Un journaliste soudanais à la rencontre des lycéens

Dans le cadre de l’opération Renvoyé spécial, organisée par la Maison des journalistes, des lycéens ont pu échanger avec le journaliste Moneim Rahma, emprisonné et torturé au Soudan en 2011.

« C’est chaud. » Cette phrase, lâchée par un des élèves de seconde bac pro présents ce 1er juin pour écouter l’histoire de Moneim Rahma, journaliste soudanais emprisonné et torturé entre 2011 et 2012, montre que son témoignage les a laissés sans voix.

L’intervention s’est passée dans le cadre de l’opération Renvoyé spécial, organisée par l’association la Maison des journalistes (depuis 2002, elle accueille et aide des journalistes exilés en France, Ndlr). Depuis 2006, de nombreux journalistes en exil interviennent auprès des jeunes afin de les sensibiliser sur la liberté d’expression et la liberté de la presse.
Avec trois de leurs professeures, les lycéens ont étudié tout au long de l’année la situation politique au Soudan, en guerre civile depuis les années 1980. Ils ont également travaillé sur la question de la liberté d’expression et le travail des journalistes dans ce pays, classé au 174ème rang sur 180 dans le classement pour la liberté de la presse effectué par Reporters sans frontières.

Le journaliste et poète Moneim Rahma a notamment travaillé pour le journal Bells of freedom (Les cloches de la liberté, Ndlr), fermé en 2000. « Avec mes écrits, je parlais de démocratie, de droits de l’homme », se souvient-il. Il écrira ensuite pour le journal Blues où il demandera notamment à l’armée « d’être en dehors des villages ». Des articles qui lui vaudront d’être arrêté et emprisonné en 2011.

Lorsqu’il décrit son passage en prison, les yeux des jeunes lycéens s’écarquillent devant la violence des soldats : « J’étais torturé chaque jour. Ils m’ont cassé les genoux. » Des stigmates que les adolescents ne ressentent pas, surpris face à lui, qui parle librement : « On dirait qu’il s’en est bien remis quand même. » Et quand ils lui demandent s’il regrette ses articles, la réponse fuse : « Je n’en ai aucun. Si c’était à refaire je le referais. » Une fois libéré, il s’enfuit avec sa famille en Ethiopie.

Actuellement, « il y a 18 journaux au Soudan, dont trois vraiment indépendants », souligne Moneim Rahma. Et, à propos des journalistes, il ajoute : « Dix-sept sont emprisonnés, dont 11 femmes. » Alors quand il compare cette situation à celle de la France, « ici c’est le paradis », sourit-il. Preuve en est, il fourmille de projets. Il a déjà écrit un recueil de poèmes et deux romans.

Cependant, arrivé en France depuis un an, il ressent une certaine frustration devant la difficulté d’obtenir un statut : « Je me suis fait éconduire quatre fois par la préfecture de Paris. » Un processus qui ne lui permet pas non plus de faire venir et de voir sa famille, restée en Ethiopie.