Les internautes du forum jeuxvideo.com font craquer une mairie des Yvelines

Harcelée de canulars téléphoniques depuis le mois de juillet, victime de détournements sur différents sites internet, la municipalité yvelinoise d'Issou a porté plainte.

Le « délire » des internautes a eu raison de leur patience. Les élus d’Issou ont porté plainte suite aux nombreux canulars téléphoniques dont est victime la municipalité depuis juillet dernier. Ils ont aussi contacté le magazine jeuxvideo.com, hébergeur du forum où est né cet intérêt comique pour Issou. Dernière frasque en date : le vandalisme de la localité sur les services cartographiques de Google par l’ajout de photomontages, de commentaires, et des changements de nom.

La plupart des 4 300 habitants l’ignorent, mais leur commune est devenue la cible bien réelle d’une blague au départ purement virtuelle. « Ca s’est un peu calmé, on en a un de temps en temps maintenant », décrit-on de ces canulars téléphoniques à l’accueil de la mairie. Tous les services communaux ou presque sont en effet victimes, depuis trois mois, de ces appels faisant souvent référence à un mystérieux Risitas.

La commune est victime du dernier « délire » des utilisateurs du forum du magazine en ligne jeuxvideo.com, l’un des plus fréquentés de France.
La commune est victime du dernier « délire » des utilisateurs du forum du magazine en ligne jeuxvideo.com, l’un des plus fréquentés de France.

Ce Risitas représente le dernier « délire » des utilisateurs du forum du magazine en ligne jeuxvideos.com, l’un des plus fréquentés de France. Régulièrement comparée à ses cousins américains Reddit et 4chan, la communauté jeune et potache de ses sous-sections « 15-18 » et « 18-25 » n’est jamais à court d’idées. C’est ainsi sur ce forum que la vidéo polémique du footballeur parisien Serge Aurier avait été diffusée en début d’année.

Une séquence vidéo d’El Risitas, du nom de scène d’un comédien espagnol, Juan Joya Borja et mise en ligne sur Youtube en 2007 (visible ci-dessous, Ndlr), est réutilisée dans un but comique sur internet depuis 2012. La communauté de jeuxvideo.com s’en empare en juin 2016. Elle réalise de nombreuses parodies, s’amuse du mot « Issou », déformation de la prononciation de « Jesus » par l’acteur… avant de s’en prendre plus directement à la seule commune de France ainsi nommée.

Cet été, ils publient des enregistrements d’appels farfelus passés à la municipalité issoussoise, notamment sur Youtube. Dans l’un d’eux, un internaute se dit ainsi intéressé à habiter dans la commune, et demande des détails relatifs à la vidéo d’El Risitas. Pas vraiment amusés par ces canulars, les élus, qui n’ont pas souhaité commenter la situation, ont porté plainte au commissariat de Mantes-la-Jolie au mois d’août.

Les jeunes forumeurs décident également de détourner la présence sur internet de la commune. Les sites internet collaboratifs, comme Wikipedia ou Google maps, sont entre autres visés. L’encyclopédie en ligne, fidèle à sa bonne réputation, résiste facilement à ces tentatives de vandalisme. Ce n’est pas le cas de la carte en ligne du moteur de recherche américain, modifiable par tout un chacun avec l’outil Google map maker.

Les détournements touchent également les communes voisines de Gargenville et de Porcheville.
Les détournements touchent également les communes voisines de Gargenville et de Porcheville.

Alors, depuis quinze jours, l’internaute cherchant son chemin à Issou consulte sur le web une carte lourdement modifiée. Des commentaires très élogieux mais totalement absurdes fleurissent, et des photomontages insérant l’acteur espagnol apparaissent sur les différents points d’intérêt. La route départementale est renommée « Issou risitas », le parc du château devient celui « de la chancla ». Les détournements touchent également les communes voisines de Gargenville et de Porcheville.

Au-delà des bâtiments publics, plusieurs entreprises sont concernées par ce canular cartographique. « C’est étonnant, cette histoire », note la propriétaire de la « Pharmissou ». Au « Lidl Chez petit prolo », l’on sourit de la blague, jugée nettement plus inoffensive que le braquage vécu il y a une dizaine de jours. «  Ca peut être gênant si les gens ne nous trouvent plus avec le nom de la société », observe-t-on quelques portes plus loin, chez Protherm isolation, devenu pendant quelques jours « Protherm issoulation ».

Le magazine jeuxvideo.com a demandé l'arrêt des canulars sur son forum début octobre.
Le magazine jeuxvideo.com a demandé l’arrêt des canulars sur son forum début octobre.

Début octobre, la mairie manifeste directement sa colère auprès du magazine jeuxvideo.com. Si ce dernier n’a pas répondu à nos sollicitations, son modérateur principal, Frédéric Fau, s’est néanmoins exprimé sur le sujet le 7 octobre dernier. « Nous avons été contactés par la mairie d’Issou, publie-t-il sur le forum. Les nombreux appels qu’ils reçoivent à propos du délire Risitas/Issou les empêchent de faire correctement leur travail. […] A force, c’est lourd ! »

« Nous avons supprimé 3 topics qui abordaient le sujet de la mairie d’Issou et qui incitaient à faire des canulars », poursuit le responsable des communautés de jeuxvideo.com.Il enjoint les farceurs à « continuer à faire de ce délire un délire bon enfant et sympathique ». Le nombre d’appels quotidiens a bien décru depuis le pic de cet été, mais la communauté d’internautes ne semble pas tout à fait décidée à laisser tomber son « délire », créant aussitôt de nouveaux sujets sur le forum.

Les forumeurs n'en ont visiblement pas fini de rigoler avec Issou, à en juger par le nombre de sujets dédiés sur jeuxvideo.com.
Les forumeurs n’en ont visiblement pas fini de rigoler avec Issou, à en juger par le nombre de sujets dédiés sur jeuxvideo.com.

L’un propose « les conditions de paix » pour l’arrêt des hostilités envers la mairie, d’autres suggèrent au choix l’organisation d’un pique-nique ou d’une soirée de nouvel an dans la commune. La demande de location d’une salle a cependant peu de chance d’aboutir en mairie d’Issou, où les détournements cartographiques ne font pas plus rire que les canulars téléphoniques.