Élevé comme « visage de la République »

Un vibrant hommage national a été rendu à Samuel Paty, mercredi 21 octobre, depuis la cour de la Sorbonne à Paris. Le professeur a été décoré de la Légion d’honneur à titre posthume par le chef de l’État.

Le silence d’abord, les notes ensuite, puis les mots, tous ont résonné dans la cour d’honneur de la Sorbonne à Paris (Ve), lors de l’hommage national rendu ce mercredi 21 octobre à Samuel Paty.

Il est 19 h 30 et la nuit a pris place dans la cour de la Sorbonne, où sont installés pas moins de 400 invités. Proches du professeur, élèves franciliens, et responsables politiques, tous se lèvent d’un seul homme et sans un mot, à l’entrée de la famille de Samuel Paty. Quelques minutes plus tard, et alors que seul le bruit d’une lointaine sirène de police est perceptible, les premiers accords de guitare de One, la chanson du groupe U2, viennent frapper les murs de ce lieu symbolique puisqu’il loge l’académie de Paris.

Au fond de la cour d’honneur, les portes s’ouvrent. Sur les épaules de la Garde républicaine, le cercueil du professeur du collège conflanais du bois d’Aulne, est porté lentement jusqu’aux pieds des statues de Victor Hugo et Louis Pasteur. Derrière, lui succède la médaille de la Légion d’honneur remise à Samuel Paty à titre posthume, en début de soirée par le président de la République, Emmanuel Macron (LREM), dans l’intimité familiale. De même, l’enseignant a été fait Commandeur des Palmes académiques, comme l’avait annoncé Jean-Michel Blanquer (LREM), le ministre de l’éducation nationale au micro de BFM TV mardi 20 octobre dernier.

C’est le visage marqué qu’Emmanuel Macron s’avance sur l’estrade présidentielle après avoir écouté la lecture de Lettre aux instituteurs et institutrices de Jean Jaurès, par un enseignant proche de Samuel Paty ponctuée d’un « Adieu camarade ». Un poème du chanteur Gauvain Sers, écrit en mémoire de l’enseignant, et la lettre d’Albert Camus, adressée à son instituteur lors de la réception de son prix Nobel de littérature, ont également accompagné l’arrivée du cercueil.

Proches du professeur, élèves franciliens, et responsables politiques, plus de 400 invités ont assisté à l’hommage national rendu à Samuel Paty, mercredi 21 octobre.

« Je ne parlerai pas du cortège de terroristes, de leurs complices et de tous les lâches qui ont commis et rendu possible cet attentat, explique fermement Emmanuel Macron dès l’entame de son discours, avant de se tourner vers la famille du défunt dans un ton plus doux : « Ce soir je veux parler de votre fils, […] de votre frère, de votre oncle, de celui que vous avez aimé, de ton père…Ce soir je veux parler de votre collègue, de votre professeur, tombé parce qu’il avait fait le choix d’enseigner, assassiné parce qu’il avait décidé d’apprendre à ses élèves à devenir citoyens. »

C’est alors que le chef de l’État se missionne de dresser le portrait de Samuel Paty. Un professeur d’histoire-géographie qui « aimait les livres, le savoir, plus que tout » et voyait sa fonction comme celle « d’un chercheur en pédagogie ». Comme rappelé par Emmanuel Macron, l’enseignant avait étudié l’histoire à Lyon (Rhône) avant d’exercer dans plusieurs lycées et collèges jusqu’à celui de Conflans-Sainte-Honorine où il tenait un cours « sur la liberté d’expression et la liberté de conscience » (voir édition précédente).

« Nous continuerons, professeur. Nous défendrons la liberté que vous enseigniez si bien et nous porterons la laïcité, nous ne renoncerons pas aux caricatures, aux dessins, même si d’autres reculent », a assuré Emmanuel Macron, estimant que Samuel Paty est devenu vendredi 16 octobre « le visage de la République […] de la liberté et de la ­raison ».

L’hommage s’est achevé par une Marseillaise avant que le cercueil ne quitte la Sorbonne sur la symphonie n°3 de Mozart. « J’avais peur que ça soit trop, j’ai trouvé que c’était une cérémonie digne », confie la sénatrice des Yvelines, Sophie Primas (LR), à la sortie de la Sorbonne, saluant par la même occasion « le ton juste » d’Emmanuel Macron. Encore émue par le drame, la sénatrice attend désormais l’action du gouvernement. « Le sentiment que j’ai en quittant cette cour, c’est que ça fait trop de fois que je fais cet exercice, regrette-t-elle. Maintenant il faut passer à l’étape d’après, il faut réaffirmer nos valeurs de la République par des actes et pas par des mots ».