Monument emblématique de la ville de Poissy, la collégiale Notre-Dame est marquée par les affres du temps. La municipalité a donc lancé une vaste campagne de restauration de son toit, de ses maçonneries et de ses éléments décoratifs. Mais il n’y a pas que l’extérieur qui va avoir le droit à sa cure de jouvence, l’intérieur est également concerné. Les quatre lustres en cristal de Bohème et bronze, qui se trouvent au niveau du cœur de la chapelle, ont été démontés le 30 octobre et confiés à l’établissement de Chant-Viron, situé à Asnières-sur-Seine. Durant un bon mois, ils vont donc être bichonnés pour retrouver… leur lustre d’antan.
Chacun va avoir le droit à son nettoyage au white spirit afin de retirer une cire dorée, parfois appliquée pour cacher la misère de réparations antérieures. Puis à des bains de triammonium citrate à 3 %. « Cela permet d’arracher la crasse sans action mécanique » précise Clara, une des employés. Enfin, la partie électrique sera refaite : câbles de couleur bronze, tubes blanc mat et ampoules faites sur mesure imitant la forme d’une flamme afin de donner l’impression d’apercevoir les bougies d’autrefois. Et ce souci du détail ne s’arrête pas aux simples étapes de réfection.
D’après la base Palissy (une base de données sur le patrimoine mobilier français), les quatre lustres datent du XVIIIème siècle, même s’il peut y avoir quelques tromperies sur la marchandise. « Ils sont en forme de lyre, comme un violon, cela correspond au temps de Louis XV (qui régna de 1715 à 1774), commente Olivier Lagarde, le gérant de l’établissement Chant-Viron. Cependant ces formes se sont perpétuées et il peut y avoir confusion entre style et époque ». En effet, lors de la Révolution, bon nombre d’églises ont été détruites ou pillées, ainsi que le mobilier présent à l’intérieur.
Toutefois plusieurs éléments attestent de cette époque comme les bobèches (pièce pour récupérer la cire de bougie) en demi coque, la cristallerie et la technique de dorure. « Les bronziers prenaient de l’or et du mercure, les deux se dissolvent et forment une pâte. Puis ils utilisaient un pinceau pour l’appliquer. Au XIXe siècle, les méthodes avaient changé » explique Olivier Lagarde. Et c’est une marque particulière qui permet une datation quasi-exacte : un C couronné. « C’est la première fois que cela m’arrive » s’exclame le gérant de l’établissement de Chant-Viron.
Clara et Léa, deux autres restauratrices, avaient décidé d’inspecter certaines pièces lorsqu’elles sont tombées sur cette marque. Louis XV étant un roi guerrier, il avait besoin d’argent pour financer ses campagnes. Le successeur du Roi Soleil a alors mis en place un impôt sur les bronzes entre 1745 et 1749. Les commerçants qui s’acquittaient de cette taxe voyaient cette empreinte apposée sur leur matériel. « Nous avons donc une fourchette de 4 ans sur une vie de 300 ans, c’est inespéré » s’enthousiasme Olivier Lagarde. Pour le moment, le C couronné n’a été retrouvé que sur un seul des lustres mais deux autres doivent encore livrer leurs secrets.