Dopées à l’intelligence artificielle, rien n’échappe aux caméras de vidéo-surveillance

Depuis un an, la Ville de Poissy utilise de l’intelligence artificielle pour décupler le potentiel de son centre de supervision urbain et sa centaine de caméras installées dans toute la ville.

Assis derrière le mur d’écrans du centre de supervision urbain pisciacais (CSU), ils voient tout. Depuis la création de l’équipement par la Ville en 2015, ils sont sept vidéo-opérateurs à scruter minutieusement, 365 jours par an, les images captées par la centaine de caméras installées dans toute la ville. Un travail fastidieux qui demande une vigilance de chaque instant puisqu’en cas d’accident, de délit routier ou de personne, ces petites mains du CSU sont parfois les premiers témoins et souvent le premier maillon de la chaîne de sécurité municipale. Pour les aider et améliorer l’efficacité de son système de vidéo-surveillance, la Ville utilise depuis un an de l’intelligence artificielle permettant de repérer immédiatement certaines infractions ou comportements suspects dans ses rues.

À Poissy, l’idée d’intégrer de l’intelligence artificielle au système de vidéo-surveillance est née en 2021 alors que l’ancien maire, Karl Olive (Ensemble), cherchait un moyen de lutter davantage contre le trafic de poids-lourd en transit dans la commune. Leur circulation avait beau être interdite dans le centre-ville, les contrevenants prenaient encore trop souvent des libertés au goût de la municipalité. Car même si les camions en infraction peuvent être filmés par les caméras de vidéo surveillance pisciacaises, encore faut-il que l’opérateur ait l’œil sur la bonne caméra au bon moment pour ensuite prévenir les agents de la police municipale sur le terrain qui intercepteront le conducteur.

C’est ainsi que la Ville s’est tournée vers la société XXII (prononcé twenty-two) qui propose d’intégrer au flux vidéo des opérateurs du CSU, un outil d’aide à la décision fonctionnant avec des remontées d’alertes. Très concrètement, dans le cas du trafic de camions, si un poids-lourd passe devant une caméra connectée à l’une des licences d’intelligence artificielle (IA) achetées par la Ville, l’opérateur recevra instantanément une notification sur son écran, même si ce dernier était occupé à surveiller d’autres secteurs de la commune.

Dans un souci de confidentialité, les images captées par les caméras de vidéo-surveillance ont été floutées.

« L’idée c’est de venir en aide à la décision pour les opérateurs : les algorithmes vont déporter une partie du traitement humain qui est compliqué à faire sur beaucoup de caméras pour dire à l’opérateur de porter l’attention sur l’événement en cours », détaille Souheil Hanoune, directeur de la recherche et développement du groupe XXII.

« Ça nous permet d’avoir une réactivité un peu plus grande sur le terrain », explique de l’intérêt d’une telle technologie le brigadier chef, Patrick Ployart, qui est responsable du centre de supervision urbain de Poissy. L’IA n’est pas sur toutes nos caméras, car cela a un coût, elle est répartie selon nos besoins. Aujourd’hui nous avons dix licences que nous pouvons utiliser sur différentes compétences comme le stationnement, la circulation poids-lourd ou par exemple la présence prolongée de certaines ­personnes sur la voie publique ».

Sur la centaine de caméras dont dispose la ville, 78 perchées sur la voie publique et une trentaine dans les bâtiments communaux, seules dix peuvent donc utiliser ce mécanisme d’alerte simultanément. « L’avantage c’est que vous pouvez basculer les licences d’une caméra à une autre car elles ne sont pas associées à une caméra spécifique », souligne Souheil Hanoune.

De même, chaque caméra qui utilise de l’intelligence artificielle n’est pas limitée à une seule compétence. Une caméra installée sur un boulevard urbain peut, dans le même temps, remonter de l’information sur le trafic de poids-lourds, détecter la présence de véhicules stationnés sur des emplacements interdits et effectuer un comptage sur le nombre de piétons qui circulent dans la zone.

Sur la centaine de caméras dont dispose la ville, 78 perchées sur la voie publique et une trentaine dans les bâtiments communaux, seules dix peuvent utiliser ce mécanisme d’alerte simultanément.

Ce dernier aspect a notamment été utilisé par le CSU durant la crise sanitaire, lorsque la circulation sur la voie publique était très restreinte par les périodes de confinement ou quand les règles de distanciation sociales étaient encore strictes. « Nous pouvions par exemple savoir à l’instant T si la jauge de public avait été dépassée dans la mairie », explique Patrick Ployart. La détection de personne peut également s’avérer être particulièrement utile en cas d’intrusion dans un bâtiment public. « Lorsque nous allons vouloir faire une relecture, nous aurons directement un signet sur la bande horaire donc un gain de temps très important puisque ça nous permet de ne pas devoir revisionner toute la bande », ajoute le brigadier chef.

« La sécurité reste une priorité, souligne la maire de Poissy, Sandrine Dos Santos (LR). Notre majorité a initié dès son arrivée à la tête de la collectivité en 2014 le déploiement des caméras de vidéoprotection sur l’ensemble des quartiers, avec le soutien des Pisciacais. C’est également avec le soutien des habitants que nous avons mis en place ce centre de supervision urbain innovant, qui fonctionne 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. Ce dispositif a permis, par son efficacité, de faire baisser la délinquance sur Poissy. Aujourd’hui la mise en place de l’IA de XXII contribue à renforcer et optimiser notre stratégie de sécurité, permettant une plus grande réactivité lorsqu’une situation anormale apparaît. Fort de cette expérience, c’est naturellement que nous allons pouvoir transiter vers une stratégie de ville intelligente », précise l’édile.

S’inspirant des besoins des communes pour créer de nouvelles compétences à leur intelligence artificielle, la société XXII travaille désormais sur un algorithme permettant de détecter les dépôts sauvages, un véritable fléau en vallée de Seine. Si la Ville de Poissy utilise déjà une première version de l’outil, qui ne permet que de détecter des arrêts de camionnettes dans des zones « sensibles », le responsable du CSU attend avec impatience une mise à jour plus poussée. Dans son bureau Souheil Hanoune ne manque pas de le rassurer : « On travaille sur une nouvelle version pour faire de la détection d’anomalie, c’est-à-dire qu’on va apprendre à l’algorithme quelle est la normalité dans une rue, il n’y a jamais des trucs verts ou noirs qui bloquent ou encombrent le trottoir, et donc faire une alerte sur une nouveauté qui reste dans le temps, ça peut être aussi quelqu’un qui s’est évanoui sur la chaussée ! »