
Quatre ans et demi ne sera jamais assez pour faire le deuil d’un tel drame. « C’est entouré de la présence invisible de la mort de Samuel que nous, personnel, avons vécu et travaillé durant tout ce temps-là » rappelle un de ses anciens collègues, qui, comme beaucoup, n’ose pas passer devant la salle 215 où le professeur d’histoire-géographie officiait régulièrement. Mais en laissant le temps au temps, le cheminement a pu se faire en douceur pour aboutir, ce 14 mars, au baptême du collège Samuel Paty, anciennement celui du Bois d’Aulne. Baptême est d’ailleurs le mot juste. En effet, cet acte est plus qu’un « changement administratif » avance la proviseure Marianne Viel, puisque c’est bel et bien une nouvelle vie qui s’annonce.
Celle-ci avait déjà commencé dès le 17 octobre 2020 grâce à l’intégralité de l’équipe pédagogique. « Jamais vous n’avez renoncé à ce que le collège reste un lieu de vie, un lieu de rire » salue la ministre de l’Éducation Elisabeth Borne. Gaëlle Paty a même rallié Conflans-Sainte-Honorine depuis le Gers afin de leur rendre hommage, eux qui se sont même relayés pour la soutenir lors du procès des huit adultes impliqués dans l’assassinat de son frère, long de plus de deux mois. « J’imagine à quel point cela a dû être difficile de revenir après l’attentat, scande la libraire d’une voix douce et assurée. J’admire votre courage à tous d’avoir tenu la barre, chacun à votre manière. Et c’est grâce à vous tous que nous sommes ici. »

Bien malgré lui, Samuel Paty rejoint donc les diverses figures républicaines qui ornent les frontons des établissements scolaires. À l’instar de Jules Ferry ou de Victor Hugo – que le président du Département Pierre Bédier a invoqué durant son discours – l’enseignant s’appliquait à sortir ses élèves de l’obscurantisme. « Il faisait partie de ceux qui transmettent plus que de la connaissance » lance Marianne Viel. « Le symbole que nous retiendrons est celui du professeur. Il est mort parce qu’il voulait faire de ses élèves des citoyens éclairés » renchérit une enseignante.
Toutefois, Samuel Paty ne doit pas survivre uniquement par le prisme du drame. « C’était un professeur, un simple professeur. Il y mettait du temps, du talent et du cœur. À sa tâche chaque jour on pouvait dire de lui qu’il changeait la vie » chante une chorale composée de collégiens reprenant la chanson de Jean-Jacques Goldman. L’émotion devient alors palpable dans l’atrium où chacun tape dans ses mains pour accompagner ces paroles. Sa sœur nous le rappelle, le professeur d’histoire-géographie s’impliquait dans la vie de son collège. Soit en organisant des visites à l’Institut du monde arabe, soit en préparant les journées médiévales, un événement initié en 2018 par lui-même.
« C’est mon collège ! » avait l’habitude de dire Gabriel, le fils de Samuel Paty, lorsqu’il passait devant l’établissement scolaire. « Gabriel, ce collège sera peut-être un jour le vôtre, aujourd’hui il devient définitivement celui de votre papa » assure Marianne Viel.