Et la lumière disparut

Les premières communes yvelinoises à éteindre ou réduire leur éclairage public l’ont fait pour des raisons environnementales. Bien d’autres pourraient cependant adopter cette solution... par nécessité d’économies cette fois-ci.

Eteindre partiellement ou complètement l’éclairage public ? Le mouvement est né il y a maintenant une décennie, avec des motifs environnementaux. En vallée de Seine comme en Île-de-France, cette pratique reste encore rare, malgré la satisfaction affichée des quelques communes l’ayant instaurée. Mais les restrictions budgétaires et l’augmentation du prix de l’électricité pourraient bien réussir là où l’écologie a échoué.

Les lampadaires de Rosny-sur-Seine ont été équipés d'horloges astronomiques : leur allumage suit au plus près l'heure des levers et couchers de soleil.
Les lampadaires de Rosny-sur-Seine ont été équipés d’horloges astronomiques : leur allumage suit au plus près l’heure des levers et couchers de soleil.

A la recherche de toutes les sources d’économies possibles, la majorité SE de Rosny-sur-Seine a ainsi décidé de s’attaquer au coût, écologique comme financier, des 900 lampadaires de la commune. Le réseau a été équipé d’horloges astronomiques, permettant d’économiser de précieuses minutes d’allumage en suivant au plus près l’heure des levers et couchers de soleil. Surtout, depuis le 1er octobre jusqu’à la fin de l’année, la mairie expérimente l’arrêt définitif de lampadaires dans le secteur de la gare, le long des rails, et laisse un luminaire allumé sur deux dans deux rues. En cas de succès, la majorité étendra cette initiative. D’autres options sont également sur la table, comme l’extinction entre 2 h et 5 h du matin, ou l’adoption d’ampoules à Led. « Nous avons une volonté de réduire nos émissions en CO2, mais l’impact économique a aussi une incidence non négligeable, même si ce n’est pas ce qui nous dirige à 100 %, explique l’adjoint aux travaux, Yvan Letourneau. Nous devons faire des économies. » A l’heure actuelle, l’électricité et les fournitures de maintenance coûtent plus de 72 000 € chaque année.

Pas encore décidée à Rosny-sur-Seine, l’extinction totale au cœur de la nuit est pour le moment la solution privilégiée, comme à Jambville, dans le Vexin…. suite à la demande pressante d’un habitant. « Depuis 2012, il s’arrête à 23 h pour reprendre le matin, vers 6 h, note, satisfait, le nouveau maire Jean-Marie Ripart (SE). Nous savons que cela représente environ 25 % d’économies sur l’éclairage public. »

« Dans les années 1980, il n’y avait pas d’éclairage la nuit », note, philosophe, Alain Durand, l’adjoint aux travaux de Oinville-sur-Montcient, qui a choisi d’éteindre au milieu de la nuit.
« Dans les années 1980, il n’y avait pas d’éclairage la nuit », note, philosophe, Alain Durand, l’adjoint aux travaux de Oinville-sur-Montcient, qui a choisi d’éteindre au milieu de la nuit.

C’est d’ailleurs le noir de la nuit jambvilloise qui a convaincu les élus de sa voisine, Oinville-sur-Montcient : depuis bientôt un an, ils éteignent leurs 160 points lumineux de 23 h 30 à 5 h 30. « Dans les années 1980, il n’y avait pas d’éclairage la nuit, ça ne nous semblait pas illogique de revenir au bon vieux temps », note, philosophe, l’adjoint aux travaux Alain Durand. Plus concrètement, les élus du village attendent de substantielles économies : environ 40 % de la consommation électrique. « Cela représente 5 000 € de moins chaque année, soit un point et demi de fiscalité ou 1 % de notre budget, c’est important », estime ainsi le maire Stéphane Jeanne (SE). Même si, en réalité, cela permet tout juste d’annuler les hausses successives du tarif de l’électricité depuis 2010.

Chez les communes les plus peuplées de la vallée de Seine, pour l’instant tout aussi timides sur le sujet que les villages, seule Les Mureaux se distingue par sa politique d’éclairage public. Equipés de contrôles individuels, 2 000 des 4 200 candélabres muriautins sont totalement éteints de 23 h à 5 h du matin. La mairie, qui privilégie les ampoules Led, en abaisse l’intensité lumineuse et va prochainement demander aux commerçants d’éteindre leurs enseignes. « Nous sommes dans une société qui a beaucoup appris à dépenser, et qui a du mal à revenir en arrière », estime Michel Carrières (DVG), l’adjoint chargé du développement durable. La mairie attend entre 40 et 50 % d’économies de consommation… dont elle espère qu’elles couvriront les investissements très importants consentis pour rendre « connectés » la totalité de ses lampadaires et les équiper de Led.

Sécurité : la crainte des élus

L’extinction nocturne des lampadaires communaux nuit-elle à la sécurité ? Dans les faits, cela n’a pas été le cas, dans aucune des trois communes de la vallée de Seine ayant engagé cette démarche. « Nous n’avons pas plus de problèmes avec ou sans éclairage public », constate ainsi Michel Carrières (DVG), l’adjoint muriautin chargé du développement durable, qui précise : « Il est par contre important d’éclairer les cheminements et passages piétons. »

L’Association française de l’éclairage (AFE), qui regroupe les industriels et est défavorable aux extinctions, met aujourd’hui en avant le sentiment d’insécurité. « Certains citoyens viennent nous voir à ce sujet lorsqu’il y a des vols, confirme le maire de Oinvillle-sur-Montcient, Stéphane Jeanne (SE), dont la commune éteint les lampadaires au cœur de la nuit depuis janvier dernier. Mais nous n’avons constaté ni augmentation, ni diminution. »