Quel devenir pour la zone des Quarante sous ?

Deux conventions d’intervention foncière ont récemment été signées suggérant les ambitions des collectivités publiques le long de la RD113. Au Nord du boulevard, que le Département prévoit de réaménager, une requalification du parc économique est envisagée tandis qu’un quartier résidentiel devrait voir le jour côté village.

« Là on est parti sur dix ans », lance d’emblée le maire d’Orgeval, Hervé Charnallet (SE), pour évoquer l’important projet urbain à venir dans la zone d’activité des Quarante sous. Car voilà maintenant près d’une décennie que le devenir de ce secteur nourrit les réflexions aussi bien de la municipalité, de la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise (GPSEO) que du Département qui constatent tous la dévitalisation commerciale de l’axe.

En juillet dernier, deux périmètres d’action ont ainsi été dessinés de part et d’autre de la RD113 pour insuffler une nouvelle dynamique et résoudre les problèmes structurants des Quarante sous. Sur le volet habitat, un programme immobilier est imaginé dans le secteur Maison Blanche pour créer un tout nouveau quartier sur d’anciennes parcelles d’activités, notamment les friches Dammann. De l’autre côté du boulevard, la communauté urbaine et le Département des Yvelines ont sollicité l’Établissement public foncier d’Île-de-France (Epfif) pour réaliser un portage foncier dans le but de renouveler, à long terme, le tissu commercial.

Au carrefour des autoroutes 13 et 14 et des communes de Vernouillet et Villennes-sur-Seine, la zone des Quarante Sous regroupe 140 enseignes commerciales sur plus de deux kilomètres de long. Sa situation géographique et son offre en font un axe particulièrement emprunté par les chalands mais aussi par de nombreux véhicules de transit, dont les actifs Orgevalais, pour leurs trajets quotidiens.

Pour autant, la zone d’activités est aujourd’hui en perte de vitesse. Années après années, ses infrastructures vieillissantes sont un peu plus désertées par les enseignes qui se sont implantées petit à petit depuis le début des années 1970. Le centre commercial Art de Vivre, dont la galerie commerçante s’est vidée de ses boutiques, en est d’ailleurs le parfait exemple. Sa restructuration, évoquée depuis plusieurs années, est encore aujourd’hui couverte d’incertitudes, comme le dévoilait Le ­Parisien dans ses colonnes.

« Cette zone d’activité (déclarée d’intérêt communautaire en septembre 2017, Ndlr) fait l’objet d’une attention particulière des collectivités et des acteurs de l’aménagement pour permettre la mutation et la requalification de ce ­secteur stratégique », assure GPSEO qui identifiait déjà les problématiques de la zone dans les rapports préliminaires du Plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi). La saturation de la route des Quarante sous et les difficultés d’accès aux boutiques étaient ainsi évoquées. Depuis 2012, plusieurs études urbaines ont été réalisées « dans le but de définir une stratégie d’intervention ainsi que des orientations d’aménagements » mais l’action est restée maigre.

Pour tenter de « redynamiser » le secteur Nord, une convention d’intervention foncière tripartite a été votée lors du conseil communautaire du 8 juillet entre GPSEO, l’Epfif et le conseil départemental yvelinois. Au moyen de celle-ci, les collectivités locales espèrent optimiser l’offre commerciale, mais aussi « restructurer » la RD113 « pour valoriser cet espace et renforcer son caractère d’entrée de ville […] ». Le Département devrait ainsi revoir le plan de circulation afin de faciliter et sécuriser l’accès aux ­différentes enseignes et fluidifier le trafic.

Interrogé le 2 juin lorsqu’il était encore vice-président du Département aux mobilités, Jean-François Raynal (LR), redevenu conseiller départemental du canton, suggérait que les aménagements routiers à venir sur l’axe devraient être de la même nature que ceux réalisés dans la zone voisine de Chambourcy. « C’est exactement le même plan, soulignait-il. L’idée c’est de séparer les flux [puisque] vous avez les gens qui traversent, vous avez les gens qui viennent pour les structures commerciales et vous avez une circulation locale, il faut partager tous ces flux. »

Le point d’ancrage du futur quartier sont les terrains qui accueillaient autrefois la société Damann, qui a quitté la zone en 2011.

La piste qui semble aujourd’hui privilégiée serait de déplacer la circulation de transit sur une nouvelle route le long de l’A13, derrière le bloc commercial. Cette hypothèse permettrait alors de dédier la RD113 aux accès magasins et au futur ­programme de logements.

« À mon avis, ce sera une boucle, on ne va pas détruire la RD113 actuelle, elle va être urbanisée, paysagée et surtout calmée, dissèque Hervé Charnallet. Ce ne sera plus la grande voie passante qu’on connaît mais elle va rester : reste à savoir dans quelle largeur, ça, on ne sait pas encore. » Outre la circulation, les collectivités territoriales comptent surtout sur la requalification et le renouvellement des espaces commerçants pour stimuler de nouveau l’activité des Quarante sous.

Un périmètre de près de 25 hectares, allant du parking d’Art de Vivre jusqu’au Lidl sans prendre en compte Intermarché, a été intégré à la convention de veille foncière que mènera l’Epfif. Celle-ci, prévue pour s’étaler jusqu’en 2030, prévoit une enveloppe de « 40 millions d’euros » principalement alimentée par la taxe spéciale d’équipement et le Département. « La convention prévoit de diminuer le coût du foncier à travers une rente locative, donc il y a deux impératifs à ça, l’optimisation de l’occupation des biens et la limitation des coûts de libération du foncier », explique Evelyne Placet (SE), vice-présidente de GPSEO déléguée au foncier.

