Le futur collège du Val Fourré dévoilé

Annoncé il y a un an, le nouvel établissement de 600 élèves doit remplacer, à son ouverture en septembre 2020, deux des trois collèges du quartier. L’objectif est d’y proposer un enseignement alternatif, dans un bâtiment à l’architecture conçue autour de ces principes pédagogiques.

Lancé il y a trois ans, le projet de nouveau collège dans le quartier mantais du Val Fourré, en remplacement de deux établissements existants, devient de plus en plus concret. Samedi dernier, pour la première fois, de futurs collégiens et leurs parents ont pu venir découvrir ses principes pédagogiques et son architecture, voulus comme novateurs, lors d’ateliers organisés par des élèves de l’Université Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines au Centre de vie social Aimé Césaire.

La pédagogie de ce nouvel établissement se construit sous l’égide de principes théorisés dans l’ouvrage Changer le collège, c’est possible, publié en 2010. Il est écrit par André Giordan, ex-professeur de collège, de lycée et d’université, connu pour sa théorisation d’un nouveau modèle d’apprentissage dit « allostérique », ainsi que par Jérôme Saltet, fondateur de l’entreprise Play bac et auteur de plusieurs livres pédagogiques. Tous deux sont fortement impliqués dans le projet mantais.

Pour le conseil départemental des Yvelines, chargé de la gestion des collèges et partenaire du projet avec l’Académie de Versailles, le nouveau collège s’intègre à la rénovation urbaine du quartier. « C’est dans cet esprit qu’on a voulu inscrire la construction de ce collège innovant par deux aspects, explique Cécile Dumoulin (LR), sa vice-présidente déléguée aux collèges. A la fois par les pratiques pédagogiques qui y seront dispensées, et par l’architecture interne mise au service de la pédagogie. »

Le principal changement repose sur la disparition de la décomposition architecturale interne exclusivement en salles de classe, au profit d’espaces dédiés à des usages multiples.

Cette « mise au service » se traduira par un bâtiment en U aux espaces intérieurs radicalement différents d’un collège traditionnel. Le principal changement repose sur la disparition de la décomposition architecturale interne exclusivement en salles de classe, au profit d’espaces dédiés à des usages multiples, tant pour l’enseignement que pour la vie des élèves. Le plus emblématique sera probablement l’amphithéâtre de 300 places, ouvert aux événements et conférences extérieurs.

« Architecturalement, ce sera un bâtiment bien visible, qui se veut aussi ouvert sur le quartier », précise Cécile Dumoulin. Le nouveau collège sera également divisé en quatre « maisons » de 150 élèves. Elles-mêmes sont séparées en cinq groupes de trente élèves disposant en permanence d’une salle avec casiers personnels. Chaque « maison » est aussi dotée d’une petite cuisine – cafétéria, et d’un espace de repos aménagé et bien isolé. Les enseignants, eux, gagnent des bureaux.« Collège innovant par deux aspects »

Initialement annoncé pour une ouverture à la rentrée 2019, c’est finalement à la rentrée 2020 que cet établissement de 600 places, pour un investissement d’environ 25 millions d’euros, devrait ouvrir ses portes. Comme La Gazette l’annonçait dès mars 2016, il sera situé à l’emplacement actuel d’un espace vert municipal de 12 000 m², à quelques dizaines de mètres du collège Paul Cézanne, entre les rues Laurencin, Gauguin et Doret. L’entrée des élèves de ce bâtiment de deux étages devrait se faire par le Sud-Est de l’établissement.

Samedi, lors des ateliers organisés au coeur du quartier, une vingtaine de familles ont fait le déplacement. La faute à la Dictée mantaise, dont la seconde édition a réuni des centaines de participants le même jour ? Après un colloque organisé à Paris quelques jours plus tôt, c’est directement aux Mantais que s’adressaient les étudiants en master 2 « Evenementiel » de l’Université Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines.

Au programme : des ateliers ludiques permettant de faire découvrir les principes pédagogiques et architecturaux de l’établissement. Quels sont ces principes ? André Giordan, dans une longue interview à Nice-Matin donnée en mars 2017, estime qu’au collège, « on ennuie les élèves avec des savoirs qui ne les intéressent pas ». Alors, lui propose de « partir des élèves » pour « centrer ces programmes sur leurs interrogations pour les faire entrer dans des connaissances plus classiques ».

Le collège sera situé à l’emplacement actuel d’un espace vert municipal de 12 000 m², à quelques dizaines de mètres du collège Paul Cézanne.

L’appel d’offres de construction du nouvel établissement développe ces principes présidant au projet pédagogique dont l’élaboration vient juste de débuter avec la participation des enseignants volontaires des deux collèges existants. Le programme pédagogique « concerne aussi bien les savoirs, les savoir-faire que les savoir-être », il est connu par les adolescents lors de leur entrée au collège. Ils ont alors « entre trois et cinq ans selon les élèves pour le couvrir ».

