
* les prénoms ont été modifiés.
L’inauguration était aussi belle que le projet fut coûteux. Le Foyer d’Accueil Médicalisé Interdépartemental de Bécheville voit le jour en septembre 2021. Cette plateforme innovante de 9 700 m² est le fruit de la collaboration entre le Département des Yvelines et celui des Hauts-de-Seine, qui ont déboursé respectivement 20 et 10 millions d’euros. Il est censé accueillir 56 places pour des troubles psychiques sévères (principalement de la schizophrénie) et 60 personnes atteintes de troubles autistiques sévères et essentiellement non verbaux.
Baptisé Patrick Devedjian – dont il se murmure que sa sensibilité à cette cause proviendrait d’un membre de sa famille touché par une de ces deux pathologies – le bâtiment se doit d’être à la hauteur du nom qu’il porte. En effet, le but est de proposer aux familles une alternative aux hébergements se trouvant en Belgique et dont la Sécurité Sociale finance une partie. De plus, si cela fonctionne, le même type d’établissement doit être implanté partout sur le sol français. Mais trois ans plus tard, le conte de fée n’est pas au rendez-vous, pire, il semblerait ne jamais avoir démarré selon un groupe d’anciens et d’actuels salariés.
Au bout de trois ans, le taux d’occupation n’est que d’environ 30 % même si une augmentation du nombre de résidents est en cours. Depuis le début de l’année 2024, les troubles autistiques sévères sont passés de 19 à 27 personnes tandis que pour les TP, leur nombre a crû de 22 à 33. « Et la même progression devrait arriver d’ici la fin de l’année, malheureusement il nous manque 80 temps plein sur les 200 que nous devrions avoir » explique Amélie*, une des salariés du FAM de Bècheville. Si les difficultés de recrutement existent dans ce secteur, une de ses collègues, Valérie*, pointe la manière dont celui-ci est réalisé dans la structure : « Une consultante doit s’occuper de cela mais elle ne vient qu’une fois par semaine et ne travaille pas avec les équipes en place ». « Celle-ci est présente pour soulager les équipes, justifie Pierre-Yves Lenen, directeur de la fondation des Amis de l’Atelier, l’instance gérante du FAM de Bècheville. Par ailleurs la montée en puissance ne se fait qu’en corrélation avec les embauches. »
Face à ce manque de personnel qualifié, un médecin de la fondation a autorisé des personnes non-diplômées à donner des médicaments aux patients. « Ce qui a déjà donné des erreurs graves cet été avec plusieurs fiches d’événement associées, transmise directement à la direction de la fondation » ajoute Sylvie*, elle aussi employée dans la structure. Toutefois, ce n’est pas le cas le plus grave.
Un manager toxique
D’après le témoignage de plusieurs salariés, une équipe de nuit persécuterait certains patients schizophrènes, notamment en les privant du badge qui leur permet de sortir fumer. « C’est un petit groupe qui a décidé de faire la loi, détaille Marc, et qui en plus envoie des sms de menaces à des chefs de service ». Il poursuit : « Un patient se faisait maltraiter avec des clefs. Il passe devant la psychologue qui indique qu’il n’invente rien. Le siège valide une sanction et finit par l’annuler. C’était durant le 1er trimestre 2024. » Le directeur de la fondation des Amis de l’Atelier, rétorque que ce cas a été traité correctement. « Il a bien été signalé à l’ARS ainsi qu’à la famille concernée, explique-t-il. Un plan d’action a également été mis en place pour corriger des éventuels manquements. »
Devant ces conditions difficiles, beaucoup de titulaires partent, le turnover atteignant 25 % par an alors que la moyenne de ce secteur est de 15 %. « Les conditions sont dures, avoue Amélie. Il faut se préparer à recevoir des coups, c’est sûr. » Cependant, elle regrette ce manque de stabilité dont ont besoin les résidents. Des départs parfois causés par le directeur territorial – la personne chargée de faire le lien entre le FAM et la fondation – qui pratiquerait un management toxique. « Je l’ai côtoyé peu de temps mais il avait prévenu que des têtes allaient tomber » se remémore Marc*. En effet, cinq chefs de services ont quitté le navire et 4 directeurs de site se sont succédés, même si certains étaient prévus comme temporaires. « En effet, nous n’arrivons pas à trouver le titulaire mais pour éviter une rupture dans la direction, nous préférons embaucher des personnes transitoires. » explique Pierre-Yves Lenen.
Enfin, si les éventuels dysfonctionnements perdurent, le directeur de la fondation des Amis de l’Atelier assure que les lanceurs d’alerte seront protégés : « Notre culture des événements est de tout gérer en transparence, aussi bien avec le personnel, les investisseurs ainsi que les familles. »