« Personne n’y comprend rien », plus de 10 ans d’enquête sur l’affaire Sarkozy-Kadhafi

Au Pandora d’Achères, le réalisateur de Personne n’y comprend rien, Yannick Kergoat, est venu présenter le 4 février son documentaire coproduit par Mediapart. Et la salle était comble pour assister aux magouilles de Nicolas Sarkozy avec l’ancien dictateur libyen.

Vu le tonnerre d’applaudissements à la fin de la séance de Personne n’y comprend rien, il n’y avait pas de « sarkozyste » dans la salle du Pandora d’Achères le 4 février. Ce documentaire, réalisé par Yannick Kergoat, fait le pari de résumer la cent-cinquantaine d’articles présents sur le site de Mediapart en 1 h 40, avec pour seul et unique leitmotiv : les faits, rien que les faits, sur l’affaire du financement libyen de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007. Tout part d’un mail nébuleux, reçu en mai 2011 annonçant de but en blanc « j’ai quelque chose sur une personne sur laquelle vous écrivez ». Cette informateur mystère fait référence à Ziad Takkiedine, affairiste franco-libanais déjà mouillé dans des affaires de trafic d’armes et véritable fil rouge de cette investigation.

Face à la caméra, plusieurs personnages se succèdent. Tout d’abord, Fabrice Arfi et Karl Laske, les deux journalistes qui mènent l’enquête depuis près de 15 ans. Quelques invités s’ajoutent également à la narration comme François Molins, ancien procureur de la République du tribunal de grande instance de Paris, ou Danièle Klein, sœur d’une des victimes du crash de l’UTA 772. Cet avion, qui avait à son bord 170 occupants (dont 54 Français), s’est écrasé en 1989 à cause d’une bombe placée dans une valise, un attentat commandité par le gouvernement de Mouammar Kadhafi. La salle bondée donne le sourire à Joëlle Mailly et Nathalie Levasseur, les directrices du cinéma. « Hélas, on affiche de moins en moins complet depuis le COVID » précisent-t-elles. De bon augure pour la suite ? Sûrement.

10 178 contributeurs ont participé à la campagne de crowdfunding, permettant à Yannick Kergoat de réaliser Personne n’y comprend rien.

Depuis sa sortie le 8 janvier, Personne n’y comprend rien a dépassé les 100 000 entrées et bénéficie d’un excellent bouche-à-oreille. « Habituellement les documentaires réalisent 5 000 entrées en moyenne » s’enorgueillit Yannick Kergoat. Et c’est surtout un sacré pied de nez pour Nicolas Sarkozy. Dans le Figaro Magazine du 16 août 2023, l’ancien chef de l’État déclarait que « les Français sont bien en peine de résumer ce qu’on me reproche. Personne n’y comprend rien », phrase dont le documentaire fait évidemment référence. « On a bien compris maintenant » s’exclame un spectateur à l’issue du visionnage.

Malgré le sujet traité, les équipes du film n’ont reçu aucune pression. « Non, pas de coup de fil la nuit bizarre » s’amuse le réalisateur qui avait copié les images du tournage sur plusieurs disques durs « au cas où il y ait un cambriolage du studio ». Même s’il reconnaît que Fabrice Arfi et Karl Laske ont eu quelques bâtons dans les roues durant leur enquête : « Des Libyens venaient avec des documents factices dans le but de décrédibiliser l’enquête. »

En plus d’attirer les foules dans les salles obscures, Personne n’y comprend rien a donné envie à quelques curieux de suivre le procès de Nicolas Sarkozy qui a débuté le 6 janvier. « Il n’est pas rare que j’en croise certains » confie Yannick Kergoat lorsqu’il se déplace à la 36e chambre correctionnelle du tribunal de Paris.