La commune périurbaine qui voulait rester village

La réunion publique de mi-mandat du maire a été l'occasion, comme souvent, de refaire l'élection de 2014... donc de discuter budget et construction de logements.

Comme nombre d’édiles, celui de Gargenville élu en 2014, Jean Lemaire (UDI), proposait jeudi dernier une réunion dédiée à débattre de son bilan de mi-mandat. Au-delà des problèmes spécifiques de chacun, il a, comme régulièrement depuis les municipales, surtout été question de l’utilisation des finances communales et de la construction de nouveaux logements, dans cette commune périurbaine dont les habitants rêvent d’une vie villageoise qui semble pourtant déjà loin.

Le maire, lui, pensait attirer plus de monde que la trentaine de présents, compte tenu de l’atmosphère politiquement plutôt virulente qui règne dans sa commune. Peu avant la réunion, son principal opposant, l’ex-maire Pierre-Marie Darnaut (DVG), avait d’ailleurs diffusé un tract particulièrement violent à son égard, caricature comprise (voir ci-contre). « Arrêtons le bétonnage », résume un des soutiens de Pierre-Marie Darnaut à la réunion.

« Peut-être que je peux regretter d’avoir laissé espérer aux gens qu’on allait pouvoir améliorer les choses ou faire autrement », analyse Jean Lemaire des relations très tendues avec son ex-allié.

Depuis 2000, les mandats se suivent et se ressemblent en effet à Gargenville. Candidat au siège de maire, chacun prône la réduction drastique de la construction de centaines de logements prévue par l’Etat dans cette commune périurbaine de 7 000 habitants. Une fois élu, le discours évolue sous la pression des interlocuteurs du nouveau maire, préfet en tête, qui ne comptent pas laisser l’ex-friche Porcher (désormais nommée « Hauts de Rangiport », Ndlr) sans les 600 logements prévus.

Ce phénomène électoralo-institutionnel s’est produit avec chacun des trois derniers maires, même si Pierre-Marie Darnaut a depuis battu sa coulpe sur le sujet, et en est aujourd’hui le plus fervent opposant. En 2013, lui, comme Jean Lemaire avec « Restons village » pour slogan, chacun avec sa liste, ont ainsi combattu la maire sortante Nicole Delpeuch, tous trois se prévalant de l’ancien maire et figure tutélaire, André Samitier. Ils l’ont emporté en fusionnant leurs listes entre les deux tours.

Depuis le lendemain de l’élection, et l’impression pour le camp Darnault d’une trahison du nouvel édile élu avec leurs voix, la bataille est plus que féroce. « Le mandat en poche, en fermant la porte à la démocratie participative de Pierre-Marie Darnaut pour la continuité de l’urbanisation de masse de la maire sortante, Jean Lemaire s’est lui-même mis hors-jeu des bulletins de vote d’une majorité de Gargenvillois », estiment les soutiens de l’ancien maire, réunis au sein de l’association Gargenville Seine Vexin.

« Peut-être que je peux regretter d’avoir laissé espérer aux gens qu’on allait pouvoir améliorer les choses ou faire autrement, mais aujourd’hui, quand on est la tête dans le guidon, on s’aperçoit qu’on ne fait pas forcément tout ce qu’on veut, analyse Jean Lemaire. L’opposition a beau jeu de dire que je devais laisser le préfet prendre la main [sur l’urbanisme], j’ai un cas très proche (Evelyne Placet à Guerville, Ndlr), c’est une situation kafkaïenne pour elle. »

Peu avant la réunion, son principal opposant, l’ex-maire Pierre-Marie Darnaut (DVG), avait diffusé un tract particulièrement violent à son égard, caricature comprise.

Il a par ailleurs tenu, à la réunion, à préciser le niveau de dette de Gargenville, légèrement supérieur à 6 millions d’euros, loin des 12 millions d’euros annoncés par le tract de son opposant (qui précisera ensuite avoir évoqué une dette « à terme », ce qui ne figure pas dans le tract, Ndlr). « On est équipés comme une ville de 20 000 habitants », a-t-il également défendu d’économies pas forcément bien reçues dans une ville habituée à la manne fiscale de ses usines.

Cette dernière, issue de l’ex-taxe professionnelle, bénéficie aujourd’hui à l’intercommunalité et non plus à la commune. « Cette année, on a supprimé le feu d’artifice. […] Avec 10 000 euros, on peut acheter des fournitures scolaires pour une école », plaide-t-il ainsi avec un air d’évidence. « Vous n’aimez pas le côté populaire », lui reproche alors l’un des présents qui compare la suppression du feu d’artifice du 14 juillet et le coût de fonctionnement des Maisonnettes.

« Vous vous êtes engagé à ce que Gargenville reste un village sympathique », lui rappelle un autre présent qui assure avoir voté pour lui, avant d’en venir à la question du logement : « Il faut peut être déjà digérer Rangiport […] Je viens des Mureaux, ce n’est pas agréable. » Le premier magistrat reprend son slogan de campagne. « Ca reste un village, Gargenville », estime Jean Lemaire, prônant l’esprit plus que la lettre : « Il y a des endroits de Paris qui ressemblent à un village. »

Il rappelle qu’il militait pendant la campagne électorale contre « 600 logements pour des familles », au profit de « surfaces habitables ne générant pas forcément des obligations pour la commune », comme une résidence intergénérationnelle ou pour personnes handicapées (ou un foyer de jeunes travailleurs, pour lequel il est actuellement sollicité par Adoma, Ndlr). « Sur les 120 dossiers de demandeurs de logements sur mon bureau, 85 % sont des Gargenvilllois », conclut-il ce soir-là face aux reproches.