Comment Mur’Envol se bat pour mettre fin au chômage longue durée

Ouverte avec ses premières embauches le 25 mars dernier, l’entreprise à but d’emploi Mur’Envol a été officiellement inaugurée le mardi 17 septembre, au sein de l’ancienne usine de papier de la rue de la Haye qui constitue ses nouveaux locaux. L’occasion de présenter un cap clair : atteindre les 90 salariés en 2026, et ainsi poursuivre le combat en faveur du réemploi.

Sur les 100 000 personnes sans emploi du département des Yvelines, 43 000 le sont depuis plus d’un an. Cette problématique du chômage longue durée frappe de plein fouet notre territoire qui, malgré sa réputation de territoire fortuné, a subi une période de forte désindustrialisation, avec la perte d’emplois qui va avec. Alors, pour relancer la machine et redonner de l’espoir et une opportunité à ces personnes trop longtemps écartées du marché du travail, Xavier Eydoux et Marianne Cantau lancent, en 2022, la branche muriautine de l’association Territoire Zéro Chômeur Longue Durée.

Deux années plus tard, c’est avec une certaine fierté qu’ils inaugurent l’entreprise à but d’emploi Mur’Envol, au sein de leurs nouveaux locaux : l’ancienne usine de papier située rue le Haye aux Mureaux. Élus, salariés, partenaires, et instigateurs du projet, ils étaient tous réunis le mardi 17 septembre pour une grande visite inaugurale des lieux, pour le plus grand plaisir de Hervé Demarcq, président de Mur’Envol. « Votre présence accroît les chances de succès de ce que beaucoup considèrent comme une utopie : faire de ce territoire un territoire zéro chômeur de longue durée ».

Mais comme le dit lui-même le directeur de la structure, Xavier Eydoux, arriver à cette concrétisation fut un véritable « parcours du combattant ». « Après une période initiale d’incubation par le PTCE Vivre Les Mureaux, nous avons mené des actions de terrain pour aller vers les habitants, et construire notre projet avec l’aide de toutes les parties prenantes », se souvient-il. Après avoir obtenu le soutien de la Mairie des Mureaux, du Département des Yvelines, de France Travail ou encore de la Préfecture des Yvelines, les 24 premiers CDI ont pu être signés au mois de mars dernier, le 18 pour être exact. « Ce sont 180 années de chômage qui prirent fin en une matinée », aime ­rappeler Hervé Demarcq.

Hervé Demarcq, président de Mur’Envol, s’est félicité de cette « étape importante pour le projet ».

En 6 mois, Mur’Envol a enregistré la signature de pas moins de 38 salariés, dont 32 issus de la privation d’emploi, dont les salaires sont versés par l’État. Permettant à la structure de se décliner en 5 pôles d’activités. On retrouve le pôle Cop’O, qui consiste en la valorisation en économie circulaire de cartons pour produire de la litière alternative, mais aussi le pôle Aptimots, la librairie solidaire située en centre-ville proposant à la fois des ouvrages neufs et d’occasion, ainsi que des ateliers de lecture. Au sein de l’usine de Mur’Envol, on peut également trouver un atelier de rénovation et de production de meubles à partir de matières premières non valorisées, mais aussi un service d’entretien de vélos.

« Nous avançons également dans la réflexion de proposer de nouvelles activités utiles au territoire, comme des prestations de services dans des conditions non concurrentielles, glisse Xavier Eydoux. Je dois avouer que l’une de mes plus grandes satisfactions est de constater que les salariés de Mur’Envol ont plaisir à se retrouver, et que le niveau d’engagement est élevé ».

Maria fait partie des 38 salariés de l’entreprise. Avant de rejoindre les rangs de Mur’Envol, elle était privée d’emploi depuis 3 ans, suite à un accident de travail. « J’ai une limite de poids de charge de 5 kilos, ce qui a été un problème pour trouver un emploi », se rappelle-t-elle. Après une période de bénévolat de 17 mois au sein de ce qui n’était à l’époque qu’une association, Maria a pu signer son contrat quand Mur’Envol a effectué ses premières embauches. « J’étais très motivée, j’y apprécie l’ambiance et la liberté de la parole ».

Abdourahmane, lui, a passé 1 an à la recherche d’un job avant de rejoindre la structure muriautine. Lui aussi avait été victime d’un accident de travail, lors d’une formation en logistique. « J’ai choisi de travailler à la fois au pôle Cop’O et à la librairie solidaire, et j’ai décidé de m’inscrire à la formation mécanique vélo. C’était important pour moi de travailler et d’apprendre de nouvelles choses dans plusieurs activités ».

Au sein de l’usine de Mur’Envol, on peut trouver un atelier de rénovation et de production de meubles à partir de matières premières non valorisées.

Ce programme d’accès à l’emploi s’étend au-delà des Mureaux: c’est dans le cadre de l’expérimentation « Territoire zéro chômeur longue durée » que Mur’Envol a été créé. Voir le projet muriautin se concrétiser ne pouvait qu’enthousiasmer le président du Fonds d’Expérimentation zéro chômeur (ETCLD), François Nogué. « Quand on vient à une inauguration comme celle-là, on est très heureux, a-t-il lancé dans un large sourire. L’expérimentation Territoire zéro chômeur représentera 80 territoires un peu partout sur le plan national, c’est-à-dire plus d’une centaine d’entreprises à but d’emploi ».

Cette année 2024 a été particulièrement importante et productive : plus de 24 entreprises à but d’emploi ont vu le jour en France. « C’est le signe que cette expérimentation commence à irriguer en profondeur le territoire national, et à devenir un maillon important dans la chaîne de l’économie locale et solidaire », se réjouit François Nogué, qui espère que le contexte budgétaire difficile que connaît le pays ne va pas être un frein à l’expansion de celle-ci. « Il y a quand même pas mal d’intentions de réduire, de manière générale, les budgets alloués au ministère du Travail et à tout ce qui est France Travail ou les SIAE (Structure d’insertion pour l’activité économique, Ndlr.). C’est un point d’attention pour nous. Je pense que dans ce contexte, il est important que l’on soit tous mobilisés pour faire valoir que dans un contexte comme le nôtre, la cohésion sociale et le droit à l’emploi ne doivent pas être une variable d’ajustement ».

Mur’Envol ne compte pas s’arrêter en si bon chemin : l’entreprise à but d’emploi espère compter 90 salariés d’ici la fin de l’année 2026. « Les personnes privées d’emploi sont, dans leur immense majorité, des personnes qui ont simplement eu moins de chance que d’autres, assure Xavier Eydoux. Nos emplois correspondent à des besoins non couverts du territoire : il ne faut pas chercher plus longtemps la raison pour laquelle l’atelier vélo de Mur’Envol connaît un vrai succès ». Tous les deux mois, le pôle Réemploi propose un nouveau service. De quoi permettre à chaque demandeur d’emploi de trouver chaussure à son pied.