

Le pari d’un parc ouvert en permanence continue de faire débat, alors qu’incivilités et dégradations continuent de se produire avec régularité : chiens sans laisse, barbecues non autorisés, mais aussi vandalisme, ainsi que présence de motos, de quads et même parfois de voitures. A l’espoir que l’ouverture officielle, accompagnée de mesures de prévention et de répression, suffisent à enrayer ces phénomènes, s’opposent les tenants de l’installation d’une clôture.

« Les gens ne tiennent pas les chiens en laisse ou avec leur muselière. Ce n’est pas normal, le parc, c’est pour les promenades et les enfants », déplore ainsi cet octogénaire et riverain du parc en pleine balade. « Le problème, c’est que des gens y dorment ! Et il y a des dégradations, ils viennent avec leurs bécanes », regrette de son côté Lohou, au pied de son pavillon situé à quelques mètres du nouvel espace vert.

« Il faudrait que les gens réapprennent à vivre avec les autres. Quand on se balade avec un pitbull sans laisse, on fait peur et il y a un risque », se désole le maire de Carrières-sous-Poissy, Christophe Delrieu (DVD). Il ne cache pas sa surprise en évoquant les constatations faites ces derniers mois : « On a fait quelques opérations coup de poing avec toute la police municipale, on a vu des motocross, des barbecues, et même des voitures qui avaient fait l’effort de rentrer… »

Depuis plusieurs mois maintenant, les élus d’opposition demandent l’installation d’une clôture.

Il a par ailleurs fallu remettre complètement en état l’Observatoire, cabane suspendue au coeur du parc. Si l’incommodement des autres usagers est difficilement quantifiable, ce n’est pas le cas du vandalisme. Le coût des remises en état, en conjonction avec la détérioration des finances communales, a déjà eu raison de la création d’une guinguette de 300 m² figurant pourtant au projet initial (et remplacée par la présence d’un food truck, Ndlr).

Depuis plusieurs mois maintenant, les élus d’opposition demandent l’installation d’une clôture. Le conseiller municipal Anthony Effroy s’inquiète, en tant que nouveau représentant carrérois de la France insoumise, de « ces faits qui se développent depuis 2014 et qui sont de plus en plus récurrents ». Son homologue du PRG et ex-maire, Eddie Aït, conclut dans un communiqué que « l’hypothèse de clôturer l’ensemble du parc trouve toute sa pertinence ».

Son successeur, lui, croit toujours qu’il sera possible de conserver le caractère ouvert du parc, notamment grâce au recrutement d’éco-gardes. « C’est à nous de faire qu’il y ait un niveau pédagogique avec des éco-gardes bénévoles, des caméras et des policiers municipaux, pour de la prévention, et verbaliser en cas de besoin », assure Christophe Delrieu.

« C’est vraiment notre travail, pour ne pas avoir à clôturer ce parc, pour préserver la connexion au fleuve et à la nature, poursuit-il de l’ambition initiale d’ouvrir en continu cet immense espace vert. Il faut qu’on arrive à agir sur cette minorité extrême qui casse les pieds de tout le monde, peut faire des dégradations, et pourrait arriver à nous faire remettre en question nos projets. »