Les incendiaires présumés du chapiteau condamnés à cinq ans de prison

Trois des quatre hommes suspectés d’être impliqués dans l’incendie du chapiteau de cirque en 2019 ont été reconnus coupables à l’issue des deux jours de procès.

« C’est le dossier emblématique de violence urbaine dans les Yvelines », lançait la procureure de la République devant le tribunal judiciaire de ­Versailles ce jeudi 23 septembre.

Après deux jours de procès, quatre hommes âgés de 20 à 25 ans ont été condamnés pour les violences urbaines qui avaient frappé le quartier de la Noé dans la nuit du 2 au 3 novembre 2019. S’ils clamaient tous leur innocence au sujet de l’incendie criminel qui avait ravagé le chapiteau de la Compagnie des contraires cette nuit-là, trois d’entre eux ont finalement été reconnus coupables.

Condamnés à purger une peine de cinq ans de prison, dont trois avec sursis, pour l’ensemble des chefs d’accusation, les trois prévenus les plus âgés, Anis.B, Lounès.D et Ylliass.E, ont directement pris le chemin de la prison à l’issue du délibéré. Le seul qui avait été interpellé la nuit même des faits, Sara.M, a, lui, été relaxé pour l’incendie mais reconnu coupable des « guet-apens » tendus aux policiers dans la cité. Il a été condamné à trois ans de prison, dont deux ans avec sursis.

Lorsque le procès s’est ouvert ce mercredi 22 septembre, les quatre Chantelouvais ne se présentent d’ailleurs pas dans les mêmes conditions. Si Lounès et Sara sont arrivés par la grande porte, Anis et Ylliass, qui étaient eux déjà en détention lorsqu’ils avaient été identifiés en juin 2020, ont pénétré menottés dans le box des accusés.

En début de soirée, plusieurs groupes de personnes avaient été aperçus en train de mettre le feu à des poubelles à différents points de l’avenue de Poissy, laissant présager des affrontements. « Nos collègues de jour nous avaient prévenus que l’ambiance était tendue », raconte, devant le tribunal, l’un des policiers de la brigade anti-­criminalité.

Mais lorsque les premières patrouilles mettent pied à terre, elles tombent dans « un guet-apens préparé et parfaitement organisé », martèle de son côté la procureure de la République. D’après le rapport de police, le quartier avait préalablement été plongé dans la pénombre, la dégradation de l’éclairage public n’ayant plus de secret dans le quartier de la Noé. Dissimulés de toute part, les jeunes attendaient ainsi l’arrivée des fonctionnaires armés « de pierres de ballast (ramassées le long des voies de chemin de fer, Ndlr), de cocktail Molotov, ou de mortiers (canon d’artifices à longue portée, Ndlr) ».

Au tribunal, les agents qui se sont constitués partie civile racontent une nuit d’effroi. « Je n’ai jamais vu ça en neuf ans de [brigade anticriminalité], c’était une véritable guérilla urbaine, ça pleuvait de tous les côtés, pour moi c’est un miracle qu’il n’y ait pas eu de blessés [graves], témoigne l’un d’entre eux qui abonde également sur la préméditation du groupe hostile. Des gens tournaient en voiture pour repérer nos positions. Depuis les étages des immeubles on entendait « crevez-les ! » »

Alors que plusieurs groupes policiers sont dispatchés sur les différentes zones de conflit, un jeune homme, Sara.M, est aperçu « en train de s’enfuir après avoir lâché des pierres à ses pieds ». Il sera finalement interpellé après une longue course poursuite, « avec une pierre retrouvée dans sa poche », selon le procès verbal d’arrestation. Des éléments que le Chantelouvais de 20 ans niera en bloc durant deux jours. « J’étais parti manger, je n’ai jamais eu de pierre sur moi », assure Sara qui explique avoir fui justement par peur d’être confondu avec les émeutiers.

Dans le même temps, vers 22 h, le chapiteau de l’Arche, situé à côté de la caserne des pompiers, est incendié. Les autres suspects seront ensuite identifiés dans les mois qui suivent. En récoltant les débris des projectiles, les enquêteurs retrouvent l’ADN d’Ylliass.E sur une pierre ainsi que sur une canette de bière « dont le goulot est noirci », rapporte le juge. Le jeune homme se défendra en avançant « que son ADN est partout dans Chanteloup » et qu’il n’était pas dehors aux moments des émeutes, comme le martèle son avocate Isabelle Felenbok. Sur ces éléments, cette dernière fera remarquer qu’ils « ne suffisent pas à émettre un doute suffisant » pour condamner son client puisque la récolte de l’ADN ne prend pas en compte la ­temporalité.

La liste des suspects s’allonge une nouvelle fois lorsque les policiers interceptent les conversations de deux prisonniers de Bois d’Arcy, faisant mention d’un certain « Pépito », qui serait à l’origine de l’incendie. D’ailleurs dans les couloirs de la prison, l’un d’eux, se vante auprès des autres détenus d’y avoir contribué : il s’agit d’Anis.B.

Devant les juges, le garçon tout juste majeur aux moments des faits avouera avoir lancé une pierre sur les policiers, influencé par la foule. Pour ce qui est de l’incendie en revanche, son avocate expliquera « qu’il s’est attribué cet acte pour obtenir un statut en prison ». Quant à Lounès.D, identifié par les fichiers policiers comme étant le porteur du pseudonyme « Pépito », lui assure, comme ses parents d’ailleurs, qu’il est resté chez lui ce soir-là.

« Il y a un message très clair que les prévenus ont voulu délivrer : « On est chez nous » ces assauts avaient pour but de repousser les policiers pour continuer de prospérer dans le trafic de stupéfiants dans le quartier », tonne de son côté la procureure qui a requis des peines de cinq à sept ans de prison contre les quatre Chantelouvais. Du côté de la défense, les avocates ont toutes demandé des relaxes partielles ou totales mettant à plusieurs reprises le doigt sur « l’absence » de preuves à charge. « Moins le parquet à de preuves, plus il tape », commente Isabelle Felenbok des réquisitions du ministère public calculées, selon elle, « pour faire des exemples ». Selon nos informations, Ylliass.E et Lounès.D devraient faire appel des peines prononcées.

À l’issue des délibérations, les quatre jeunes hommes ont tous été interdits de se rendre à Chanteloup-les-Vignes pour une durée de 4 ans et trois d’entre eux condamnés solidairement à rembourser, à la Ville, un préjudice à hauteur d’un million d’euros.