Abdallah Lamane, le fabuleux destin d’un Chantelouvais à Harvard

Abdallah Lamane est devenu en septembre 2024 le premier français depuis 10 ans à intégrer la prestigieuse université de Harvard. Il y a deux semaines, le Chantelouvais a également été retenu dans la liste 2025 des « 30 Under 30 » établie par Forbes France dans la catégorie scientifique, récompensant les talents jugés les plus prometteurs de la société française.

Ville de Chanteloup

Chez les Lamane, la valeur travail et l’importance des études sont érigées comme précepte. Ça et les matières scientifiques. Arrivés en France dans les années 80 en provenance du Maroc, les deux parents ont tout fait pour que leurs trois rejetons aillent le plus loin possible au niveau scolaire, avec brio. Parmi eux se trouve Abdallah qui est devenu, en septembre 2024, le premier Français depuis 10 ans à être admis dans la prestigieuse université de Harvard. Mais surtout l’unique Chantelouvais, car le jeune homme de 25 ans tient ­particulièrement à son gentilé.

Chanteloup-les-Vignes, c’est sa ville, il en est fier, et ne se cachera jamais de venir de cet endroit si violemment dépeint dans la Haine, le film de Mathieu Kassovitz dont Abdallah est lui-même un grand fan. Toutefois, au fil de sa scolarité, il s’est bien rendu compte des différences sociales et des difficultés associées. « Au collège à Andrésy, je voyais la scission entre ceux qui venaient de Chanteloup, et qui n’en parlaient pas, et ceux qui venaient d’un milieu un peu plus bourgeois » se remémore-t-il. Idem au lycée à Conflans-Sainte-Honorine où, chaque année, un voyage était organisé à Londres pour la classe d’anglais renforcé, mais Abdallah restait à quai à cause du coût.

Cependant, par pudeur, il ne s’est jamais plaint du manque l’argent. « Mes parents m’ont toujours dit « prends le meilleur dans chaque environnement », explique-t-il. De Chanteloup, j’ai pris la rage de vaincre, de la « bourgeoisie », l’envie de viser haut. » Le BAC en poche – avec 18,78 de moyenne – le jeune homme se dirige vers des études de médecine en intégrant une PACES, une année universitaire qui prépare vers les métiers de la santé : « Je voulais devenir médecin, plus par statut social que par envie, car mes parents me disaient que c’était bien. »

Cela ne lui plaît pas – « on me demandait de rabâcher des choses par cœur, sans réflexion derrière » – et il abandonne en cours d’année. Pour la première fois de sa vie, le Chantelouvais se retrouve confronté à l’échec. Cette spirale négative se poursuit puisqu’il rate la première salve d’inscriptions sur Parcoursup. Cependant, sa bonne étoile va vite se remettre à briller. Le logiciel le plus craint par tous les lycéens connaît quelques bugs lors de son lancement. Le lycée Janson de Sailly, établissement notable parisien qui prépare aux meilleures grandes écoles du pays, apparaît donc dans les procédures complémentaires, « alors qu’il y a nettement plus de demandeurs que de places disponibles » précise le futur doctorant. Il postule en ne se leurrant pas trop et débute son job d’été : faire le ménage dans une entreprise située à Cergy.

Lors du dernier jour, le Chantelouvais reçoit un coup de fil alors qu’il est dans le train du retour : Abdallah est accepté à Janson. En l’espace d’un week-end, il doit donc venir chercher son dossier, trouver un logement à proximité et préparer sa valise. Il trouve une chambre de bonne dans le 16ème arrondissement pour un loyer mensuel de 400 euros. « C’était beaucoup pour mes parents… » souffle l’étudiant. Lorsqu’il rentre le week-end, il remarque bien que c’est difficile. À la fin du premier trimestre, il est prêt à rendre les armes et va voir la CPE. « Janson ne vous abandonnera pas » lui assure-t-elle. Puis celle-lui trouve une place dans l’internat de l’établissement. La piste aux étoiles se dégage : il est reçu à Centrale Supelec.

Dans cet établissement faisant partie du Top 3 des écoles d’ingénieur, il découvre une nouvelle facette de la fracture sociale : l’importance du réseau. « Tu reçois directement les offres de stage dans ta boîte mail » s’exclame-t-il. À la fin de son cursus, Abdallah ne se met aucune barrière et tente le « Program in Health Sciences and Technology », un doctorat délivré conjointement par Harvard et MIT. Son dossier ne contient pas que ses notes, il y a également son portrait dans lequel le jeune homme raconte son parcours et les difficultés ­surmontées.

Dorénavant, Abdallah travaille sur l’utilisation de l’IA en imagerie médicale pour accélérer la détection de cellules cancéreuses sur des biopsies. Il lui reste encore quatre ans pour réfléchir à la suite de son avenir mais ne s’en fait pas : « Des portes s’ouvriront. » Comment lui donner tort ? Forbes France vient de l’intégrer dans sa liste 2025 des « 30 Under 30 » dans la catégorie scientifique. Le Chantelouvais apparaît donc comme une des personnes les plus prometteuses de la société française.