Le programme scolaire, y compris le « socle commun », sera « revu », avec la réintroduction, entre autres, de nouveaux champs de connaissance comme la rhétorique, le droit ou l’économie : « L’important est d’introduire des contenus disciplinaires devenus indispensables pour comprendre la société. » Côté discipline, « le jeune n’est jamais stigmatisé » et « les efforts sont valorisés » en partant de l’idée que « l’erreur n’est plus une faute mais du matériel d’apprentissage ». Les exigences de l’établissement envers les élèves sont « priorisées par contrat ».

Encore plus inhabituel : « L’organisation par classes disparaît au profit de groupes de référence ». Fini aussi, les cours d’une heure. « Il peut y avoir cours dans l’amphi, et à côté, des professeurs mobilisés pour se dédoubler et prendre des élèves en plus petits groupes pour faire un enseignement plus différencié, détaille concrètement la vice-présidente du conseil départemental. Le but n’est pas d’appliquer les recettes anciennes mais d’avoir une démarche un peu innovante. »

Les horaires, eux, devraient être élargis de 7 h à 19 h, avec circulation libre des élèves hors de la plage de 9 h à 17 h 30. Ces principes ont d’évidentes conséquences sur l’architecture du bâtiment, dessiné par Rudy Ricciotti (auteur du Mucem de Marseille, Ndlr), ils en ont aussi sur l’équipement matériel. « Les locaux, le mobilier deviennent polyvalents, flexibles, modulaires, évolutifs pour faciliter les apprentissages », précise l’appel d’offres. Certains élements sont d’ailleurs déjà en cours d’expérimentation au collège André Chénier.

François Hébert, co-secrétaire départemental de la FSU et enseignant au lycée mantais Saint-Exupéry, déplore l’emplacement et la taille du collège venant remplacer Cézanne et Chénier (photo).

« On a une salle de sciences expérimentales sans paillasses, mais avec des tables à roulettes, du matériel pour que les élèves se mettent en groupe très rapidement ou en frontal, plutôt que de déplacer les tables sans arrêt, rapporte Michèle, documentaliste au CDI du collège mantais depuis 13 ans, présente aux ateliers de samedi. Ce matériel coûte cher, l’objectif, c’est de le tester pour voir s’il permet de faire la différence sur nos pratiques pédagogiques. »

Elle se montre plutôt enthousiaste vis-à-vis du projet pédagogique, auquel elle participe d’ailleurs : « Au CDI, on n’a jamais eu autant d’élèves », se réjouit-elle des nouveaux matériels, tables hautes et tabourets, chauffeuses ou encore tapis de lecture. « Ca a le mérite de remettre à plat l’existant, de travailler sur une nouvelle approche qui soit peut-être plus adaptée au public, note de son côté Fatima Saadan, directrice de l’association d’aide aux devoirs Eiapic, aussi présente aux ateliers. Nous, ça nous semble complètement à propos par rapport au territoire. »

Pas moins curieux que les associatifs ou les enseignants impliqués dans le projet, certains représentants syndicaux du corps professoral avaient également fait le déplacement aux ateliers. A la Fédération syndicale unitaire (FSU), le diagnostic est très distancié, tant vis-à-vis des propositions éducatives d’André Giordan, qualifiées dans un communiqué commun avec un autre syndicat comme une « aventure pédagogique douteuse », que vis-à-vis du bâtiment lui-même.

François Hébert, co-secrétaire départemental de la FSU et enseignant au lycée mantais Saint-Exupéry, déplore l’emplacement et la taille du collège à venir. « Le choix est clairement de resituer un établissement au coeur du Val Fourré », avance-t-il tout en indiquant les craintes des enseignants des deux collèges qu’il remplacera à propos du nombre d’élèves : « Un ‘‘collège 600’’ quand on est en éducation prioritaire, c’est trop. »

Alors, le délégué syndical craint que ce collège ne soit pas « porteur de mixité sociale ». Il s’inquiète également du fait que les professeurs du nouvel établissement « soient confrontés aux mêmes difficultés que celles auxquelles ont été confrontés les collègues du Val Fourré enfermés dans le quartier, au milieu des tours ».

Mais la principale réserve de la FSU concerne « cette organisation en grands blocs faisant complètement éclater la logique de classes ». Selon lui, cette architecture dictée par la pédagogie devrait rester « modulaire », car « si on s’aperçoit qu’on a besoin du système de classe », il faudrait pouvoir « y revenir ». Alors, il craint « que ce soit très beau, très joli, mais qu’au final, ce ne soit pas du tout adapté à ce que les enseignants vont y faire, et qu’au bout de quelques années, on se rende compte que ce n’est pas jouable. »