C’est un séisme d’une magnitude extrême qui a secoué le pays, dimanche soir. Pour ceux qui en doutaient encore, la soirée du 9 juin l’a prouvé : c’est bel et bien le Rassemblement National qui donne le tempo de la vie politique du pays.
D’abord, par les urnes. Comme le prédisaient les sondages, la liste de Jordan Bardella a tout renversé sur son passage, totalisant 31,47 % des suffrages, et en tête dans 54 % des communes de l’Hexagone. Loin derrière se trouve Valérie Hayer (Renaissance, 14,56 %), et Raphaël Glucksmann (PS PP, 13,8 %). Ensuite, par le coup de poker tenté par Emmanuel Macron. En annonçant la dissolution de l’Assemblée Nationale dans la foulée des résultats, le Président de la République, plus acculé que jamais, a donné satisfaction à l’extrême droite pour donner l’illusion qu’il est encore le maître de la situation. Mais personne n’est dupe. Le prétendu barrage, devenu marche-pied, ressemble de plus en plus à un piédestal.
L’extrême droite s’empare du département
Malheureusement, la vague bleue marine qui a déferlé sur le pays n’a pas épargné les Yvelines. En récoltant 20,53 % des suffrages exprimés dans le département, Jordan Bardella augmente de plus de 6 points son score de 2019. La majorité présidentielle, qui était arrivée largement en tête il y a 5 ans, se contente de la deuxième place avec 18,45 %, tandis que Raphaël Glucksmann complète le podium (14,19 %).
Une peur bleue marine
Si on regarde les résultats ville par ville, la Vallée de Seine est presque monochrome : les petites et moyennes communes sont, en large majorité, acquises à la cause du Rassemblement National. En revanche, les Mureaux et une partie du Mantois (Mantes-la-Jolie, Mantes-la-Ville, Limay, Buchelay) ont plébiscité la liste de Manon Aubry (LFI). Plus surprenant, les électeurs pisciacais ont eux aussi placé la candidate Insoumise en tête, à l’instar de Carrières-sous-Poissy et de Chanteloup-les-Vignes. Quelques villes sont toutefois restées fidèles au parti présidentiel comme Médan, Vernouillet et Villennes-sur-Seine.
En prenant un peu de recul, on observe que la percée de l’extrême droite dans nos urnes ne se traduit pas au sein du Parlement Européen. Les groupes d’extrême-droite que sont Identité et démocratie – où siègent les élus du Rassemblement National – et les Conservateurs et réformistes européens – bastion de Reconquête – ne gagnent que 13 sièges. Ils seront respectivement 58 et 73 eurodéputés. Difficile, donc, de se cacher derrière une prétendue tendance européenne, quand la moitié des eurodéputés d’extrême droite proviennent de l’Hexagone.
Comme si cela ne suffisait pas, Emmanuel Macron a entériné la victoire du RN en cédant aux caprices enfantins du parti lepéniste. Un pari à haut risque, qui crée un dangereux précédent : en bouleversant à ce point le paysage politique du pays suite à ce scrutin, le chef de l’État a finalement transformé une élection européenne en référendum national. Mais dans quel but ? Prouver qu’il reste le maître des horloges ? Créer un sursaut démocratique face à la montée de l’extrême droite ? À force d’attiser la flamme, les urnes pourraient bien foudroyer Jupiter juste avant les Jeux Olympiques.
Les réactions de la classe politique yvelinoise
Dieynaba Diop, porte-parole du PS et présidente du PS 78 : Cette excellente campagne à un goût amer. Les électeurs nous ont écoutés mais aujourd’hui, tout cela est effacé par le score du RN. Nous devons tout de suite penser au cadre de résistance à mettre en place pour les législatives qui vont déterminer si notre pays va rester le pays des Lumières et des droits de l’Homme. Il n’y avait qu’un seul parti qui demandait la dissolution. Le RN demande, Macron s’exécute, ce que nous avions déjà vu lors de la loi immigration. Nous voulons mettre en place une union et il faut que cela soit une alliance plus large que la NUPES, avec toutes les forces progressistes. La main est tendue vers LFI mais nous ne voulons pas la méthode Mélenchon, et nous ne sommes pas les seuls à le demander.