Cette opération permet à la communauté urbaine de contrôler le devenir de cette zone en donnant un droit de préemption à l’Epfif sur les terrains d’activités qui seraient mis en vente dans les prochaines années. Alors que le tiroir-caisse intercommunal est à la peine, la location de ces parcelles permettrait ainsi à GPSEO de réduire le coût d’achat des terrains.

Au Sud de la route départementale, un second périmètre, d’environ 6,5 hectares, fait également l’objet d’une convention d’intervention foncière. Signée entre la commune d’Orgeval, l’Epfif et la communauté urbaine, elle a pour objectif de réaliser une veille foncière pendant cinq ans pour, à terme, renforcer l’offre de logements et d’équipements de la zone.

Selon Hervé Charnallet, ce projet sera « probablement l’un des premiers qui sera concerné par le réaménagement global de toute cette zone des Quarante sous ». La communauté urbaine projette ainsi de créer un tout nouveau quartier sur d’anciennes parcelles d’activités situées dans le secteur Maison Blanche. Les points d’ancrage de ce futur quartier sont les terrains qui accueillaient autrefois la société Damann qui a quitté la zone en 2011. À elle seule, cette friche commerciale, dont le foncier appartient déjà à GPSEO, représente un peu plus de 3 ha. Pour autant, le programme immobilier pourrait également s’étendre sur d’autres dents creuses situées aux abords de la friche Dammann.

« La communauté urbaine a l’option d’achat sur les terrains LRM (une entreprise partie depuis 2011, Ndlr) qui sont juste à côté, ce qui permet de commencer à dessiner quelque chose de concret », expliquait l’édile devant son conseil municipal le 27 mai dernier. Interrogé à cette occasion par la conseillère d’opposition, Aude Beschi, sur le nombre de logements qui composera le futur ensemble ainsi que sa proportion en logements sociaux, Hervé Charnallet précise que cela « dépend du périmètre » qui sera finalement retenu.

« Si on reste sur Dammann, ça va être un certain nombre, une centaine certainement maximum, si c’est Dammann et LRM […] ça peut être deux fois plus, avance l’élu. Il ne s’agit pas de dire, c’est un nombre de logements : c’est un programme par rapport à une surface au sol. Nous, ce que nous exigeons, c’est au minimum la prise en compte de LRM qui n’est pas encore acheté par GPSEO, et on pousse pour essayer d’avoir une emprise encore un peu plus grande pour pouvoir compléter, il y a les terrains de Ok-la, il en y a un certain nombre. »

Lors du dernier comité de pilotage en juillet, les trois collectivités ont d’ailleurs intégré à leur réflexion, les terrains dits des « Terres fortes », situés entre l’enseigne Bricorama et la RD154. « C’est un foncier qui est complètement maîtrisé, souligne le maire orgevalais. Ces terrains sont importants […] ne serait-ce que pour pouvoir proposer à telle ou telle enseigne qui pourrait être située dans un endroit à aménager en habitation de se déplacer en restant à proximité. » Concrètement, la Ville pourrait proposer au Aldi et Jardin Loisirs, tous deux situés sur les plans du futur quartier de la Maison Blanche, de déménager, et par la même occasion moderniser, leur fonds de commerce au niveau des Terres fortes.

« Les biens seront achetés au gré des opportunités, explique de son côté Evelyne Placet. [La convention] prévoit le rachat des biens par la commune d’Orgeval ou par la communauté urbaine, ou par un opérateur désigné, à concurrence de chacune 3,5 millions d’euros (l’enveloppe de cette convention est de 7 millions d’euros HT, Ndlr). »

Désireuse de voir aboutir un projet qui corresponde à ses besoins, la Ville a d’ores et déjà commencé à travailler son sujet en engageant des assistants de maîtrise d’ouvrage à son propre compte. D’autant plus que la Ville, qui connaît une certaine tension au niveau de ses infrastructures scolaires, voit en la création de ce nouveau quartier, l’occasion ­d’édifier un nouveau groupe scolaire.

« Le comité de pilotage a permis d’intégrer l’école dans le projet, confirme Hervé Charnallet. C’était un point très important pour la commune. » Si pendant un temps l’édile se disait inquiet de la collaboration à venir avec GPSEO, notamment sur la prise en compte et le rachat des nombreuses friches à reconquérir, ce dernier salue désormais le travail engagé. Selon nos informations, c’est l’aménageur interdépartemental Citallios qui aura la responsabilité de ce dossier. « Orgeval à besoin de ce quartier résidentiel parce que c’est une commune qui manque de logements sociaux donc il faut en faire mais pas n’importe comment et en préservant le village », ­justifie Jean-François Raynal.

Au niveau du mode de financement de ce nouveau quartier, ce dernier estime qu’il pourrait s’illustrer comme « un dossier emblématique ». « Il va peut-être être spécifique avec des accompagnements différents, sinon on restera sur les dispositifs que nous connaissons comme le Prior’Yvelines (programme de relance et d’intervention pour l’offre résidentielle des Yvelines, Ndlr), poursuit-il. On est à l’horizon 2030 voire plus, mais c’est maintenant qu’il faut commencer. Il y a déjà des choses qui pourront sortir lors de ce mandat, il y aura une évolution certaine, dans tous les cas un projet qui sera arrêté, concerté. » D’après GPSEO, la phase de concertation sur le volet habitat devrait être lancée entre la fin de l’année et le début de la suivante. Les habitants devraient être sondés sur le projet immobilier et son nombre de logements ainsi que sur le ­positionnement de l’école.