Mounir Satouri, député européen EELV : J’ai l’impression de m’être réveillé ailleurs, mais pas en France. Je fais partie de l’équipe des cinq députés envoyés par EELV mais j’ai dû mal à me réjouir. C’est un acte manqué et nous avons fait un très mauvais score. Nous n’avons pas su défendre notre bilan et nos idées alors que je les estime bons. Et surtout, nous avons laissé le grand match avec l’extrême-droite s’installer. Le pouvoir en place n’a pas pris la mesure des effets des doubles crises – COVID et Ukraine – sur la paupérisation des Françaises et des Français. Emmanuel Macron a dégoupillé une grenade dimanche soir. Il joue à la roulette russe, mais j’ai peur qu’à la fin nous prenions la balle. Le président a existé en faisant croire qu’il était le rempart de l’extrême droite mais n’en fut que le marche pied.
Benjamin Lucas, député NUPES de la 8ème circonscription : Malgré le score de LFI, quand je regarde le total des forces de Gauche, aussi bien dans le Mantois que nationalement, cela démontre que les législatives ne sont pas gagnées. Toutefois, concernant ma circonscription, ce sera une vraie bataille avec les scores à Guitrancourt (meilleur score du RN sur le territoire), Issou, Porcheville et Gargenville. La Gauche peut l’emporter et surtout elle le doit. Je plaide pour un rassemblement, non pas par plaisir d’être ensemble mais pour être une véritable alternative. Il y a des gens en colère qui ne supporte plus la politique brutale d’Emmanuel Macron et il faut leur offrir une autre idée que de voter RN.
Karl Olive député de la majorité de la 12ème circonscription : Il faut reconnaître cette défaite imparable et méritée. Je félicite le RN pour sa victoire nationale ainsi que LFI pour ses résultats en vallée de Seine. Nous avons perdu pour deux raisons. La première, nous avons passé notre temps à flinguer l’adversaire au lieu de défendre nos qualités. La seconde, nous n’avons pas su communiquer sur nos savoir-faire. Pourquoi il faut travailler un peu plus pour garder des pensions de retraite dignes de ce nom, pourquoi l’Europe protège même si elle n’est pas parfaite, notamment envers nos agriculteurs. Macron aurait pu faire l’autruche mais cette dissolution nous met tous devant nos responsabilités. J’appelle à un rassemblement afin d’éviter d’avoir le RN au pouvoir car les conséquences seraient terribles.
LA CARTE DES RESULTATS SUR LE TERRITOIRE DE GPSEO
(listes arrivées en tête du scrutin par commune)
Les résultats des 10 communes les plus peuplées du territoire (source : Ministère de l’Intérieur)
Mantes-la-Jolie
1. Aubry (LFI) 43,09 %
2. Bardella (RN) 16,52 %
3. Glucksmann (PS – PP) 9,68 %
Poissy
1. Aubry (LFI) 19,70 %
2. Bardella (RN) 18,40 %
3. Hayer (REN) 16,69 %
Conflans-sainte-Honorine
1. Bardella (RN) 22,63 %
2. Glucksmann (PS – PP) 17,25 %
3. Hayer (REN) 15,03 %
Les Mureaux
1. Aubry (LFI) 46,66 %
2. Bardella (RN) 17,39 %
3. Glucksmann (PS – PP) 9,13 %
Achères
1. Bardella (RN) 23,30 %
2. Aubry (LFI) 21,55 %
3. Glucksmann (PS – PP) 13,32 %
Mantes-la-Ville
1. Aubry (LFI) 31,88 %
2. Bardella (RN) 28,92 %
3. Glucksmann (PS – PP) 9,08 %
Limay
1. Aubry (LFI) 33,27 %
2. Bardella (RN) 30,94 %
3. Glucksmann (PS – PP) 7,74 %
Carrières-sous-Poissy
1. Aubry (LFI) 28,46 %
2. Bardella (RN) 21,71 %
3. Hayer (REN) 12,21 %
Verneuil-sur-Seine
1. Bardella (RN) 21,83 %
2. Hayer (REN) 19,53 %
3. Glucksmann (PS – PP) 14,92 %
Andrésy
1. Bardella (RN) 21,20 %
2. Glucksmann (PS – PP) 18,15 %
3. Hayer (REN) 18,05 %